Algérie (21/06/2019) : Un vendredi pas comme les autres

Le dix-huitième vendredi du soulèvement populaire algérien a été le vendredi de l’union et de la réconciliation avec soi. Comme à l’accoutumée, les Algériens se sont montrés, à travers tout le territoire national, à la hauteur de la situation. Plus soudés que jamais, ils ont bravé, côte à côte, les tentatives d’interdire le drapeau amazigh dans l’espace public. Malgré les instructions données aux forces de l’ordre, depuis le discours du 19 juin de Gaïd Salah, d’intercepter tout emblème autre que l’emblème national, le drapeau amazigh a quand même flotté en toute fierté en réponse à une décision qui a suscité beaucoup d’indignation ici et là.
A ce sujet, il importe de souligner que ce drapeau est investi d’une forte symbolique largement partagée par les berbérophones d’Afrique du Nord et ceux de la diaspora. Bien plus qu’un simple morceau de tissu aux couleurs chatoyantes, ce drapeau signifie beaucoup de choses pour ceux qui le brandissent, cristallisant à lui seul toute une identité à reconquérir, une terre à défendre, une langue à valoriser. Il renvoie à l’Homme confortablement installé dans sa nature et sa culture, à l’Homme qui regarde loin tout en étant attaché à ses racines.
De toute manière, les sociétés humaines ont besoin de ce type de symboles pour faire face à l’adversité de l’espace et du temps qui, l’un comme l’autre, concourent inexorablement à la reconfiguration des imaginaires en circulation. On ne peut donc empêcher quelqu’un de se sentir en confiance à l’ombre du drapeau qu’il s’est choisi pour réclamer son existence. Libre à chacun de faire usage des symboles qui lui parlent. Toute personne douée de raison est appelée à choisir sa voie parmi un nombre infini de possibilités. La diversité est en cela l’essence même de la vie humaine. S’il arrive quelquefois que des chemins se croisent ou bifurquent, ceci fait également partie des schémas auxquels les humains sont habitués.
L’identité et l’altérité ne deviennent antinomiques que lorsque l’une tente d’exclure l’autre au nom d’une vision monochrome de la réalité. Sur ce plan, les Algériens ont bien conscience que la vie n’est pas faite d’une seule couleur. C’est, ailleurs, la raison pour laquelle ils n’ont pas mordu à l’hameçon de la provocation ni à celui de la division.
Bien évidemment, rien n’est plus dangereux pour le moment que d’engager le pays dans un bourbier identitaire où le moral même des troupes risque de prendre un sacré coup. Aucun argument ne justifierait un tel dérapage. Parfois, il suffit d’une seule parole prononcée à la légère pour provoquer des dégâts irréparables. Le danger est encore plus grand quand cette parole constitue en elle-même un acte prémédité. D’où l’intérêt de parler peu et d’écouter beaucoup.
Cela dit, les Algériens ont réussi avec brio cette énième épreuve. Ce dix-huitième vendredi a permis à tout un chacun de tester la fiabilité de son instinct profond et d’exercer sur le terrain son intelligence. Finalement, tout fonctionne à merveille. Et c’est tant mieux !
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