Algérie : si le Hirak m’était conté
C’est en secouant l’arbre qu’on fait tomber le fruit. L’humanité a compris ce principe depuis des temps immémoriaux, marquant ainsi son passage de la nature à la culture. L’expression latine « ex nihilo nihil fit », qui signifie « rien ne vient de rien », témoigne justement de l’éveil précoce de l’esprit rationnel qui consiste à accorder de l’importance à l’aspect processuel des phénomènes factuels. Cela revient à dire que n’importe quel projet doit nécessairement reposer sur une série d’efforts convergents afin d’aboutir.
Le cas algérien est en cela intéressant à observer, compte tenu de la démonstration qu’il donne à voir concernant l’ampleur de la prise de conscience politique au sein de la société civile. Le mouvement citoyen actuel possède en fait toutes les caractéristiques d’une révolution moderne. Moderne par son caractère massif, grâce auquel tout le monde se sent partie prenante par-delà tous clivages possibles. Aucun groupe de quelque nature que ce soit n’a, à ce stade, la prétention de monopoliser la parole et encore moins la légitimité en matière d’engagement politique.
A regarder de près l’évolution de la situation sur le terrain, il semblerait que les Algériens se soient donné un nouveau rendez-vous avec l’Histoire. Représentant la majorité de la population, la jeunesse de ce pays a totalement conscience de son devoir. Elle a conscience qu’elle n’a surtout pas droit à l’erreur. Faire preuve de solidarité et de civisme, tel est l’enjeu de cette phase charnière.
En prônant la rupture comme mode d’emploi, les Algériens frappent à la porte d’un destin bien meilleur avec l’espoir que celle-ci s’ouvre incessamment. L’Algérie de demain ne peut en aucun cas ressembler à celle d’hier, c’est-à-dire celle de la fraude électorale et du statu quo chronique, celle des arrestations arbitraires et des inégalités frappantes.
En revenant à l’image de l’arbre et du fruit évoquée plus haut, l’on constate que le peuple algérien ne s’est pas contenté de secouer le régime en place. Il faut voir la manière dont il l’a ébranlé ! Pourtant, pour le faire, il n’a usé ni de hache ni de bulldozer. Il a juste sollicité les ressources inépuisables du génie humain, à commencer par le sourire et le rire.
Le printemps de l’Algérie n’a jamais été aussi beau que pendant cette période de grande effervescence populaire, où drapeaux, banderoles et pancartes jonchent l’espace public dans une ambiance assortie de slogans et de chants chargés d’une sémantique et d’une rhétorique exceptionnelles. Des hommes et des femmes se sont mis d’accord sur la nécessité de jeter les jalons d’une République qui soit à la hauteur de leurs aspirations. Une République où les paroles sont systématiquement suivies de gestes concrets.
Pour la première fois dans l’histoire de ce pays, les vendredis ont cessé d’être de simples jours de repos, se transformant à l’occasion de ce réveil collectif en dates mémorables. Il y a ainsi autant de manifestants dans les rues que d’étoiles dans le ciel d’une nuit paisible. Toutes les villes à l’échelle nationale ont découvert, en l’absence de toute idéologie sous-jacente, les vertus de la mobilisation.
Evoluant de manière plutôt diffuse que linéaire, ce mouvement populaire ne s’inscrit dans un aucun schéma possible. Etant donné qu’il doit son originalité à l’implication de tout un chacun, il résiste de facto à toute forme de catégorisation préconçue. C’est là, justement, où réside toute sa grandeur.
Indépendamment de la force du nombre dont il ne peut que se réjouir en pareilles circonstances, le peuple algérien se distingue surtout par sa force de caractère. Sûr de lui-même, il ne cède à aucune tentation aussi assaillante soit-elle. La noblesse de sa cause ne lui autorise pas d’éventuels compromis ou compromissions, surtout pas en ce moment où il est à deux doigts de la victoire.
Le monde a jusque-là tout vu et entendu. Il se souviendra à tout jamais de cette révolution comme d’un événement singulier dans l’histoire des nations. Désormais, il n’y a plus aucun souci à se faire quant à l’avenir de ce peuple dont des générations entières de ses enfants viennent d’être marquées par le sceau de l’émancipation.
Mokhtar Boughanem
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