AQMI, une chimère légitimée par son action contre la France ?
Satellite autoproclamé d’Al-Qaeda, l’organisation terroriste, Aqmi, qui sévit dans la zone sahélo saharienne, principalement au Mali, en Mauritanie et au Niger, fait encore parler d’elle. Un jeune homme, qui se prévaut de la nationalité tunisienne, vient d’expliquer l’attentat perpétré contre l’ambassade de France au Mali par son allégeance au groupement djihadiste. Il faut se rendre à l’évidence, malgré les hommes de bonne volonté et les espaces de dialogue sur la religion, ouverts ci ou là, l’idéologie salafiste mobilise, en Asie, au Moyen orient et aujourd’hui dans la région sahélo saharienne.
Fait troublant, proliférant dans un contexte de déséquilibre international, les organisations terroristes qui se réclament d’Al-Qaeda semblent trouver leur légitimité, non pas dans leurs déclarations d’allégeance à Oussama Ben Laden, ou dans la référence à un islamisme politique mais dans les actes de grand banditisme, largement médiatisés, dont ils sont les auteurs : enlèvements, attentats, menaces, trafics.
C’est ainsi, qu’aux branches de L’Irak, du Yémen et du Pakistan, vient se greffer en 2007, une nouvelle venue d’Afrique, Aqmi, née du rapprochement en 2006, du Groupement salafiste pour la prédication et le combat, GSPC, ( exGIA responsable en 1994 du détournement d‘avion à Marseille) et d’Alqaeda. Cette organisation, en s’installant au nord Mali, se donne une nouvelle identité et déplace ainsi le combat de l’islamisme politique, de l’Algérie à la zone sahelosaharienne. Il est vrai qu’après les attentats les plus meurtriers jamais perpétrés à Alger, en 2007, la survie du groupe terroriste était en jeu. L’objectif de création du grand Maghreb islamique et de rayonnement sur l’Europe s’est heurtée aux dissensions traditionnelles des pays de cette zone. Le Djihad contre l’occupant en Irak leur avait donné, un temps, une seconde légitimité. C’est pour cela que les camps de l’Aqmi, étaient considérés, jusque là, par les marocains, les tunisiens et les libyens comme un lieu de passage, sur la route de l’Irak. Ce n’est plus le cas, aujourd’hui, le djihad algérien ne semble pas avoir d’écho dans leur engagement dans le combat islamiste. Seuls, les mauritaniens, déjà présents en Afghanistan, dans les années 1990, comme dispensateurs de la doctrine, restent majoritaires, aujourd’hui, avec d’autres ressortissants de pays d’Afrique, aux côtés des algériens.
Mais en même temps, son dirigeant algérien Abdelmalek Droukdel, en s’éloignant de la sphère d’influence des services de sécurité de son pays, s’expose à plus de risques du fait de son activité principale, l’enlèvement d’occidentaux. Pour sa part, devenu un label, Alqaeda peut désormais se prévaloir de satellites en Afrique, ce qui permet à l’organisation de justifier ses visées mondiales, sans pour autant totalement les accepter comme de véritables remembrements. Pour certains analystes, en effet, l’organisation de Ben Laden avait, bien souvent, par l’intermédiaire de Zawahiri pris ses distances avec l’Aqmi, considérant certaines de ses actions comme déviantes, principalement les attentats perpétrés contre des musulmans. Mais avec la déclaration d’octobre 2010 de Ben Laden, intitulée « message au peuple français », justifiant la prise d’otages au Niger (cinq otages capturés le 16 septembre à Arlit, site minier du groupe nucléaire français situé dans le nord Niger) par la situation des musulmans en France et exigeant le retrait de ce pays d’Afghanistan, on entre dans une nouvelle logique, qui marque une nouvelle phase des relations entre Aqmi et Elqaeda.
En effet, le message d’Oussama Ben Laden, adressé à la France, semble venir à point nommé assoir une légitimité qui faisait défaut à l’Aqmi, considérée désormais comme une antenne au Sahel de l’organisation. Jusque là, le groupement djihadiste, oscillait entre le soupçon d’être infiltrée et pilotée par la sécurité militaire algérienne et celui de n’être qu’un satellite autonome, pratiquant un « terrorisme solitaire », sans grand risque.
Ce qui est troublant, c’est qu’il est difficile de faire la part dans les motivations des deux Katibas, brigades, composant l’Aqmi (katiba Al- Moulathamoune de Belmokhtar Mokhtar et Katiba Al-Fathihine d‘Abdelhamid Abou Zeïd (ex Tariq Ibn Ziyad), du religieux, du politique et de l’économique. Les perceptions de l’opinion internationale tendent à la simplification laissant apparaître Aqmi comme une organisation animée d’une véritable idéologie politique religieuse, l’islamisme, qui prônerait un djihad, stratégie de confrontation entre « le croissant et la croix ». Les analystes le savent depuis longtemps, l’identification de l’islamisme avec l’islam a été rompue, et l’absence de réelle culture religieuse de la plupart des combattants djihadistes, bien établie. Le grand risque, en revanche, c’est que le groupement djihadiste commence à accumuler, grâce aux rançons obtenues des pays européens et au trafic de drogue qu’on lui prête, un véritable trésor de guerre. Le paiement de rançons, jusque là, solution de commodité pour les européens, au travers d’intermédiaires mauritaniens et maliens, se révèle problématique, donnant lieu à de véritables surenchères et à la multiplication des prises d’otages, dérives dénoncées par l Algérie.
Cependant pour beaucoup de spécialistes du terrorisme djihadiste, qui n’en minimisent pas pour autant la menace, les instances politiques semblent exagérer les capacités des deux Katibas, qui constituent l’Aqmi. Leur arsenal militaire composé essentiellement de mitraillettes, d'armes automatiques, PMAK, de lance roquettes et de pièces de canons portés par des véhicules tous terrains, n’aurait de prétendue puissance que probablement dans la connaissance du désert et dans la mobilité extrême des quelques cinq cents hommes qui les portent ( dans le Tanezrouft algérien ou au nord du Mali) ainsi que dans l‘étendue du réseau de complicités des zones tribales. Les combattants, recrutés majoritairement dans la région du Sahel et au Maghreb, sont généralement des novices en matière militaire.
L’Aqmi n’est donc pas une organisation puissante, mais ce sont les stratégies pour la combattre qui semblent dénuées de réalisme. Paradoxalement, c’est l’acceptation de la négociation et du principe de la rançon ainsi que la médiatisation de ces derniers, qui tout en renforçant les capacités de l‘organisation terroriste, établissent au yeux des recrues potentielles et des alliés, une image attractive de l‘Aqmi, tout à la défaveur des occidentaux. Le groupement djihadiste réussit ainsi à apparaître, aux yeux de l’opinion mondiale, comme un interlocuteur comme un autre, tout en inscrivant son combat dans une idéologie qui n’existe pas.
Mais il est à craindre, avec la nouvelle donne, Abdelkader Droudkel, Moktar Benmokhtar, Abdelhamid Abouzaid, qui jusque là agissaient au nom de Oussama Ben Laden, sans véritable délégation, se prévalant maintenant de sa bénédiction, deviennent plus offensifs dans leurs ambitions djihadistes …. La menace devient alors, peut- être, bien réelle.
Alain Bart pour Ciesma
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