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Argent = Bonheur, sauf quand on n’en a pas... (Corée du Sud)

L’argent, le fric, le pèze, l’oseille, les biftons, le flouze, les ronds, le pognon, le blé… voilà aujourd’hui ce qui fait le bonheur en Corée du Sud. Dur à comprendre pour certains. Vérité quotidienne pour de nombreux Coréens.

Tout tourne autour de l’argent. Que vous ayez 20 ou 60 ans, vous vous distinguerez de l’autre par votre capacité à sortir des « liasses de billet » devant l’autre. Pour certains, ce sera avoir le dernier smartphone, pour d’autres la dernière BM ou la « Hyundai deluxe full-option limousine » (oui, c’est du luxe en Corée). Pour certaines, ce sera avoir fait la dernière opération de chirurgie esthétique tendance, pour d’autres ce sera partir cinq jours sur l’un des plus beaux terrains de golf de la planète. Il n’y a qu’à jeter un œil à la dette des foyers : une moyenne de 108 748 dollars de dette par foyer en Corée du Sud en 2010. Et c’est amour pour l’argent se transmet de génération en génération. Le dernier sondage d’opinion mené par une agence de publicité auprès de 200 personnes montre que l’argent est devenu le principal objectif de réussite des jeunes Coréens. La jeune génération ayant vécu la crise financière de 1998, soit les jeunes ayant aujourd’hui entre 25 et 31 ans, considère l’argent comme LE but ultime dans leur vie à hauteur de 78.5%. Pour 60% d’entre eux, la richesse représente le succès, et 68% s’estiment heureux si leur « niveau de vie matériel » (équipement, mobilier, etc.) est élevé. Pour leurs aînés, le taux est moins élevé mais reste important avec respectivement 50.7% et 65.6% des 41-49 ans estimant que la richesse est le succès et le niveau de vie matériel nécessaire à leur bonheur. 

M
ais le paradoxe est là. Plus ils sont riches, et plus ils sont heureux, mais ce qui rend le moins heureux les Coréens, c’est l’argent. Il n’est pas rare d’assister à des suicides pour des problèmes financiers (remboursement de dette impossible, soucis financier interfamiliaux, licenciements, etc.). Selon une récente enquête menée par Gallup et Global Market Insight, seulement 7.2% des Coréens ne ressentent aucune relation entre le bonheur et la richesse, contre 24.3% dans les pays analysés (USA, Brésil, Indonésie, Finlande, Danemark, Malaisie, Vietnam, Canada, Australie). 7.2%, c’est le même pourcentage de gens se considérant vraiment heureux en Corée, la plus petite proportion par rapport aux autres nations (33.9% en moyenne). Mais ce qui est le plus étrange, c’est que, si à l’étranger la richesse est un signe plutôt de dure labeur et de récompense, en Corée, 66.4% estiment que les personnes riches ne le sont devenues que parce qu’elles ont reçu un héritage. 57.6% parlent même de corruption et de moyens illégaux d’obtenir de l’argent. Il y a par conséquent une double vision. Ou plutôt il y a ce qu’il faut dire et ce qu’il faut devenir. Le Coréen espère devenir riche, mais déteste les riches. 

L
orsque vous êtes en Corée, le rapport à l’argent est permanent. A titre indicatif, un Coréen possède en moyenne entre trois et quatre cartes de crédit. Que ce soit dans votre relation, votre profession ou avec vos amis, l’apparence est ce qui compte le plus, et dans une société de super-consommation comme la Corée, l’argent est ce qui permet d’apparaître en bonne forme. Il y a un an était publié l’articleInvestissez dans le mariage ! qui soulignait l’importance de l’argent lors du mariage. « Pourquoi sortir avec une fille attractive mais assistante dans une banque alors qu’il est possible d’en trouver de toutes aussi jolies avec un pouvoir d’achat beaucoup plus important ? » se posaient alors de nombreux Coréens en quête de leur promise. Cela permet de cumuler les salaires et de paraître aux yeux de la société comme un couple riche et heureux. En janvier 2010, l’enquête menée par l’agence matrimoniale révélait alors que 50% des femmes donnaient la priorité à l’argent lors de la recherche de leur futur époux. L’endettement des foyers arrivent généralement peu après le mariage, le mari devant emprunter des dizaines de millions de wons pour acheter un appartement et une belle voiture afin de laisser transpirer une bonne « santé financière ». Les Coréens en quête de l’amour de leur vie sont obligés de faire leur preuve financière. Dans un pays où la culture du « speed dating » est plus que courante, les hommes ont droit à des questions bien ciblées par leur possible future conjointe : Quelles études ? Montre la capacité de la famille à payer une bonne éducation puis une grande université à leur fils. Quels biens ? Permet de savoir si l’homme possède d’ores et déjà des biens fonciers, signe de richesse. Quelle situation familiale ? Permet d’identifier une famille solide et donc financièrement puissante ou non. Oui, en Corée du Sud, l'argent fait bel et bien le bonheur !

AROSMIK - 20110209
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5 réactions à cet article    


  • easy easy 9 février 2011 13:05

    J’ai passé mon enfance à Saigon.

    Il y avait, dans les années 50-60 une diaspora chinoise constituée des plus commerçants, des plus entreprenants parmi les habitants de la Chine ayant choisi d’en partir quand elle s’était déchirée entre la tradition impériale et la convoitise des Occidentaux.
    Le Vietnam avait clairement subi 1000 ans d’influence chinoise. Mais la présence de cette diaspora chinoise à Cholon, ville voisine de Saigon, que la colonisation française avait eu bien du mal à maîtriser, enfonçait le clou de cette sinisation du Vietnam.

    Le résultat c’est que, par exemple, la fameuse fête du Têt est très rouge de couleur (parce que c’est la couleur du bonheur en Chine. D’où le rouge des pétards) et bourrée de références à l’argent (faux billets, faux lingots d’or offerts sur les autels, à l’intention des morts)

    Et les gamins, chez eux, entre voisins, sur les trottoirs devant les écoles, jouaient à mille sortes de jeu ayant la plupart du temps comme enjeu final, de l’argent.

    C’est un des pays où à tout coin de rue, que dis-je tous les 3 m de rue, on voit des gens, des enfants (dont le sens est alors bien différent d’ici) vendre des trucs, des bidules, des machins, bouffe, cigarettes, friandises, gadgets...) Plus que n’importe où ailleurs.

    L’enfant de Saigon de l’époque était donc hyper névrosé non exactement de l’argent en masse, car la masse, la fortune, ça n’existait pas, c’était hors de concept de la plupart des gens, maisdu petit jeu de l’argent.

    Toute leur attention étaient tendue vers les petites actions susceptibles de rapporter quelque pièce ou billet.

    Vous savez, une névrose, il faut la regarder de près. Par de moindres détails, elle entraîne dans une direction ou dans une toute autre.
    Et là j’insiste, la névrose du fric, chez les Saigonnais d’alors était de se faire du petit fric, très souvent, constamment, du petit fric. Il y avait donc dans cette vision obsédante, la considération que l’argent devait obligatoirement tourner, circuler, vite, vite, passer d’une main à une autre. Observez le commerce de rue en Extrême-Orient et vous verrez ce qu’on ne voit pas ici : l’argent circuler.


    Puis il y a eu l’influence Occidentale avec principalement les études poussées, l’acquisition des diplômes pour, plus tard, avoir un bon métier. Et la préoccupation à étudier a pris progressivement le dessus sur les jeux de rue, de trottoir. Chacun s’est replié dans sa chambre en sacrifiant ses instants présents, en investissant du sacrifice présent pour un futur meilleur. Et ce futur meilleur, ce fantasme qui se vit isolément des autres, ouvre la porte aux délires. D’autant que les médias de plus en plus présents montrent des cas de fortunes colossales édifiées un peu partout sur la planète.


    Petit à petit, l’attrait pour l’argent s’est transformé. Il est passé d’une passion pour le jeu de billes ou de combat de coqs où l’on gagne trois sous, le jeu étant lui-même une composante énorme de cette passion, à une passion pour la fortune. Ce qui est toute autre chose.

    Dans la névrose d’autrefois, il allait de soi qu’il fallait des partenaires de jeu. Il était donc indispensable d’être urbain, agréable, gai. Et il était également indispensable d’aider un ruiné à se rétablir en lui prêtant trois sous. On se prêtait tout le temps de l’argent, de personne à personne (la tontine étant un des aspects de ce principe).

    Alors que dans la nouvelle version de cette névrose, on n’a plus du tout besoin de partenaires de jeu. On ne se voit pas jouer avec qui que ce soit. On se voit jouir de la seule possession de la fortune et des biens matériels qu’elle procure.
    Dans la nouvelle version, les autres peuvent bien crever.

    Je considère qu’actuellement, le Vietnam pourrait être un des derniers endroits d’Asie où il reste encore une part conséquente de la névrose ancienne formule, celle qui place le jeu au centre de l’affaire. Celle où l’on n’envisage pas la fortune. Celle où l’on explose de joie pour avoir gagné à un jeu de cartes. Celle où il faut des camarades de jeu. Celle où il faut que ça grouille, celle où il faut des éclats, des cris, des rires. Celle où l’argent permet de jouer avec les autres, de créer des cris, des rires.

    De nos jours, en France, l’exemple des énormes yatchs nous montre que l’objectif est de faire fortune pour s’isoler, pour pouvoir vivre sur une île où tout est façonné à sa manière. Cet objectif névrotique est bien plus difficile à avouer, et pour cause puisqu’il est associal, puisqu’il méprise le grouillant.

    La névrose fric-jeu, quoique névrose donc forcément un peu inconnue par soi-même, pouvait tout de même s’avouer indirectement. On disait très clairement qu’on avait envie d’aller voir des potes pour jouer aux cartes avec eux.

    La névrose fric-fortune, elle aussi nous échappe en zone de semi-conscience, mais elle est forcément bien plus muette puisque par essence, elle va à écraser complètement les autres et vise l’isolement maximal dans le confort matériel maximal.


    • Marianne Marianne 9 février 2011 16:11

      Article très intéressant, de même que l’ensemble de vos articles sur la Corée du Sud. Du coup je me suis abonnée à votre newsletter. Je finis d’écrire un livre sur le modèle de société et dans un chapitre compare les modèles de société de différents pays. Vos témoignages et analyses sont éclairantes.
      Peut-on vous demander ce que vous faites dans la vie et pourquoi votre blog est ciblé sur la Corée du Sud ?


      • Arosmik Arosmik 10 février 2011 05:48

        nous pouvons échanger par mail si vous le souhaitez : [email protected]



      • missionaryman missionaryman 9 février 2011 18:10

        Article très intéressant, continuez !
        Votre vision du jeu-petit fric comme lien social ne m’était jamais venu à l’esprit..
        A vous lire de nouveau !


        • RogerTroutman RogerTroutman 10 février 2011 02:42

          Exactement comme au Japon alors : on habite dans des boites à chaussures pour économiser en loyer et se payer des manteaux Burberry, on se prostitue à la sortie du lycée pour acheter un sac Louis Vuitton, on en met plein la vue avec des jantes alu sur une Mercedes avec un emprunt monstrueux derrière, on ne juge les gens qu’à leur profession, leur niveau d’études, le classement du lycée et même de l’école primaire qu’ils ont fréquenté, la réputation du quartier où ils habitent... Selon une étude récente 70% des jeunes femmes de moins de 25 ans sont intéressées par les hommes gagnant plus de 200 000 euros par an, et 30% n’envisagent pas d’épouser un homme moins riche que ça...


          C’est consternant, mais en même temps rassurant parce qu’on se dit que la civilisation occidentale n’est pas la seule à sombrer.

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