Au Brésil, le choc des titans...
« Dieu est au-dessus de tous. Cette histoire d'État laïque, c'est n'importe quoi. L'État est chrétien, et la minorité qui est contre cela, qu'elle parte. Les minorités doivent se soumettre à la majorité. » (Jair Bolsonaro, février 2017 à Campina Grande).
Une phrase parmi d'autre du Président brésilien sortant, à comparer avec cette réflexion du grand Albert Camus : « La démocratie, ce n'est pas la loi de la majorité, mais la protection de la minorité. ». Grande surprise à l'issue du premier tour de l'élection présidentielle au Brésil : le Président sortant Jair Bolsonaro a obtenu beaucoup plus de voix que ce que les sondages prévoyaient face à l'ancien Président Lula.
Ce dimanche 2 octobre 2022, 156 454 011 électeurs brésiliens étaient convoqués et 79,0% sont allés voter (ce qui correspond à peu près à la participation de l'élection précédente en octobre 2018 ; le vote est obligatoire pour les électeurs de 18 à 70 ans). Alors que l'ancien Président Lula (Luiz Inácio Lula da Silva) espérait gagner cette élection dès le premier tour, il n'a obtenu que 48,4% (ce qui reste beaucoup dans d'autres contextes nationaux) et est talonné par Jair Bolsonaro à 43,2%, ce qui nécessite un second tour pour les départager, qui aura lieu le 30 octobre 2022.
Ce résultat a de quoi surprendre puisque les sondages d'intentions de vote donnaient autour de 45% à Lula et seulement autour de 33% (les derniers sondages donnaient même 50% à Lula et 36% à Bolsonaro). Assez impopulaire, Jair Bolsonaro semble avoir rattraper une partie de son retard et s'il n'est pas le favori pour le second tour, il peut encore surprendre d'ici à quatre semaines.
La campagne électorale a été très dure entre les deux camps, et cette âpreté continuera donc pendant encore quatre semaines. Quels sont les enjeux de cette élection ? Il s'agit de deux visions de la société.
Jouissant d'un fort soutien des classes populaires impactées par la crise économique, Lula, à 76 ans, tente un come-back politique inespéré. Élu et réélu Président du Brésil de 2003 à 2011, il est descendu aux enfers jusqu'à être arrêté, condamné en 2017 et incarcéré du 7 avril 2018 au 8 novembre 2019, pendant plus d'un an, pour fait de corruption, jusqu'à ce que la Cour Suprême a considéré que cet emprisonnement était abusif (en 2021, il est quasiment lavé de toutes ses condamnations et il a été établi qu'il a été victime d'un complot pour l'empêcher d'être candidat en 2018). Pour cette raison, en effet, il n'a pas pu concourir à l'élection présidentielle de 2018 (comme aux États-Unis, un Président ne peut fait plus de deux mandats de quatre ans successifs, mais peut se représenter ensuite). À titre personnel, son élection permettrait d'effacer politiquement ses anciens déboires judiciaires.
Sur le plan politique, et les résultats de ce premier tour le confirment, Lula semblait être la seule personnalité à pouvoir affronter le Président sortant de manière efficace. Alors qu'il avait réussi à sortir 30 millions de personnes de la pauvreté lors de ses premiers mandats, Lula suscite beaucoup d'attente pour réduire cette fracture sociale et faire baisser les conséquences de la crise économique. Néanmoins, sa proximité avec le centre droit (il a choisi pour Vice-Président Geraldo Alckmin, figure de la bourgeoisie conservatrice, pour rassurer les marchés) va probablement éviter de faire une politique à gauche toute, même s'il a préconisé une augmentation des impôts pour les plus riches.
Soutenu par les milieux évangélistes très actifs dans les classes populaires, les lobbies des armes, les industriels de l'agriculture, et favorable à la poursuite des réformes visant à réduire l'intervention de l'État, Jair Bolsonaro, à 67 ans, n'a pas su montrer un bilan très positif de sa Présidence principalement marquée par une gestion calamiteuse et irresponsable de la pandémie du covid-19 (avec près de 700 000 personnes qui sont mortes du covid-19), la destruction de l'Amazonie et une image internationale du Brésil déplorable.
Même si, en absolu, il y a eu plus de déforestation sous les mandats de Lula, ce dernier a tenté de les réduire, tandis que Bolsonaro, appelé le Trump des tropiques, l'a au contraire augmenté au fil des années au profit des industriels, refusant de prendre en compte les considérations écologiques internationales.
La remontée électorale de Jair Bolsonaro a été une surprise dans ce premier tour, ce qui confirme une fois encore qu'un scrutin n'est jamais acquis avant la fermeture des bureaux de vote. Les Brésiliens vont donc continuer à vivre quatre semaines au rythme d'un duel sans concession, où la haine et la mauvaise foi ne semblent pas de nature à redorer l'image politique du pays...
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (03 octobre 2022)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Au Brésil, le choc des titans...
Jair Bolsonaro.
Carlos Ghosn.
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