Au fond, la crise de la Tunisie c’est pareil à celle de l’Algérie
L'islamisme est dangereux certes. Mais s'il y a islamisme, c'est parce qu'il y a dictature. Ce sont les deux "variants" de la même pandémie : "le sous-développement". La malédiction arabo-musulmane, c'est de ne pas avoir su trancher définitivement pour la modernité. Pas forcément une modernité à l'occidentale, mais une modernité qui répond aux aspirations profondes de sa jeunesse : la démocratie. Et je pense qu'il n'y a point de démocratie sans laïcité. Qu'on le veuille ou pas, la laïcité est la condition sine qua non pour le progrès. Nous avons besoin de nation de citoyens et non pas de celle de croyants. Maintenant si ces citoyens-là veulent être tous des croyants, c'est leur liberté, mais l'idéal d'un Etat de droit étant de protéger toutes ces croyances-là au nom de la liberté du culte, lequel serait le seul garant pour la pérennité de l'Etat et la survie de la démocratie.
Au fond, le problème tunisien est comme le problème algérien et celui de l'Egypte, du Maroc, de l'Iran. L'élite dans la peur des masses touchées par le syndrome islamiste, en connexion avec des réseaux prédateurs de puissances étrangères, souffrant d'incompétence managériale, de complexe d'infériorité, de problèmes de communication, est en train de construire des système hybrides faits d'islamo-laicisme, de militaro-islamisme, de maffio-bureaucratie, de rentiers reliés à la bourgeoisie-compradore internationale. En avance au temps de Bouguiba sur l'aspect de la laïcité, la Tunisie a accusé un retard énorme sous Ben Ali et sa régression est due, de mon point de vue, à la politique d'entrisme engagée par les islamistes pourtant réprimés, pour s'accaparer des appareils sensibles comme l'éducation et la culture. Pareil schéma peut être dressé pour l'Egypte et la Turquie. Résultat : l'islamisme est partout mais la citoyenneté est nulle part. L'Iranien Fereydoun Hoveyda a écrit, il y a quelques décennies, un livre au titre évocateur "Que veulent les Arabes ?" où il a justement mis en perspective ce dilemme de la modernité assez prégnant dans le subconscient dans nos élites en mal d'inspiration. Celles-ci veulent-elles une modernité à l'occidentale ? Le retour au Califat de Cordoue, avec notre vieille nostalgie des "foutouhat islamiya" ? Ou le régime sanguinaire des Talibans qui, par sa bêtise, a fait atterrir les Américains en Asie ? Ou celui de dictateurs comme Nasser, Saddam Hussein ou Boumédiène, lesquels ont détruit, pendant des décennies de règne sans partage, tout esprit de citoyenneté ?
Kamal Guerroua.
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