Aux Sahara Occidental, les serpents se mordent la queue
Un conflit post-colonial qui a 37 ans, ça ne se règle pas avec un sourire et un joli bouquet. Quelques précautions à prendre quand on se penche sur le cas du Sahara occidental, du front Polisario et de la République arabe saharaoui démocratique.

Le récent jugement des 25 saharaouis par la justice militaire marocaine a fait l'émoi parmi les journaux européens et les associations humanitaires. Ils se seraient rendus coupables de l’assassinat de forces de l'ordre marocaines lors du démantèlement d'un camp en 2010. Les sanctions varient de 2 ans de prison ferme, à la peine à perpétuité.
Ce matin Amnesty international se scandalise : “Maroc et Sahara occidental : des Sahraouis condamnés doivent être rejugés de manière équitable devant des tribunaux civils”(1). Des tribunaux civils ?
“La justice militaire est à la justice, ce que la musique militaire est à la musique.”(2)
Sans nier la médiocrité de la justice dans le monde des armes, passer par la procédure « civile » signifie, au mois, être coupable d'un fait civil. Or la « République arabe saharaoui démocratique » (RASD) et ses combattants ne se revendiquent plus de la société marocaine depuis plus de 35 ans.
Alors simple émeute d'indépendantistes ou guerre entre deux pays ?
La clarté de l'information sur ce conflit, en Europe comme en Afrique, est à l'image des positions politiques des pays sur la scène internationale. De nombreux États vacillent entre la reconnaissance ou le rejet de la RASD, même si leurs intérêts géopolitiques directs sont nuls dans la région. La Barbade, par exemple, a déclaré la semaine passée, le gel de sa reconnaissance de l’État Saharaoui(3). En fait, il faudrait comprendre ces prises de position comme l'alignement sur les deux véritables pays impliqués dans ce conflits géopolitique : le Maroc bien sûr, et l'Algérie.
Alors pourquoi se battre pour ce territoire d'un demi-million d'habitants, sans eau et sans infrastructure ?
Pour le Maroc, outre l'héritage historique qu'il proclame, le Sahara occidental constitue un territoire tampon permettant d'assurer son contrôle sur l'ultra-fertile région du Souss. Perdre cet barrière naturelle, c'est mettre aux frontières toutes les ressources minières et agricoles du Maroc.
Pour l'Algérie, dont l'appui au Front Polisario est officiel ( au nom de l’auto-détermination des peuples), l’intérêt de contrôler la RASD comme un satellite serait extraordinaire. Le gaz algérien situé à 2000 kilomètres des côtes méditerranéennes serait plus que rentables s'il était exporté par cet fabuleux accès à l'océan pacifique, à seulement 200 kilomètres des puits.
C'est ainsi que le conflit n'est pas celui d'un peuple opprimé contre une monarchie tyrannique. Il n'est pas non plus la négation néocolonialiste du patrimoine historique marocain. Il est en fait le conflit d’intérêt régional entre deux pays frères. Répéter sans cesse les arguments officiels d'un camp ou de l'autre n'aidera ni les organisations internationales à obtenir leurs revendications, ni la paix a aboutir. La résolution du conflit nécessite au préalable une vrai compréhension des tenants et des aboutissants.
Tirer sur les cordes n'aide pas à défaire les nœuds.
O.B.
(1) http://www.amnesty.org/fr/, article du 18 février 2013
(2) Groucho Marx.
IMAGES : -saharaoui par www.lnt.ma
-carte par http://slimpitt.wordpress.com/
-désert par http://www.airdumboa.com
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