Barack et John font du judo
Ce n’était pas de la boxe mais du judo, la voix de la souplesse. Sans concessions, le premier débat Obama-MacCain oppose aussi deux rêves américains. Et chacun s’efforce de reprendre à son compte de la sécurité pour Obama et du Changement pour MacCain. En retournant la force de l’adversaire contre lui. Un débat tout en nuance, avec un effet dans l’urne bien incertain…

Ils ont tous les deux été au niveau. D’abord sur le plan physique, ce qui n’est pas si évident compte-tenu de la formidable pression qui pèse sur leurs épaules et leur mental. Seuls, face à face, aucun n’a perdu pied et chacun a pu appliquer sa stratégie, comme sa tactique, avec même insistance chez Mac Cain, condescendant avec son adversaire. Ce constat aurait même pu renforcer celui qui était donné comme le challenger, si le terme de cette campagne n’était pas si incertain.
Le débat MacCain-Obama n’a décidément rein à voir avec les débats Nixon-Kennedy de 1960. La maitrise de l’outil télévisé, de la rondeur et de la cordialité neutralise désormais les effets de manche et les KO. Seule compte sa capacité à rebondir sur une phrase, une erreur, une imprécision de l’autre. Petit drapeau américain sur le revers de la veste, trémolos dans la voix, ils ont plutôt, l’un comme l’autre, cherché l’âme de la nation américaine. Et cherché à enfermer l’autre dans un rôle de faire-valoir de leurs atouts, l’expérience pour Mac Cain, la compétence pour Obama.
En conclusion du premier débat entre John Mac Cain et Barack Obama, les mots des deux candidats ont tous les deux fait appel au rêve américain, mais de façon opposée. Le plus âgé a mis en avant « vingt six ans » de fidélité aux cotés des vétérans, comme pour rappeler qu’il est un miraculé des camps de l’enfer des soldats américains prisonniers au Vietnam dans les années 70. Le plus jeune a parlé, lui, de son père, Kenyan, « dont il porte le nom », et qui envoyait des lettres aux Etats Unis, car pour lui ce pays représentait l’égalité des chances et le territoire de tous les possibles.
Elégant, fin, presque technocrate, Barack Obama se place d’emblée dans la position des pionniers comme des métisses. Sa vision fait appel aux racines de tout citoyen américain, à la part irlandaise d’un Kennedy, aux mémoires de Ellis Island, l’ile des émigrés du port de New-York, de l’absence de mémoire des afro-américain, ou de la double nationalité des latinos. Le fils qui a réussit, le frère dont on est fier, c’est lui.0
De son coté, John Mac Cain, tout entier dans son image de héro de guerre, faisait valoir le sens du sacrifice si cher à la jeune histoire américaine. Ses cheveux blanc, sa voix légère et condescendante, son regard fuyant son adversaire, ses paroles simples pour parler t à l’américain moyen. Il sait que, derrière l’image du père ou du grand père chacun devine un guerrier.
Cette différence va au-delà des convictions et des étiquettes républicaines et démocrates. Voilà pourquoi, dans les états clés, ce sont les indécis de chaque camp, les jeunes comme les retraités, qui feront la différence Sur quel critère ? Leur vie quotidienne ou leur identité ? Une nouvelle Amérique ou l’Amérique éternelle ? Selon leur inclinaison vers le premier ou le second critère, leur vote, au dernier moment, la veille le jour même penchera davantage vers Obama ou vers Mac Cain. L’Amérique éternelle doit faire peur et gagner la guerre en Irak, l’Amérique nouvelle doit être aimée dans le monde et donner de l’emploi.
Mais on sait comment se gagne d’ordinaire une élection : Il faut surtout promettre de ne rien changer, ou, au pire, de promettre ce qu’il y avait hier… Le pouvoir est une arme à ne pas donner dans toutes les mains, et le gouvernement n’a pas le pouvoir de changer ma vie. Dans ce contexte, et compte-tenu des résistances raciales qui existent y compris dans l’électorat démocrate, Mac Cain devrait être élu, peut-être de justesse, mais logiquement. Le bon sens américain aura ainsi donné un encouragement à Obama, par sa présence très honorable à ce scrutin, mais aura choisi la sécurité, tout en montrant son ouverture d’esprit.
C’est ce qu’a compris aussi Obama en choisissant Joe Biden comme colistier. Il faudra d’ailleurs suivre le prochain débat Biden / Paulin avec attention, même si ce sont d’abord les personnalités de Mac Cain et Obama qui vont compter.
Quelles seront les critères d’influences de l’électeur américain moyen dans une trentaine de jours ? L’insécurité sociale née de la crise économique qui plombe la campagne américaine peut donner un avantage au changement pour le changement. « L’ouvrier fait la révolution car il n’a rien d’autre à perdre que ses chaines » écrivait Marx. C’est ce que Obama a bien compris dans son offensive sur « le verdict final » de l’échec de la politique économique républicaine. C’est ce qui explique aussi les hésitations de John Mac Cain et sa difficulté à assumer les 8 années de présidence Busch.
Le slogan « Change » utilisé depuis le début de sa campagne par Obama peut-il trouver son écho dans les urnes ? Peut-être, si le candidat réussi à s’humaniser tout en restant lui-même. On savait que Kennedy aimait Mozart et plus particulièrement son Menuet, que Bill Clinton était un saxophoniste de Jazz.. Mais Obama ? Chacun connait ses études à Columbia, son pragmatisme, mais il gagnerait à révéler ses faiblesses, s’il veut se retrouver en force en novembre. A trop se protéger parce qu’il est noir, il risque de donner une prime au vieux combattant, qu’il a l’intelligence de ne pas négliger, ou, pire, mépriser. Le monde est dans l’attente d’une élection qui doit aussi réduire les incertitudes du futur. Mais il reste difficile, après ce premier débat, de savoir quel sera l’effet de l’urne…
Attendons donc les prochains débats et les prochaines prises. Guettons alors les techniques de projection, de contrôle au sol, voire les étranglements et peut-être…Les clefs !
Eric DONFU
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