Barack Obama : entre intelligence politique et chances d’un homme
Le maintien de Barack Obama à la Maison Blanche relevait objectivement de l’improbable. Arrivé à la présidence des Etats-Unis en 2008 dans une quasi-hystérie planétaire, il rend, quatre ans plus tard, un bilan si moyen qu’il aurait pu être un implacable boulet dans la course à sa réélection. Pourtant rien de tout cela ne s’est produit. A la place, il remporte son deuxième mandat avec une marge assez confortable. Dans le camp des républicains, on s’interroge sur ce qui n’a pas marché. En réalité, l’explication à cet « exploit » est à rechercher aussi bien dans la personnalité et le parcours de l’« heureux élu » que dans la configuration du combat qu’il a mené contre Mitt Romney.

En effet, dans une compétition politique ou sportive, on se présente comme on est et on attend l’adversaire en face. Et, en politique comme dans le sport, la victoire n’est possible que dans deux scenarios : soit les deux compétiteurs sont tous bons et les aléas du combat déterminent le meilleur qui gagne, soit l’un des adversaires est franchement moyen et il suffit d’être juste bon pour triompher de lui. C’est en partie ce qui s’est passé.
Lorsqu’en janvier 2012 l’Amérique donne à peu près la liste des prétendants républicains dont l’un irait défier Barack Obama, certains observateurs sont au point de crier : « oh la poisse ! ». Ron Paul, Michele Bachmann, Newt Gingrich, Rick Santorum… Mitt Romney.
On a revu Barack Obama l’air détendu. Les républicains croyaient qu’il jouet à la méthode Coué. Ils s’apprêtaient à « débouler » sur la Maison Blanche. Obama, lui, venait de comprendre, avant tout le monde, que la chance venait, une fois de plus, de lui sourire. Cela lui est arrivé plusieurs fois, comme en 2004 lorsqu’il se fait élire avec un score mirifique de 70% des voix au Sénat des États-Unis. L’explication était à trouver dans le camp des républicains.
Barack Obama avait fait une grande partie de sa campagne sans aucun opposant désigné contre lui à la suite du retrait de Jack Ryan, le candidat républicain qui avait lui-même succédé à Blair Hull, le vainqueur des primaires, tous deux englués dans des affaires scabreuses avec leurs épouses respectives. Lorsque les républicains proposent un candidat, Alan Keyes, non seulement il est trop tard pour renverser la tendance mais surtout celui-ci n’est pas bon. C’est un « parachuté » du Maryland n’ayant aucun lien avec l’Illinois. Obama n’en fit qu’une bouchée. La suite, on la connaît. Il se retrouve seul sénateur noir au Sénat des Etats-Unis. Là, il joue la carte de l’intelligence en exploitant la curiosité des médias sur sa « modeste » personne. Ça marche au-delà de ses espérances. Encore une chance !
En 2008, il se retrouve face à Hillary Clinton ( ?), puis face à un vétéran du Viêt-Nam complètement déphasé. Maintenant, on en est là.
Pour revenir sur les candidats républicains de 2012, la campagne interne s’est donc clôturée avec l’investiture de Mitt Romney. Ce n’était ni le meilleur ni le pire du groupe, mais il a rapidement révélé de grosses failles dans lesquels les partisans d’Obama n’avaient qu’à s’engouffrer. Un richissime en période de crise qui a amassé sa fortune, comme tous les capitalistes, en exploitant le travail des « petites gens » et qui planque une partie de sa fortune dans des paradis fiscaux. Un mormon, de surcroit. Et dès les premiers jours de son entrée dans la course, il multiplie des « bourdes » dans sa communication, un domaine extrêmement sensible en politique mais où Obama excelle comme personne.
En effet, on a toujours cru que Barack Obama improvise ses blagues qui nous font tous rire. Pas du tout. L’homme les prépare minutieusement. Quand il apparaît devant les caméras, il ne fait que répéter ce qu’il a appris. On se met à rire et on le trouve génial. Romney n’était pas bon de ce côté-là tout comme, avant lui, un certain John McCain. Le vétéran du Viêt-Nam avait joué la carte de l’improvisation et s’est retrouvé à débiter des blagues limite racistes dans une compétition où l’adversaire en face est un Noir. Sa colistière Sarah Palin (pourquoi avoir choisi celle-là, franchement) a achevé le boulot en ruinant définitivement les chances des républicains avec un comportement extravagant et des déclarations à l’emporte-pièce.
On peut même lui attribuer, en partie, la responsabilité de la défaite de Mitt Romney pour avoir instrumentalisé à outrance cette affaire des « T-Party » qui a créé une ambiance hystérique dans une Amérique qui avait besoin d’harmonie pour affronter efficacement la crise. Ses « folies » furent un tel désastre que le partit républicain faillit imploser certains ne pouvant supporter ce genre de populisme suicidaire.
Pendant ce temps, les démocrate misaient sur cette Amérique qui se métamorphose et dont une grande partie de la jeunesse, réveillée par l’« obamania », avait pris goût à la politique. Ces jeunes sont étudiants, entrepreneurs, chercheurs,… Ils voyagent et découvrent le monde. Ce n’est pas l’Amérique profonde. Ils ont compris qu’ils doivent se battre pour l’image de leur pays qu’un certain George Bush a abîmée au point de se prendre, quasiment, une « godasse » sur la gueule. Ils se sont ainsi battus comme des dingues dans les QG de campagne de Barack Obama. Plus jamais de George Bush à Washington ou quelque chose qui y ressemble.
On ne peut pas dire que le combat de ces jeunes avait plus de chance que celui de Sarah Palin et ses T-Party. Mais les démocrates ont « misé juste ». Un peuple change avec sa population, les politiques doivent « comprendre et s’adapter ».
Lorsqu’on revoit le visage de Mitt Romney à la télé avouant sa défaite, on comprend que l’homme vient de comprendre ce qu’il fallait faire. Sauf que, pour lui, il n’y avait plus rien à faire. Aux Etats-Unis, lorsque vous perdez l’élection présidentielle, vous « dégagez ». Le prochain investi sera quelqu’un d’autre. Pour 2016, on se bouscule déjà dans les deux camps. Obama ne sera pas candidat (limitation à deux mandats) mais personne ne sait ce qui se passe dans sa tête. On peut juste émettre des hypothèses.
Il peut consacrer les quatre ans à venir à la réalisation des engagements qu’il n’a pas pu tenir au cours de son premier mandat. S’il y parvient et arrive à changer quelque chose dans la vie des Américains, il aura gagné toute sa place sur la liste des Présidents américains restés longtemps appréciés non seulement aux Etats-Unis mais aussi à travers le monde comme Bill Clinton et Jimmy Carter. Dans cette configuration, il lui suffira de préparer un bon adversaire pour affronter les républicains. Sûrement pas son vice-Président Joe Biden. Clinton fit l’erreur d’envoyer Al Gore au casse-pipe. Obama ne commettra jamais ce genre d’erreur.
En attendant que tout cela arrive, on peut au moins tirer deux enseignements du premier mandat de Barack Obama : pour être Président des Etats-Unis, il faut avant tout être quelqu’un d’extrêmement doué. Même George Bush l’était (Université Yale, Gouverneur du Texas). Mais pour être « Président Obama », il faut savoir « manœuvrer » entre intelligence et chance. La meilleure illustration, sans doute, de tout l’« art » de ce personnage, s’est produite les 1er et 02 mai 2011. Il avait toujours rêvé de venir à bout d’Oussama Ben Laden. Il apprend par hasard que la CIA l’avait localisé avec suffisamment de certitude. Barack Obama est au plus bas dans les sondages et sa réélection est compromise. Il saisit sa chance.
Il semble que George Bush avait eu quelques occasions assez sûres de liquider le Mollah Omar, voire Ben Laden lui-même, mais avait manqué en réactivité pour ordonner les frappes. Obama avait appris la leçon et ne mis pas une seconde pour comprendre que cette « occasion » était à saisir immédiatement.
Mais à la veille de l’opération, il doit prendre part au traditionnel dîner organisé à l’intention de l'Association des correspondants accrédités à la Maison Blanche (WHCA). Il ne faut surtout pas laisser fuiter la moindre rumeur sur le fait qu’Oussama Ben Laden vivait-là ses dernières heures. Obama va se livrer à des plaisanteries sur son fameux « acte de naissance » et provoquer l’hilarité de deux mille personnes. Son « ennemi juré », Donald Trump, est dans la salle et ne sait plus où donner de la tête. Il doit, lui aussi, se prêter aux fous rires fou de la salle. Personne en ce moment ne sait que l’homme qui joue le pitre là-devant est en train de préparer dans le sous-sol de la Maison Blanche (Situation Room) une opération terriblement périlleuse qui aurait pu coûter la vie à de jeunes soldats américains, partis à l’assaut de l’homme le plus recherché de la planète.
La suite, on la connaît. Un dimanche matin, tous les journaux doivent modifier leurs couvertures conçues la veille et afficher la désormais célèbre formule :
« Justice has been done ! »
Boniface MUSAVULI
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