Après l’euphorie et l’espoir de 2008 qui ont porté Barack Obama à la présidence vient donc de succéder la déception et la défiance du peuple américain, qui lors des élections du Mid-term a décidé d’offrir au républicain la chambre des représentants.
Loin d’être anecdotique cette défaite ne doit pas faire illusion à double sens. Tout d’abord la défaite est incontestablement lourde. Le parti démocrate cédant 60 siège à la Chambre, ce qui est un record depuis 1948. Le maintien d’un Sénat démocrate ne doit, de même, pas nous faire oublier que 6 sièges ont du être cédés dans cette enceinte à l’opposition républicaine. Enfin la perte de 19 assemblées d’Etat enregistrée pendant les élections de certains gouverneurs, qui avaient lieu pendant ces mêmes élections, ne sera pas, non plus, sans conséquence sur l’avenir politique du Président.
En effet les gouverneurs ayant la possibilité de redessiner les circonscriptions après chaque recensement, nul doute que les républicains ne se priveront pas de cette arme en vue de la présidentielle 2012. Car le prochain recensement doit s’achever cette année aux Etats Unis. Mais à ce pessimisme premier peut correspondre une lecture moins désavantageuse pour le camp Obama quant à ses chances de se maintenir à la présidence après 2012.
Car là est le second enseignement à esquisser aux sortir de ces Mid-term : Obama poursuivra-t-il la malédiction des Présidents démocrates, qui pour la majorité furent des « one term président » (un OTP dans le jargon Tea Party) ; c’est-à-dire des présidents d’un seul mandat ?
A cette quasi règle une exception : Bill Clinton qui après une défaite tout aussi cinglante aux Mid-term de 1994 était parvenu à se faire réélire en 1996. Il avait pour ça eu recours à une posture politique originale : la triangulation.
Se pose dès lors pour Obama la question du recours possible à cette arme s’il souhaite se faire réélire en 2012.
Et de fait les trajectoires politiques des deux présidents démocrates peuvent se comparer tant la situation de Clinton en 1994 présente nombre de similitudes avec celle d’Obama aujourd’hui. Ce dernier pouvant même allé jusqu’à se montrer optimiste pour sa réélection tant la situation de Clinton en 1994 était plus complexe que celle qu’il a à affronter aujourd’hui. Car contrairement aux invocations mensongères et idéologiques du Tea Party, Obama obtient de la part du peuple américain une cote de confiance supérieure à nombre de président réélu de l’histoire américaine récente. Sa cote de popularité est ainsi supérieure à celle de Clinton 1994 (tout comme à celle de Reagan 1982 d’ailleurs).
Le désamour ou la défiance pour le président américain semble donc à relativiser tant il est incontestablement réversible, voire conjoncturellement explicable.
Maintenant que la défaite est consommée on oublie d’ailleurs que l’implication plus explicite du président dans la campagne dans les derniers jours de campagne a fait grimper la cote de confiance du parti démocrate de 5 à 6 points.
Le pouvoir de conviction d’Obama existe donc encore. D’ailleurs cette incapacité à passer de la posture du candidat convainquant à l’homme expliquant de façon pédagogique l’exercice du pouvoir semble, a posteriori, l’une des erreurs d’Obama sur ces deux dernières années. Ainsi s’expliquerait son image de président arrogant au ton maladroitement professoral. Mais il n’y a là qu’une des explications de sa défaite. Trois autres fautes ont été commises. D’abord d’évidentes erreur de communication, puis l’adoption d’une posture de trop grande conciliation vis-à-vis de l’agressivité républicaine ; et enfin des mesures de rétorsions vis-à-vis de Wall Street jugées comme insuffisamment sévères.
Bref rien de bien irréversible. Une réélection semble possible si le président le souhaite. Et incontestablement le Clinton de 94-96 peut lui servir de modèle, tant ce dernier semblait en prise avec les mêmes problèmes.
Mais là où Obama se trouve dans une plus grande difficulté vis-à-vis de son illustre prédécesseur démocrate c’est au niveau de la radicalité de l’offre politique du camp républicain qui à l’époque de Clinton était tenu par Newt Gingrinch. Possibilité pour Clinton d’opérer un recentrage afin de « siphonner » l’électorat qui avait voté pour les républicains aux Mid-term. C’est cette technique que Clinton appelait la « triangulation » sur les conseils de son conseiller Dick Morris.
Définie succinctement la triangulation est donc le nom que l’on donne à une posture de dépassement des clivages politiques traditionnels. Elle consiste pour un candidat ou un homme politique à se présenter comme dépositaire d’une pratique ou d’une idéologie qui se veut au dessus des deux pôles traditionnels de la politique (la gauche et la droite). Ainsi se rapprocherait-on d’une demande politique qu’on fut dans l’incapacité de satisfaire.
Et de fait à écouter les paroles d’Obama et à regarder les départs et les arrivées récents de certains de ses conseillers ont pu légitimement croire qu’il avait bien avant les Mid-Term choisit l’option de la triangulation.
En effet il a déjà recruté un conseiller politique républicain, David Gergen. Après avoir changé son directeur de cabinet Obama a parlé de l’ouverture d’une « nouvelle phase » dans sa présidence. De même nombre de ses conseillers ont déjà annoncé leur départ. Ils devraient être remplacés par des collaborateurs un peu plus proche des milieux d’affaire, rares étaient en effet ceux, qui dans l’administration Obama, avait eu une expérience en entreprise. Enfin on n’oubliera pas qu’Obama déclarait en mai 2009 : « I am a new democrat ». Comprenons un démocrate qui accepte un possible recentrage et les postures de dépassement idéologique. La phrase « Era of big governement is over », que Clinton prononça lors de son discours sur l’état de l’Union 1996, et par laquelle il opéra son recentrage, pouvant presque servir de future ligne de conduite d’Obama.
Mais il y a un risque tout de même à cette posture. Car la dérive du parti Républicain vers l’extrême droite va rendre compliqué cet épisode de « gouvernement divisé », come les américains nomment les cohabitations. Il est donc incontestable que le radicalisme et l’imprévisibilité du Tea Party n’embêtera pas que les Républicains.
Clinton, lui, avait su sortir vainqueur de ce moment qu’il définissait lui-même de « mélange de guérilla et de compromis prudent ». La cohérence idéologique interne du parti Républicain l’ayant paradoxalement aidé. Ainsi force est de constater que les deux ans de gouvernement divisé qui s’annoncent vont voir se multiplier ce que les américains nomment des « gridlock », c’est-à-dire des blocages institutionnels. Et ce sera au plus malin des deux, entre le président et son opposition, d’essayer de convaincre l’opinion publique que le responsable est à chercher dans le camp adverse.
La tentation de recourir à la Triangulation apparaît donc pour Obama comme une arme à double tranchant. A prendre l’opinion publique pour arbitre de ses irresponsabilités lors d’éventuels épisodes de blocage institutionnel on peut perdre ou imparfaitement gagner. La défiance vis-à-vis des hommes politiques qui est l’une des plaintes du Tea Party pouvant dangereusement se trouver confirmée.
De même la triangulation présente-t-elle un risque idéologique, celui d’une possible désaffection de la part de la frange la plus à gauche du parti démocrate. En effet celle-ci figure fort logiquement parmi les adversaires les plus acerbes de la triangulation. Il est clair, en effet, qu’une Arianna Huffington, « porte parole » officieux de la gauche américaine, serait contre un recentrage d’Obama.
De même les adversaires de la triangulation font-ils valoir, à juste titre, que cette technique a échoué lors des présidentielles 2000(pour Gore conseillé par Morris) et 2004 (pour un Kerry souvent piégé par son recentrage).
C’est certainement pour toutes ces raisons qu’Obama semble encore hésiter à définitivement franchir le pas de son recentrage, que certains assimilent à une droitisation de reniement presque suicidaire.