Barbouzerie à la sauce marocaine
Le régime de Sa Majesté Mohammed VI aimerait bien que le journaliste Ali Lmrabet arrête de le canarder dans la presse espagnole, mais ne trouve rien de crédible à lui mettre sur le dos. Alors, forcément, ça brode et ça finit en barbouzeries.
Info ou intox ? La semaine dernière, le journal marocain Assabah annonce que le royaume aurait lancé un mandat d’arrêt international contre Ali Lmrabet, profitant d’un séjour du journaliste marocain en Espagne. Selon de mystérieuses sources policières citées, les autorités du royaume lui reprocheraient d’appartenir aux services secrets espagnols et d’avoir comploté contre sa majesté M6. Qu’on se rassure, ce sont des arguments que le Maroc sert chaque fois que des journalistes regardent de trop près ce qui se trame sous les tapis chérifiens...
Une certitude toutefois, avec Ali Lmrabet, les autorités marocaines ont de la suite dans les idées. En 2003, le directeur des magazines Demain et Douman est condamné à quatre ans de prison pour « outrage à la personne du roi », « atteinte à l’intégrité territoriale » et « atteinte au régime monarchique ». M6 le grâcie en 2004 mais, en 2005, il est condamné à dix ans d’interdiction d’exercer sa profession. Depuis, le journaliste s’est refait une santé en s’occupant du Maroc au quotidien espagnol El Mundo. Une jolie reconversion qui contrarie, en haut lieu à Rabat. « Ils ne savent plus quoi faire pour que je me taise. Ils sont désemparés mais n’ont rien contre moi ! », s’exclame Ali Lmrabet qui commence à en avoir par-dessus la tête des barbouzeries dont il est victime.
Et depuis 2005, elles se succèdent... Cette année, un célèbre banquier espagnol, proche d’André Azoulay, puis le ministre des Affaires étrangères espagnoles en personne, Moratinos, grand ami du Maroc devant l’éternel, déjeunent avec le directeur d’El Mundo. Et essaient de lui faire comprendre que son journaliste indispose en haut lieu à Rabat. Peine perdue, selon Ali Lmrabet, « Je ne négocie pas la liberté d’expression dans mon journal », aurait rétorqué le patron de presse. Puisque les pressions diplomatiques et amicales échouent, les Marocains passent à l’étape du dessus : les cabales montées de toutes pièces.
Début 2006, la rumeur se répand que Lmrabet est, avec d’autres, mêlé au mouvement des « officiers libres » au Maroc, qui a défrayé la chronique en 2002, dénonçant une corruption au sein de l’armée. Là encore, c’est du réchauffé, et du franchement pas futé... En 2002, les autorités marocaines avaient déjà accusé moult journalistes espagnols et marocains, tous détestés à Rabat, de tremper dans cette affaire, qui s’est révélée être une bonne farce montée de toute pièce. Mais point d’Ali Lmrabet...
A court d’idées pour accabler l’insolent journaliste, les brillants stratèges de l’Intérieur marocain sortent maintenant le joker Hicham Bouchti. Késako ? Un drôle d’oiseau au CV douteux.
En 1999, entré comme secrétaire à l’Inspection générale des forces auxiliaires ; en 2002, est condamné par un tribunal militaire à deux ans de prison pour falsification de documents administratifs et diffusion d’informations militaires confidentielles ; en 2005, décampe en Espagne où il demande asile politique et sillonne les mosquées pour le compte des RG espagnols. Début 2006, El Mundo publie son histoire, avec en prime quelques anecdotes croustillantes sur la monarchie, comme la mise en résidence surveillée de la mère de Mohammed VI. En mai 2006, Bouchti revient vers El Mundo et raconte gentiment que les services marocains lui ont proposé de les aider à liquider Ali Lmrabet ! Sans blague... Dubitatifs, les responsables du quotidien l’invitent alors à déposer devant la police espagnole. Ce que fait Bouchti avec l’aide d’un traducteur assermenté... Deux mois plus tard, surprise ! Ce même Bouchti réapparaît à Rabat. Il tient table ouverte au Hilton de la capitale chérifienne, point de passage obligé de tous les barbouzes. Son discours a changé. Il affirme bénéficier d’une grâce royale, charge tous les dissidents du Maroc et accuse en particulier Ali Lmrabet de travailler pour les Espagnols et de lui avoir donné de l’argent pour comploter contre Sa Majesté... Depuis, le royaume a lancé une obscure commission rogatoire en Espagne pour essayer d’interroger toutes les personnes citées par Bouchti qui résident en Espagne. Mais pas Lmrabet, qui vit au Maroc... Depuis aussi, Bouchti a été envoyé se calmer en prison, à Casablanca. Trop bavard ! Condamné à deux ans ! Zut alors, les barbouzes marocaines et autres apprentis-sorciers de l’Intérieur se sont encore plantés.
D’ici à ce que M6 leur tombe dessus à bras raccourcis pour incompétence...
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