Blair émissaire
Au fond, le monde est devenu facile à comprendre. Vu de France, s’entend... À tout problème, son bouc émissaire. Et, quand ce n’est pas la faute à Bush, c’est la faute à Blair !
L’Union européenne fait du surplace ? En français dans le texte, la coupable, toute désignée, sera cette bonne vieille "perfide Albion"...
Il faut dire que Tony Blair a transformé les six mois de présidence britannique de l’UE en un tel "succès" qu’il se retrouve seul au monde, avec Malte, pour défendre son projet de budget communautaire pour les années 2007 à 2013. Les vingt-trois autres pays membres critiquent la proposition de Londres, que le président de la Commission européenne, José Manuel Durao Barroso, a cruellement qualifiée de "budget pour une mini-Europe". Quelle ironie de voir Barroso et Jacques Chirac, qui échangeaient, il y a peu encore, des noms d’oiseaux, s’entendre soudain comme larrons en foire pour remonter les bretelles du premier ministre britannique.
Et, comme si cela ne suffisait pas au bonheur de Tony Blair, les eurosceptiques de Londres, son ministre des finances et rival travailliste Gordon Brown en tête, le brocardent pour avoir trahi l’Union Jack en acceptant de réduire le rabais britannique sur le budget européen...
Personne ne pleurera toutefois sur la mauvaise passe du locataire du 10, Downing Street, qui semble avoir perdu beaucoup de son allant depuis les attentats terroristes de juillet dernier à Londres. Car la déception est à la hauteur des espérances soulevées par le discours de juin de Tony Blair devant le Parlement européen. Il promettait une "nouvelle frontière" au Vieux Continent, tétanisé par l’échec du projet de Constitution de l’UE.
Cela étant acté, il serait pour le moins malhonnête de faire comme si la paralysie européenne actuelle n’avait rien à voir avec la victoire du non au référendum constitutionnel en France et aux Pays-Bas, l’interminable agonie politique de Jacques Chirac et, enfin, la longue vacance de pouvoir que vient de traverser l’Allemagne.
Surtout que, sur le fond, Tony Blair a autant tort de s’entêter à préserver le fameux "chèque britannique", que le président français de défendre bec et ongles le "chèque paysan" de la France, en exigeant le statu quo de la politique agricole commune. Maintenir la PAC en l’état entrave par ailleurs les négociations à l’Organisation mondiale du commerce (OMC) et le développement du Tiers monde. La base d’un compromis semble évidente...
On peut donc anticiper que Timothy Garton Ash, du quotidien britannique The Guardian, a raison quand il parie sur un accord, à partir de la proposition de Tony Blair, au sommet européen de la semaine prochaine. Pour le salut de l’Europe et la réputation de ses têtes d’affiche, chacun ferait un petit pas vers l’autre, et tout le monde repartirait... mécontent.
« Telle est, conclut le journaliste anglais, la voie européenne du bonheur. »
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