Bolivar : El Libertador
En 2018 , l'Amérique Latine s'apprête à voter massivement : Costa Rica, Équateur, Colombie, Brésil, Mexique, Vénézuela et Paraguay. Ces pays ont connu pour une grande partie d'entre eux des présidents socialistes lors de la décennie précédente. Aujourd’hui la bascule risque de se faire de l'autre coté de l'échiquier politique. L'Argentine et le Chili ont déjà donné la tendance lors ces 2 dernières années. Les affaires et la conjoncture économique devraient aboutir au retour des conservateurs-libéraux dans cette région. L'équilibre de force économique et politique à l'échelle du continent risque d´être mise à mal et le souhait de Simon Bolivar s'éloigner.

Le souhait de qui ?
En 1783 Louis XVI est à la tête de la France, la digestion liée à de trop grande ambition est difficile pour le royaume d´Espagne et Simon Bolivar nait à Caracas. Si la France connaît sa révolution et tente d´établir une constitution républicaine au crépuscule du XVIIIème siècle, l'aube du XIXème siècle sera le théâtre de grands bouleversements en Amérique du Sud.
Lors de cette période d´émancipation, 2 hommes apparaissent comme les libérateurs du joug espagnol. Au sud (Argentine, Chili, Pérou et Bolivie…) San Martin est LE LIBERTADOR (libérateur). Au nord (Colombie, Venezuela, Equateur…) il s'agit de Bolivar surnommé également le LIBERTADOR. Les Quiproquos semblent donc bien improbables face à une telle différence. Étant donné que je voyage actuellement en Colombie, je vais parler de Bolivar.
Aujourd’hui, Bolivar c"est une monnaie, des musées, des rues, une ville au Venezuela, un département en Colombie et un pays. C'est un peu comme si nous avions en France des Charles pour payer, que le général était enterré à gaulliste et que partions en vacances sur les plages de la Gaulle. Donc sans parler d'omniprésence, je trouve qu'il a une légère présence par ici.
Mais pourquoi tant amour ?
Simon naît sur un continent dominé depuis 300 ans par l'Espagne. Son père meurt à ses 3 ans et sa mère à ses 10 ans environ, mais la région l'aimera pour bien d´autres raisons que l'amour ou la pitié que l'on pourrait donner à un orphelin. Marquer l'histoire parce que l'on a perdu ses parents même à cet âge c'est pas suffisant même si cela marque son histoire.
Bon il grandit tout de même en présence d'un précepteur (rien à voir avec les impôts, j'ai pas dit percepteur) qui s´inspire des méthodes décrites par Rousseau dans l'Émile. Dans un pays où la principale éducation découle d'une farouche volonté d'évangéliser les indigènes, les balades à cheval en cultivant son esprit critique sur le monde ne parait pas être la pire des situations. Surtout que le jeune homme a le droit à des études en Espagne pour parfaire ses idées. Avouez qu'il y a quand même quelque chose de curieux là-dedans. Les mecs sont sous domination espagnole, ils aimeraient avoir leurs libertés mais ils vont quand même étudier à Madrid. C'est aussi rationnel que d'imaginer une femme harcelée appelant Tarik Ramadan à lui venir en aide.
À son retour il clame avec détermination et humilité « je n'aurai repos de corps et d´esprit qu'une fois les chaînes de l'Espagne brisées ».
Il rêve de construire une nation des républiques d'Amérique du sud (sorte d'États-Unis d'Amérique du Sud). Il lance donc une première révolte vers Caracas pour briser les chaînes. Et ça marche ! Enfin ça marche pendant un an. Au bout d´un an et une trahison plus tard, il est obligé de fuir pour Carthagène (actuelle Colombie). Le peuple n'est quand à lui pas convaincu de Bolivar, leur situation est pire qu´avec les espagnols. Ce qui peut expliquer leurs inquiétudes.
La seconde tentative est connue comme la campagne admirable « la Campana Admirable ». Elle est appelée ainsi en raison du faible nombre d´hommes et de la stratégie déstabilisatrice du commandant Bolivar. Les troupes du commandant rentreront victorieusement à Caracas. La riposte des royalistes espagnols conduites par les troupes du général José Tomas Boves réduisent à néant cet exploit. Les troupes de Boves contre-attaquent à l'annonce d'une loi autorisant la culture d'OGM. Bolivar prend à nouveau la fuite.
La troisième tentative est en revanche la bonne. El Libertador prononce triomphalement un discours d'unité. Quelques batailles gagnées plus tard, le territoire s'étend et le rêve de réunir toutes les anciennes colonies se rapprochent. Entre temps, San Martin et Bolivar se rencontrent mais n'ayant pas la même vision de l'avenir le premier se fait virer. Ce qui n´est pas franchement rassurant lorsque le projet initial est de réunir tout le monde.
Dans cette euphorie émancipatrice, je m'attarderai sur l'attribution de 2 noms.
Celui-ci de la Bolivie et de la Grande Colombie. Se retrouver à la tête d'un État portant son nom cela annonce la place du peuple. D'ailleurs, l'un des premiers lieux auxquels je pense dans ce cas-là, c'est Stalingrad. Et Stalingrad a été élue 1ere du monde à plusieurs reprises au classement des villes où la vie est la plus douce selon l'illustre « Josep Mag ».
Quant à la Colombie c'est dans ce cas porter le nom l'envahisseur. Si je peux me permettre, c'est un peu comme si une femme tombe enceinte à la suite d'un viol et qu'elle appelle son fils Gérald.
En 15 ans, El Libertador aura donc permis à 5 pays d'accéder à l’indépendance et mis dehors les espagnols bien affaiblis par les guerres napoléonienne. Dire que le véritable libérateur serait en réalité Napoléon serait un brin exagéré.
La raison de cet amour est principalement là. Uniquement (sans minimiser) même ! Qui sait peut-être que dans 150 ans, il y aura des chants, des statues et des villes en Catalogne à la gloire de Charles Puidgdemont ?
Les grands principes d'humanisme, d'union, d'équilibre des forces, de pacifisme et d'anti hégémonie c'est bien pour accéder au pouvoir par contre après mieux vaut s'en débarrasser. La gouvernance un brin dictatoriale (présidence a vie et succession héréditaire) et les rebellions d´un peuple parfois nostalgique de la domination espagnole ne sont pas les meilleurs alliées de Bolivar.
Il a donc bien brisé les chaînes de l'Espagne mais il a voulu installer un peu trop les siennes. Forcé de démissionner, il cherche un refuge après avoir été déclaré « ennemi public » au Venezuela. C'est à Santa Marta en Colombie qu'il le trouve et ironie du sort, c'est un Espagnol qui lui ouvre ses portes. Bolivar meurt en sécurité sous le toit de l´un de ceux qu'il a tenté d'expulser tout au long de sa vie alors que le peuple qu'il a libéré souhaitait sa disparition. Belle reconnaissance.
Le bilan de Bolivar à la tête de la nation n'est qu'anecdotique aujourd’hui. Il a été et restera celui a conduit à l'émancipation et la libération de toute cette région du monde. Mandela a mis fin à l'apartheid en Afrique du Sud, Lincoln a aboli l'esclavage aux États-Unis, Ferry a fait voter les lois sur l'école. Ce n’est parfois pas la peine de se souvenir de l'ensemble de l'action de chacun de ces hommes. A ce propos, le bilan de Hollande n'est pas pire que cela si l'on ne regarde uniquement la loi pour le mariage pour tous.
Plus tard, Pablo Neruda offrira un chant en son honneur terminant par « Je me réveille tous les cent ans, lorsque se réveille le peuple ». En réalité les réveils sont plus fréquents et les mouvements populaires animent l'Amérique Latine depuis plus d'un siècle. Emiliano Zapata, Pancho Villa, Augusto Sandino, Rigoberta Menchu, Hugo Chávez, Salvador Allende et d'autres ont pu faire vivre un partie de la pensée et de l'esprit de Bolivar. Leurs combats contre la pensée unique et l'impérialisme économique et libéral ne doivent pas être oubliés au risque de perdre bien plus qu'une série d´élections en 2018.
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