Brésil : La puissance en douceur

A Paris pour quelques jours, M. Luciano Coutinho, président de la BNDES, plus importante banque publique du Brésil, donnait le 3 novembre une conférence à la Sorbonne sur « Les perspectives de l’économie mondiale et brésilienne ». Cette conférence a été l’occasion de voir les positions d’un des leaders de la finance brésilienne, les volumes d’argent brassés par la BNDES représentant cinq fois ceux de la Banque Mondiale. Au-delà des aspects purement financiers de cette conférence, l’on pouvait voir se dessiner en filigranes l’esquisse d’une nouvelle puissance régionale aux volontés globales affirmées.
Au niveau purement financier, le Brésil, comme l’Inde et la Chine, a si bien su naviguer au travers de la crise qu’un retour de la croissance de son PIB, modeste certes, était observé dès la fin du second trimestre de cette année. Les causes en sont multiples : moindre dépendance au dollar, dynamisme général d’une économie émergente, banques publiques puissantes et volonté de sévèrement réguler l’économie nationale, peuvent être autant d’explications de cette bonne santé économique.
Néanmoins ce sont plutôt les conséquences qui nous intéressent ici. Comme le faisait remarquer L. Coutinho, ce sont maintenant les économies dites « émergentes » qui tirent l’économie mondiale vers le haut alors que les économies « développées » semblent devoir rester à la traîne.
Le Brésil peut s’appuyer sur des secteurs forts pour continuer son essor, principalement dans l’énergie. Que ce soit dans l’extraction avec Pétrobras ou dans la production pure avec Electrobras, le Brésil a, à l’instar de la Russie, de sérieux atouts. Toutefois la grande différence entre le Brésil et la Russie au niveau énergétique est la grande diversification qu’on observe au sein du portefeuille énergétique brésilien : charbon, hydroélectricité, biomasse, solaire, éolien, nucléaire… Le Brésil s’affirme aussi comme un des pays les plus en pointe en matière d’énergies renouvelables.
Le Brésil, selon le président de la BNDES, est néanmoins totalement conscient de cette dépendance au marché de l’énergie et des matières premières (agricoles notamment). Toujours selon L. Coutinho, une grande politique de développement de l’industrie de pointe est à l’œuvre au Brésil pour transformer le pays d’exportateur de matières premières en véritable puissance globale. Ainsi les contacts noués avec les grands groupes européens et américains dans les domaines de l’aéronautique ont pour but affiché de transformer le champion national Embraer en véritable compétiteur mondial. Dans cette optique, la modernisation du parc d’avions de chasse, compétition dans laquelle est engagée la France via Dassault, doit aussi s’accompagner de transferts de technologies aéronautiques.
Si l’on ajoute à ces avantages économiques une stabilité politique maintenue depuis près de 15 ans, on comprend pourquoi le Brésil apparaît de plus en plus comme une vraie puissance régionale attractive. Ceci est d’autant plus vrai que l’Unasur apparaît aujourd’hui paralysée et que l’hégémonie d’Hugo Chavez en Amérique du Sud est dramatiquement liée au cours du baril de pétrole.
Le Brésil, loin de ces éclats médiatiques et de cette pression diplomatique agressive sur ses voisins a su se rendre indispensable en Amérique du Sud, devenant un modèle et même plus pour nombre d’Etats. Grâce à une économie attractive et une diplomatie patiente, le Brésil est devenu le premier ou l’un des premiers partenaires commerciaux de ses voisins (Argentine, Uruguay, Chili…), créant une vraie domination économique régionale. Celle-ci est d’autant plus impressionnante que le pays est la seule économie de la région qui ne soit pas quasi-exclusivement tournée vers les matières premières.
Ainsi le Brésil sait devenir une puissance en douceur, par la séduction et l’attractivité plus que par la contrainte, une vraie application du soft power de Joseph Nye. Le Brésil se développe doucement mais surement, se transformant petit à petit en une économie avancée. Après tout n’est ce pas normal pour un Etat dont la devise est ordem e progresso, ordre et progrès ?
Auteur : Nicolas Mazzucchi
Equipe Unasur.fr
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