Brésil. Le « golpe » (coup d’État) s’avance de moins en moins masqué
Le président de la commission parlementaire spéciale recommande la destitution de la présidente Dilma Rousseff. 38 députés pour, 27 contre. Celle-ci est accusée par l’opposition de maquillage des comptes publics en 2014, année de sa réélection, et en 2015, pour minimiser l’ampleur des déficits publics de son pays en pleine récession. Dilma Rousseff se défend pour sa part d’avoir commis un « crime de responsabilité » (késako ?) justifiant sa destitution. Les charges retenues, aussi bien que les arguments des factions de l'opposition amplement relayés par les médias relèvent de la manipulation.
Une majorité de deux tiers des députés, soit 342 sur les 513, sera requise pour que la procédure se poursuive faute de quoi elle sera enterrée. Selon un décompte effectué chaque jour par le quotidien Estado de Sao Paulo, 290 députés étaient favorables dimanche à la destitution et 115 étaient contre. Restaient 61 indécis et 47 autres refusant de se prononcer, objets de toutes les attentions.
Si l’opposition réussissait à réunir 342 votes (deux tiers des 513 députés) en faveur de l’impeachment, ce serait alors au Sénat de former une commission pour analyser la demande, un processus qui devrait s’achever d’ici le 2 mai 2016. La présidente « déchue » serait alors remplacée par son vice-président Michel Temer, qui l'a laisé tombée et a ouvertement basculé dans l’opposition. Il est l'un des deus ex machina de ce « golpe », de ce coup d'état feutré mais bien réel. Si la destitution est dûment prévue par la constitution, l’histoire qui s’emballe au Brésil releve de la manipulation, voire de la farce. Il faut rappeler que, contrairement à ce que beaucoup de Brésiliens sont poussés à penser, Dilma Rousseff ne fait l’objet d’aucune accusation de corruption. On reproche à la chef d’État d’avoir retardé les transferts du Trésor national aux entreprises publiques chargées de financer notamment les programmes sociaux. La pratique est banale. Et pas seulement au Brésil. Magouille, oui. Mais où est le « crime » ?
Quant aux parlementaires « golpistes » qui se sont prononcés pour la destitution, ils sont aussi clairs qu'un balkani… Beaucoup ont gamellés auprès de Petrobras, machine à sous généreuse, d'autres sont poursuivis pour crimes et corruption…
Deux faces d’un même pays s’affrontent par partis interposés, le Brésil des riches et celui des pauvres. « Je n’aurais jamais imaginé que ma génération verrait des putschistes en train d’essayer de renverser une présidente démocratiquement élue », s'enrage l’ancien président Lula, « mentor » de Dilma Rousseff, et qui reste l'homme politique le plus populaire du pays.
La droite « est sortie du placard » et occupe la rue en s'appuyant sur les réseaux sociaux. Ses officines organisent le bombardement des pages Facebook et des boîtes emails des députés osant se dire contre la destitution de la présidente ou hésitant encore à prendre position. La bourgeoisie brésilienne ne se satisfait pas de sa condition de classe dominante. Elle exige des conditions qui lui permettent d'exploiter sans entrave la force de travail dont elle dispose : les plus pauvres, les sans-terres. Et les classes moyennes sont exaspérées non pas parce que leur niveau de vie se dégrade mais parce qu'elles voient les plus démunis gagner un peu plus de droits ! Cette pseudo élite ne reconnaît le principe de majorité que lorsqu’il répond à ses intérêts…
La droite arbore sans complexe des idées carrément fachos : le retour à des valeurs autoritaires, le droit au port d’armes pour tous, l’abaissement de la majorité pénale, le refus de politiques d’« assistance » (allocations familiales, quotas de discrimination positive dans les universités) à destination des plus pauvres, des plus déshérités comme les noirs, les indiens, les haïtiens immigrés, mais encore les homosexuels. Il s'est ainsi constitué un front de conspirateurs qui réunit des juges, des procureurs, des agents de la police, des associations du patronat, des partis politiques, des think tanks conservateurs, tous appuyés par une grande presse oligarchique. Ces « golpistes » sont abreuvés de fric par le patronat et sont soutenus par quelques juges plus que douteux, par l'ensemble de la presse brésilienne et bénéficie de la « compréhension » de la presse internationale aux ordres des multinationales et des marchands d'armes. Avec, n'en doutons pas, quelques coups tordus de la CIA.
Voilà la clique qui veut foutre en l'air Dilma Roussel. Son objectif est de s'attaquer à la souveraineté populaire, exprimée par le vote et de la mettre sous la tutelle de la magistrature dont les membres, non élus et protégés de tout contrôle social, sont engagés dans un programme de changements rétrogrades qui ne sont pas exprimés. Contre la gauche – qu'ils vomissent – tout leur est bon, y compris un putsch militaire.
Le pantin prévu pour donner un coup de peinture « propre » au coup d'état est le vice-président actuel Michel Temer, un jeune homme de 75 ans. Sa rupture avec Roussel et son activisme pour que la destitution aille vite est plus que douteuse. Il est en effet lui aussi cité dans le scandale ces détournements de fonds au profit de la coalition au pouvoir, dont son parti était une pièce essentielle ! Il devrait savoir, pépé Temer, que quand on veut grimper au mat, il vaut mieux avoir les fesses propres...
Mais il n'est probablement qu'une marionnette. Les véritables organisateur du putsch se dévoileront plus tard. S'ils réussissent leur mauvais coup. Ce qui n'est pas encore sûr, les « pauvres » n'ayant pas dit leur dernier mot. Au moins soixante organisations de gauche, y compris syndicats et mouvements populaires, ont participé récemment à des rassemblements de défense du gouvernement, dans une quinzaine des plus importantes villes de ce pays gigantesque, notamment à Brasilia, Rio de Janeiro, Sao Paulo, etc.
Les « sans-dents » brésiliens ont défié les manifestants d’extrême-droite et les nantis en criant : « No ver ter golpe ! ». « Il n’y aura pas de coup d’état ».
Mais en France, les me(r)dias « main stream » ne voient que les golpistes en Prada… Il est vrai que que peut-on attendre d'autre d'une presse aux mains des multinationales, des banksters et des marchands de canons...
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