Carla Ortiz : Nos médias mentent sur ALEP
Carla Ortiz... une actrice sud-américaine de retour d'Alep...
Avant de vous laisser lire le verbatim de son entretien sur CNN, et puisque nos journalistes "ne font pas le boulot d'aller à Alep voir ce qui s'y passe vraiment", voilà ce que nous, simples citoyens français, pouvons aussi trouver sur la toile qui ne semble pas être "biaisé" : le regard sincère de Carla Ortiz, actrice de télé-novelas boliviennes et de longs métrages en France et aux USA, naturalisée nord-américaine, puis devenue réalisatrice de documentaires militants à la faveur de son engagement pour la cause féminine face à l'intégrisme en Syrie.
De retour de 8 mois en Syrie, elle termine la production d'un documentaire sur la tragédie d'Alep, "VOICE OF SYRIA", dont la première est prévue pour mars ou avril, et qui sera proposé aux festivals à l'été 2017. Elle témoigne en ce moment sur les principales chaines TV américaines pour lesquelles elle a déjà travaillé, dont CNN et FOX11.
Cette démarche peut aussi s'interpréter comme une tentative de convaincre "de l'intérieur" les réseaux du pouvoir médiatique et politique américains, puisque Carla se dit apolitique et fait partie du monde du "show business", avec la particularité d'être d'origine bolivienne, ce qui explique sans doute aussi son engagement. Elle tente de faire entendre raison aux médias pro-rebelles et pro-destitution d'Assad. Nos médias le sont toujours par défaut, voire souvent de façon délibérée. Incapables de se montrer critiques face aux faits qui invalident depuis 5 ans le discours des pays OTAN et chez nous du quai d'Orsay, ils sont à leur façon complices des massacres. Carla Ortiz leur demande implicitement de cesser leurs mensonges sur Alep et sur la Syrie depuis bien avant le 15 mars 2011.
photo : Carla Ortiz dans une rue commercante de Damas pendant le tournage de son documentaire.
Et nous nous joignons à elle. C'est le moment. Ecrivons à nos parlementaires, nos « journalistes », nos « faiseurs d’opinion »… Nos hommes politiques compromis dans cette aventure ignoble, misérable, honteuse, ont fait taire toutes les voix qui leur disaient de ne pas se lancer dans cette guerre en démultipliant les forces de l’hydre djihadiste née en Afghanistan puis en Yougoslavie dans les années 80. Le mariage incestueux de nos "Services" avec les mafias orientales regroupées par l'Arabie Saoudite, le Qatar et la Turquie contre Assad doit cesser. Les 22 millions de syriens le demandent aussi. Ca suffit. En France particulièrement, les vociférations anti-Assad ou anti-russes sur nos écrans sont devenues insupportables. Et Fillon n'en veut pas. Et Trump n'en veux pas non plus. Et Poutine et Assad n'en ont jamais voulu. Stop.
QUE NOUS DIT CARLA ORTIZ ?
NON pas de massacre gouvernemental à Alep. OUI 47 groupes terroristes mêlés aux rebelles et à l'armée syrienne libre qui se tirent dessus entre eux. OUI les rebelles les ont affamés et privés d'école. Ils ont violé des jeunes filles, ils tuaient ceux qui voulaient changer de quartier... NON La petite Bana n'a pas pu envoyer ses tweets depuis les quartiers en guerre car il n'y avait pas d'internet depuis plus de 2 mois, ni même d'électricité, et très peu de 3G ailleurs. (à confronter avec l'étude de Elliot Higgins sur Bellingcat, source elle-même très douteuse). NON pour les réfugiés il n'y a pas de différence entre jihadistes et rebelles ou soldats de l'ASL. OUI tous les syriens veulent la paix et revenir chez eux reconstruire leur maison. Si avec ça nos va-t-en-guerre journalistes, diplomates et politiciens confondus, ne comprennent pas...
Carla nous rejoint en direct (transcript ici)
http://edition.cnn.com/TRANSCRIPTS/1612/21/cnr.02.html
COSTELLO : - Bonjour.
CARLA ORTIZ, ACTRICE ET REALISATRICE : - Bonjour, merci beaucoup de me recevoir dans votre émission.
[09:40:02] C - Non, oh, je pense que vous avez à partager une histoire de la plus haute importance. Avant d’entrer dans les détails de ce que vous avez vu en Syrie, pouvez-vous expliquer aux américains pourquoi ils devraient se préoccuper de ce qui se passe à Alep.
O - Vous savez, je pense que beaucoup d'entre nous se sont sentis impuissants face à la situation à Alep. Nous nous sommes sentis en colère, nous nous nous sommes sentis désespérés, mais nous devons comprendre ces comment canaliser ces sentiments dans des actions. Et nous devons comprendre que ces gens ont enduré une guerre très brutale pendant plus de 6 années, et il est vraiment temps pour nous de considérer la situation en tant qu'êtres humains, et de comprendre et aider ces gens à obtenir la paix qu'ils espèrent tant.
photo : Carla Ortiz filme à Alep est mi-décembre l'embarquement des réfugiés dans des bus affrêtés par le gouvernement et l'armée syrienne.
J'ai été en mesure d'être en Syrie, dans les quartiers d'Alep mais pas seulement, au cours des derniers jours où les civils ont été évacués d'un quartier de la ville vers un autre. Et nous sommes tellement en attente de nouvelles, désireux d’aider, et nous ressentons cette impuissance, que, vous savez, nous répandons des nouvelles dont certaines sont [fausses ?]... en particulier [lorsque ?] nous écoutons les gens, et nous essayons d’interroger toutes ces autres personnes [hors médias ? elle parle de son film]. Mais ce que je veux vous assurer, c'est que ce sont de vraies images de gens qui quittent Alep. Il n'y a pas eu de massacre de masse à Alep. Oui bien sûr il y a eu ces bombardements massifs. Vous… il y a, il y avait 47 groupes terroristes, plus les rebelles, plus l'armée syrienne libre. Tout le monde bombardait tout le monde. C'est pourquoi la guerre n'est jamais une bonne idée.
C - Mais dites-nous, oui dites-nous, Carla, par exemple à quoi ressemblait la vie pour certains de ces habitants qui essayaient simplement de vivre leur vie dans des foyers sans doute hérités depuis des générations. A quoi ressemblait leur vie ?
O - Eh bien vous parlez de l'une des plus anciennes villes au monde, qui date de plus de 4000 ans. Leurs histoires sont celles de tragédies et d'espoir. Vous ne pourriez jamais comprendre si vous ne regardez pas dans les yeux des syriens... leur message est fait d'amour, de paix et de pardon et ils veulent reconstruire leurs foyers. En fait, c'est parfois très dérangeant pour nous à l'ouest qui percevons ces dévastations d'un point de vue différent, mais ils sont absolument certains qu'ils vont reconstruire leurs maisons. Lorsque les gens traversent de l'est vers l'ouest, ce qu'ils disent c'est (message original en arabe…) "Dieu est généreux" et "merci à Dieu", et ils vous racontent comment ils mourraient de faim (1), comment ils étaient privés d'éducation, comment s'ils avaient voulu traverser vers n'importe quel autre quartier, les terroristes les auraient tués, comment les jeunes filles, les petites filles, sont exploitées pour ce jihad sacré, et victimes d'abus sexuels, et c'est vraiment allé trop loin.
Et je peux aussi vous assurer, quand je lisais les note de préparation de tournage, à propos de ces jeunes filles qui tweetent, c'est impossible. J'ai été sur place... franchement... il n'y a pas d'internet, spécialement dans cette partie d'Alep, il n'y a pas d'électricité depuis plus de 85 jours, et très peu de gens ont la 3G ! J'étais avec des gens des Nations Unies, de la BBC et de partout dans le monde, et vous ne pouvez pas envoyer un tweet lorsque vous êtes sur la ligne de front... J’étais…
C - Mais alors, comment Bana a-t-elle pu tweeter selon vous ?
O - Je ne pense pas... je suis vraiment désolé d'avoir à vous dire cela mais j'étais moi-même à Alep, et je ne pense pas qu'elle était à Alep, et je comprends toutes ces choses. Je veux voir une vraie vidéo. Montrez-moi une vraie vidéo du moment où elle est exfiltrée d'Alep est, et je le croirai. Vous savez, les filles là-bas...
C - Mais pourquoi, pourquoi aurait-elle, pourquoi aurait-elle menti sur ça, ou ne dirait-elle pas la vérité sur l'endroit où elle se trouvait ?
O - Vous savez, il y a 47 groupes comme je vous le disais. J'ai été moi-même, une... il y a eu de nombreuses tentatives et j’ai... j'ai été kidnappée 2 fois. Et ils vous intimident, et il y a beaucoup de… je veux dire, c’est effrayant. Et il y a beaucoup de familles qui sont dans ce cas. Soit vous faites ou dites ce qu'ils vous demandent, soit vous êtes tués... On parle de gens qui n'hésitent pas à décapiter des gens, on parle de gens qui ne se comportent pas comme nous, leur structure humaine est complétement différente de la nôtre, c'est pourquoi je pense ils utilisent... ce n'est pas [de la faute à] Bana, ce n’est pas… je veux dire, elle n'est qu'une enfant. Ce que je veux vous faire comprendre, c'est que même les terroristes ont des enfants, et que ces enfants devraient avoir le choix, vous comprenez ? C'est juste écrasant ! Tout le monde meurt !
photo : la petite Bana, libérée par l'armée syrienne, a été envoyée en Turquie où elle a été reçue par Tayib Erdogan.
C – et… et je… et je comprends pourquoi vous pourriez être sceptique parce que dans votre documentaire vous dites aussi que ceux qui sont montés dans les bus destinés à évacuer les réfugiés sont en fait des rebelles ou des terroristes eux-mêmes [ndt : le journaliste semble surpris alors que russes, syriens et turcs ont annoncé 2 jours avant les conditions de l'accord d'évacuation... bref...].
O – Eh bien oui. Bon, en fait, vous avez… vous savez, j'ai passé environ 10 jours sur place pendant l'évacuation et j'ai observé tout ça, et les gens vous racontent leur propre histoire, ils vous disent, vous savez ce qu’ils vous disent, que ces gens sont des terroristes pour eux. Ils disent que pour eux c'est juste Daesh (2), ils ne se préoccupent pas de savoir si c'est un rebelle, si c’est un soldat de l'armée syrienne libre, ils se foutent de ce que c’est.
La chose la plus importante pour nous vous savez, comme je le disais au début, c'est comment passer maintenant à l'action pour de bon. Nos politiciens doivent à présent siéger au Congrès et aux Nations Unies en tant qu'êtres humains, vous comprenez ? Nous devons écouter... sans doute qu’au départ, nous sommes la nation la plus puissante, et la puissance peut créer des changements réels... et peut-être qu’au début, nous avons vu que des gens voulaient un soutien, et nous avons soutenu les rebelles...
C – Oui
O - Et nous avons soutenu l'opposition, mais maintenant il est temps de réfléchir, et d'aider, et d'écouter vraiment la voix de la Syrie, qui dit "arrêtons cette guerre, s'il vous plait donnez nous la paix, retournons à l'école, donnons une éducation à nos enfants". J'ai marché sur des corps de jeunes victimes, j'ai dû respirer l'odeur de la peau morte, et cette guerre doit absolument s'arrêter...
C – oui
O - Parce qu'en tant qu'humains, en tant que femmes, nous comprenons, en tant que mères, en tant que sœurs, et plus encore en tant que filles, que nos enfants ont le droit d'avoir le choix, et toutes les décisions que nous prenons dorénavant, que ce soit dans le business du divertissement, dans le milieu des médias d'informations, doivent aller dans le sens de les aider à mettre fin à cette guerre.
C - Merci beaucoup d'avoir partagé avec nous votre expérience de la Syrie.
O – Merci à vous.
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Notes :
(1) le mot "starving“, "mourir de faim", parfaitement audible, a été jugé inaudible dans la version écrite du dialogue retranscrit par CNN.
(2) le mot « Daesh », parfaitement audible, a été jugé inaudible dans la version écrite du dialogue retranscrit par CNN.
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L'autre interview de Carla Ortiz sur FOX11 :
(...) "je pense que le plus important c'est de revoir nos choix politiques... nous... avions de bonnes intentions en soutenant cette opposition modérée... mais elle n'existe plus. Elle a échappé à tout contrôle en 6 ans, et je pense que cette administration a échoué en ne parvenant pas à trouver un accord , et maintenant, il ne s'agit pas de réviser notre politique, mais de réviser notre vision humanitaire... on parle bien d'un quart de million de gens qui sont morts !"
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