Causes et enjeux du conflit tchétchène
Le second conflit Tchétchène, qui dévaste depuis plus de neuf ans cette minuscule république de la Fédération de Russie aurait fait plus de 300 000 victimes, décimant de ce fait plus de 23% de la population. Face à l’immobilisme de l’OTAN, le Kremlin utilise la situation tchétchéne comme un prétexte de la politique autoritaire menée par le duo Medvedev-Poutine. Lors de sa réélection à la présidence Russe en 2004, Vladimir Poutine avait d’ailleurs fait de la question tchéchène un point essentiel de son programme, promettant de rétablir l’ordre dans cette province caucasienne, où d’importants enjeux politiques empêchent une normalisation de la situation. Décryptage des causes et enjeux d’un conflit aussi dramatique que meurtrier.
Aux origines du conflit
Le conflit tchétchène trouve ses origines dans la dislocation de l’empire soviétique en 1991. La Tchétchénie était alors rattachée à l’Ingouchie (autre région désormais séparatiste) dans un ensemble régional autonome intégré à l’URSS. Lors de la chute de l’union, des mouvements séparatistes se forment pour réclamer l’indépendance de la Tchétchénie-Ingouchie, conduisant à un coup d’état mené par Djohar Doudaev et appuyé par Boris Eltsine (ce dernier avait été épaulé par Doudaev lors de sa prise de pouvoir). Le discours de Doudaev, qui apparaissait initialement comme relativement modéré, évolue progressivement vers une véritable revendication de l’indépendance tchétchène. Ainsi, le 2 Novembre 1991, Doudaev déclare l’indépendance de la Tchétchénie-Ingouchie et se proclame président de cette nouvelle nation, approuvé par le parlement.
Du fait de l’aide que Doudaev avait apporté à Boris Eltsine lors de sa prise de pouvoir, l’état russe ferme les yeux sur les dramatiques évènements tchétchènes où 250 000 étrangers sont chassés du territoire entre 1991 et 1994. Mais les multiples fraudes, l’insurrection qui règne, et les contacts qu’établit l’état tchétchène avec des mouvements islamistes d’Arabie contraignent les Russes à réagir en menant une opération militaire colossale de 20 000 soldats, censée aboutir par une victoire écrasante et rapide des forces militaires russes. Peine perdue puisqu’après deux ans de combats intenses, les deux nations signent le traité de paix de Khassaviourt, renvoyant à plus tard la question de l’indépendance de la Tchétchénie.
Des élections libres sont organisées un an plus tard et portent au pouvoir le modéré et pro-russe Maskhadov. Mais l’exacerbation des nationalismes, les multiples attentats perpétrés par les extrêmistes tchétchènes sur le territoire russe ainsi que leurs revendications de création d’un étât islamiste caucasien ravivent les tensions. C’est ainsi que l’actuel premier ministre russe, Vladimir Poutine, lance en août 1999, une opération militaire de plus de 80 000 hommes en Tchétchénie , afin de contrer ce qu’il considère comme une menace terroriste. Officiellement, c’est une incursion de rebelles tchétchènes dans le république russe du Daghestan qui a motivé cette déclaration de guerre.
Le rôle de Vladimir Poutine dans le conflit
C’est sous ses ordres qu’a été lancé le second conflit tchétchène (et cela à quelques mois de son élection à la présidence de la fédération) et il en aura fait tout au long de sa présidence un dossier privilégié. Profitant du désespoir et de la rancoeur russe du fait des attentats perpétrés par les Tchétchènes (Tragédie de Beslan notamment), Vladimir Poutine a utilisé l’instabilité du Caucase, en particulier de la Tchétchénie, comme une justification de sa politique autoritaire et impérialiste.
Lors d’un discours prononcé quelques jours après la tragédie de Beslan , Poutine emploie même le terme de camp de concentration pour obtenir vengeance auprès du peuple tchétchène. A la suite de ces déclarations, aucune puissance médiatique ou politique russe n’émet la moindre protestation, témoignant ainsi du régime absolutiste qu’a instauré Vladimir Poutine. Véritable tsar des temps modernes, Poutine a soumis à sa personne la population qui se contente d’obéir, ne protestant que si elle est concernée directement par les mesures prises par le Kremlin. Et si elle n’accorde pas la moindre légitimité en ses partis politiques (voir notre article à ce sujet), elle place une confiance absolue dans les mains de Poutine, comme en témoigne un sondage ROMIR pour qui 50% des sondés ont déclaré que l’organisation publique en laquelle ils faisaient le plus confiance était leur président, Vladimir Poutine.
Aveugles de la situation tchétchène, faute d’opposition et de forces médiatiques crédibles, (voir notre article à ce sujet), le peuple russe n’est pas en mesure de protester contre les abus de Vladimir Poutine dans le Caucase. Le premier ministre russe est pourtant à la cause du ravivement des tensions en 1999, où, la question tchétchéne était apparue comme un moyen de démontrer la puissance russe pour celui qui occupait alors ce même poste de premier ministre.
Les attentats à répétition opérés par des groupes terroristes tchétchènes expliquent la confiance qu’éprouvent les russes vis à vis de Vladimir Poutine, dont la politique autoritaire séduit en climat sécuritaire. Vladimir Poutine est d’ailleurs accusé d’avoir, et cela dans le but de justifier la poursuite du conflit tchétchène, simulé des attentats, en 2000, dans un immeuble à Kazian. Des individus sont en effet surpris avec des paquets suspects, en train de pénétrer dans l’immeuble en question. Les forces de police sont averties et décident d’engager l’enquête après avoir décelé dans ces paquets des explosifs. Le siège du FSB (services secrets), à Moscou, suspend alors immédiatement l’enquête expliquant qu’il s’agissait de simples essais, censés contrôler que la population adopte les bons réflexes. La polémique enfle alors, et certains défendent une théorie selon laquelle le FSB aurait manigancé l’explosion du bâtiment, accusant par la suite les terroristes Tchétchènes , et ainsi justifier la poursuite des combats.
La barbarie de l’armée russe
Si les occidentaux ne mettent pas en cause les raisons qui ont amené la Russie à mener la deuxième guerre tchétchène, c’est la brutalité de l’armée russe et la crise sociale et économique qu’elle a provoqué qui est sérieusement mise en cause par l’ensemble de la communauté internationale.
Lors de son incursion militaire en 1999, les forces armées russes ont dévasté villages et villes, pillant les habitations au motif de la recherche d’islamistes et n’hésitant pas à abuser sexuellement de la population. Les abus de l’armée russe sont notamment relatés par la presse occidentale, en témoigne un article du quotidien français Le Monde qui est parvenu à se procurer en avril 2003 un document confidentiel du FSB à l’attention du Kremlin et comptabilisant près de 3 000 civils sauvagement assassinés, sous la torture et sous les balles russes rien que durant la seule année 2002. Le kremlin rétorque que la guerre tchétchène n’est qu’une affaire intérieure à la Russie et qu’elle ne doit en aucun cas susciter la moindre réaction des occidentaux.
Le bilan du conflit tchétchène est pourtant dramatique, la capitale, Grozny, n’est aujourd’hui plus qu’une ville fantôme en ruine, en dépit des plans de reconstruction ; et les rares ONG à avoir pu se rendre sur le sol tchétchène recensent près de 100 000 morts pour autant de réfugiés. La faute à l’armée russe, qui a fait preuve d’une barbarie extrême, témoignant de la profonde crise qu’elle subit. La violence des bizutages, les salaires de misère, les conditions de vie précaires et inhumaines, expliquent la crise que subissent les forces armées russes, que de rares journalistes osent dénoncer.
Conclusion
Le conflit tchétchène s’explique par plusieurs raisons, dont les origines ne sont non pas énergétiques ou géopolitiques, comme c’est principalement le cas dans le Caucase, mais politiques. Depuis son commencement, le conflit s’est inexorablement enlisé, et ne trouve aujourd’hui plus aucune raison d’être. Le seul objectif qu’éprouve le Kremlin désormais, consiste à prouver à l’occident la détermination russe ainsi que la puissance de sa force militaire. Le Kremlin qui dit aussi craindre,un effet domino qui conduirait à un nouvel éclatement de la Russie. Pourtant, les troupes ont aujourd’hui le sentiment d’être abandonnées et restent traumatisées par la violence d’un conflit dont elles ne comprennent plus les raisons.
La Tchétchénie n’est aujourd’hui plus qu’un territoire délabré, où règne la corruption et le crime organisé. La population de cette petite république du nord du Caucase n’est aujourd’hui plus que de 400 000 habitants, contre 1,2 million au commencement du conflit. Les raisons qui motivent Vladimir Poutine à poursuivre le conflit ne sont que purement politiciennes. Avouer sa défaite pour l’actuel premier ministre constituerait un échec monumental alors que l’ancien président avait fait du dossier tchétchène le coeur de son programme électoral.
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