Chili : De la crise à la rue, l’expulsion des sans-abri au milieu d’un puissant torrent en pleine capitale
Tandis que le Chili est entré en pleine campagne présidentielle, deux cents personnes surendettées devenues sans abri avaient installé leurs tentes en protestation sur les bords du fleuve qui traverse la capitale, en plein centre de Santiago du Chili. Vendredi 19 juin, les forces armées sont venues expulser les campeurs dans une lutte très violente de plusieurs heures au milieu d’un puissant torrent dû à l’arrivée de fortes pluies.
Si l’opération rappelle celle des enfants de Don Quichotte en France, le fleuve Mapocho qui traverse la ville a la particularité d’être un fleuve de montagne qui arrive directement des Andes toutes proches. En l’absence de quais, les occupants s’étaient installés dans le lit même du fleuve.
À l’arrivée des premières pluies vendredi matin, le fleuve s’est mis à monter à vue d’oeil et le courant à s’accélérer. Lorsque plusieurs rivières ont débordé en amont, le courant a atteint une force impressionnante, charriant d’énormes troncs d’arbres filant à toute vitesse à quelques centimètres des tentes des occupants. Les militants ont alors démarré la construction de barricades et des feux en menaçant de se jeter dans le torrent en cas d’intervention policière. Dans l’impossibilité de la négociation, deux femmes ont effectivement tenté de sauter dans le fleuve mais elles ont été récupérées pour être immédiatement incarcérées. Tandis que la pluie s’intensifiait, les militants continuaient de manifester sur une bande sèche de moins de deux mètres de large, acculés entre le fleuve en crue et un mur de trois mètres en haut duquel les attendaient plusieurs cars de l’armée. C’est seulement en fin d’après-midi que les quelques 70 soldats des forces spéciales réunies sur le pont sont parvenues à les expulser. Une dizaine de personnes s’étaient encordées et avaient avancé dans le puissant fleuve, mettant leur vie en jeu. L’évacuation a donné lieu à de nombreuses et violentes arrestations sans qu’aucune négociation n’ait abouti et plus de cinquante militants seraient détenus. Les forces de l’ordre ont également évacué le public qui se massait sur les bords hauts du fleuve et tenté d’arrêter les observateurs trop solidaires du mouvement.
A l’Est du pont, on aperçoit la construction en cours de la future plus haute tour d’Amérique du Sud, dont le verre brille au milieu du quartier d’affaires et des centres commerciaux flambant neufs. Ce symbole du "miracle" économique chilien fait écho au côté Ouest du pont, qui démarre le gradient inverse vers la pauvreté, et ultimement, les bidonvilles. Le système du crédit qui a mis les campeurs du Mapocho à la rue a ironiquement également suspendu la construction de la gigantesque tour de verre...
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