Chine et Afrique : mariage de raison ou mariage de cœur ?
A l’heure où de nombreux pays africains croupissent sous le poids de la dette, attendant une hypothétique annulation de cette dernière, la diversification de la coopération semble la solution la mieux indiquée. A ce titre, celle du type sud/sud, en tête de laquelle un partenariat préférentiel avec la Chine s’impose.
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L’idylle entre la Chine et de nombreux pays africains date
de l’époque de feu le Président Mao Tse Toung, dans les années 1970
; même si elle a longtemps souffert de différends idéologiques, et surtout du
problème de Taïwan, cette relation a beaucoup évolué, et est passée d’un mariage de cœur à
un mariage de raison.
Pourquoi cette évolution ?
La Chine est un pays du Tiers monde, au sens de la définition
du sommet de Cancun ; c’est le pays le plus peuplé de la planète (plus d’un
milliard trois cents millions d’âmes) ; elle est comme de nombreux pays
africains, pauvre si on se réfère au PIB et au RNB, mais extrêmement
développée. Il n’est un secret pour personne que les occidentaux et les Américains
ont les yeux de Chimène pour ce pays, dont les performances technologiques et
scientifiques sont extraordinaires. L’Afrique a compris que son progrès peut
passer par ce géant au grand cœur, dont les actions envers le continent noir
sont diamétralement opposées à celles ayant traditionnellement cours ; en
effet, s’il est établi que la dette contractée par nombreux pays du continent
est aujourd’hui un fardeau ressemblant au rocher de Sisyphe, on n’explique pas
assez que ce sont les intérêts cumulés qui l’alourdissent, la mettant hors de
portée d’un remboursement, eu égard de la conjoncture actuelle ; avec la Chine,
non seulement les prêts se font sans intérêts, mais les conditions de
remboursement sont souples, se faisant parfois par compensation avec les ressources
naturelles (pétrole, bois ou autres). Voilà, en substance, ce qui motive aujourd’hui
de nombreux pays du continent à se tourner vers ce partenaire, non exigeant,
ayant des conditions de remboursement souples, et des travaux de bonne qualité,
après exécution des marchés qu’ils obtiennent en les finançant de leurs poches.
Que peut gagner l’Afrique de sa coopération avec la
Chine ?
La coopération sino-africaine est bénéfique à plus d’un
titre ; en effet, comme nous l’avons souligné plus haut, la dette chinoise est
sans intérêt, remboursable à long terme et, chose particulière, dans le cas où
cette dernière est contractée pour la réalisation des grands travaux, elle
bénéficie dans son exécution de l’assistance technique et humaine de la partie
chinoise. S’agissant principalement de l’intérêt, c’est une donnée motivante,
dans la mesure où aujourd’hui, dans le montant de
la dette de l’Afrique, une part importante est due à l’intérêt généré par
l’emprunt de base ; il s’agit évidemment d’une donnée très importante. Un autre fait
marquant est digne d’intérêt, la diversification des secteurs
d’interventions, qui couvrent les domaines scientifiques, techniques et de
technologies de pointe.
A -) Les secteurs traditionnels d’intervention : * Les
grands travaux : La Chine intervient généralement en Afrique dans les grands
travaux ; ainsi, dans de nombreux pays africains, les nombreux stades de
football (stades omnisports de Yaoundé et de Douala au Cameroun, au Bénin, et
dans bien d’autres pays) , Palais du peuple à Djibouti et aux Comores, bâtiment du
ministère des affaires étrangères à Djibouti encore et en Ouganda, Hôtel
Sheraton à Alger, Palais de la culture à Abidjan, Assemblée nationale et palais
du Sénat à Libreville, logements en Centrafrique, Algérie et Guinée Bissau,
l’architecture chinoise fleurit un peu partout sur le continent noir ; nombre
de supporters africains - notamment maliens, djiboutiens, et bientôt
centrafricains - encouragent leur équipe dans des stades bâtis par des
entreprises chinoises, qui ont également construit des routes en Guinée équatoriale, érigent actuellement le Sénat à Libreville et terminent le nouvel
aérogare d’Alger, dont le chantier avait été abandonné pendant plus de dix ans.
Côté infrastructures, la Chine a financé et construit des
aéroports au Mali, à Nouakchott le port autonome, au Maroc trois barrages, en
Algérie un réacteur nucléaire expérimental.
* La coopération universitaire : si les enseignants chinois
ne sont pas présents en Afrique, de nombreux Africains font leurs humanités en
Chine, surtout dans la médecine, formation très prisée
dans les structures hospitalières du continent africain ; de nombreux cabinets
médicaux chinois ont pignon sur rue à Libreville, Douala et dans bien d’autres
grandes villes africaines à l’heure actuelle. Elle intervient depuis plusieurs
dizaines d’années dans le secteur de la santé, fournissant des médecins notamment en Algérie
et au Cameroun, où Pékin a également financé la construction récente d’un
hôpital spécialisé dans la gynéco-obstétrique ; le Gabon lui doit l’hôpital de la
coopération sino-gabonaise de Libreville et de Franceville.
* Autres secteurs :
Pêche et agriculture sont également deux secteurs dans lesquels les
Chinois sont très présents, que ce soit en Guinée Bissau ou au Gabon, où une
entreprise de pêche industrielle sino-gabonaise a été créée en 1986. Deux
autres entreprises sino-gabonaises sont spécialisées dans la transformation du
bois.
Les secteurs de pointe ne sont pas oubliés : en Ethiopie,
comme à Djibouti, la Chine a investi plusieurs millions de dollars dans les
télécoms.
Parmi les nombreux prêts ou dons annuels de la Chine à l’Afrique, Pékin a récemment accordé 2,5 milliards de francs CFA
(3,8 millions d’euros) à la Centrafrique, lui permettant de payer ses
fonctionnaires.
Le financement de projets concrets "marque la
différence entre la coopération Afrique-Chine et celle de l’Afrique avec
d’autres pays", notait mi-décembre, lors du forum sino-africain d’Adis
Abeba, le ministre capverdien de l’économie, le Dr Avelino Bonifacio, à
l’occasion de la signature d’un accord sur la construction d’une cimenterie au
Cap-Vert.
La coopération à la chinoise a surtout l’avantage, pour
certains pays, de n’être assortie d’aucune "condition politique",
comme l’a rappelé le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, dans la capitale
éthiopienne.
B -) Les nouveaux secteurs d’intervention : l’empire du
milieu est actuellement présent dans l’exploitation minière, notons le cas du grand
chantier de mine de fer de Belinga dans la province de l’Ogooué Ivindo, au Gabon
; on retrouve également les Chinois dans l’exploitation pétrolière, le bois. L’Inde ayant
souscrit aux dispositions de l’Organisation mondiale du commerce, privant
l’Afrique de ses médicaments génériques, la solution qui s’offre actuellement
au continent en proie à une pauvreté excessive est de se tourner vers la Chine,
dont l’expertise, à ce niveau, n’est plus à démontrer, notamment pour la
fabrication de médicaments traditionnels améliorés ; l’exemple des structures
hospitalières chinoises, où cohabitent médecine moderne et médecine
traditionnelle, est un exemple à suivre pour les pays africains, où une telle association occupe une place de choix dans les consciences collectives. L’Afrique, par sa forêt et ses végétations particulières, est une source inestimable de
plantes aux vertus thérapeutiques parfois inexplorées et inexploitées ; il est temps,
face au coût élevé des médicaments, de se tourner vers ce type de traitement qui a
fait le bonheur de nos grands-parents et continue, de nos jours, d’être au
service de nombreux Africains : l’expérience chinoise peut être bénéfique.
Un exemple de coopération réussie :
La Chine et Le Gabon. Le visiteur de Libreville, la capitale gabonaise, après dix ans d’absence n’en croit pas ses yeux ; de l’échangeur de
la RTG au ministère des affaires étrangères, en passant par l’hôtel de ville, le
tronçon de la voie express appelée communément ‘’boulevard triomphal’’ a
radicalement changé ; face à l’hôtel de ville, se dresse une bâtisse ultra
moderne, le ‘’Palais Léon Mba’’, siège de l’Assemblée nationale construit sur
environ cinq cents hectares ; diamétralement opposé, le ‘’Palais Omar Bongo Ondimba’’,
siège du Sénat, de superficie analogue à celle de l’Assemblée nationale. En
construction également, la Cité de l’information, œuvre des chinois ; à
Franceville, au sud du Gabon, le palais de la culture, récemment livré. Le
Président Omar Bongo vient d’ailleurs d’inaugurer le complexe de pêche
artisanale de Lambaréné, dont la finalité est de mettre à terme du poisson fumé
et salé sur le marché sous-régional. Toujours dans ce sens, sous l’impulsion de
la Chine, en partenariat avec le Brésil, le minerai de fer de Bélinga sera sur
le marché d’ici 2007 ; lorsqu’on sait que ce grand chantier nécessite
d’importants moyens, notamment le ralliement de la voie ferrée Boué-Belinga et
Ntoum-Santa Clara, ainsi que la construction du port de Santa Clara, on ne peut
que se réjouir, surtout que les effets induits, notamment sur l’emploi, la
création des micro activités autour des différents chantiers, sont non
négligeables... Autre facteur digne d’intérêt, l’arrivée les articles chinois à
moindre coût sur le marché. Alors qu’il y a cinq ans, peu de foyers étaient équipés
de téléviseurs couleurs et de lecteurs DVD, il est quasiment courant de rencontrer
- dans un ménage sur trois- cet équipement : même si la qualité est moindre, il
faut savoir qu’en Afrique, le prix prime sur la qualité. On note, actuellement,
dans plusieurs pays africains, le recul des partenaires traditionnels (France,
Allemagne, Angleterre) ; la Chine prend du terrain, et s’implantera durablement
en Afrique grâce à ses types de partenariats, qui prennent en compte la nature
des Africains, à savoir leur état de pays pauvres qu’il faut aider à se développer, sans
chercher à faire des affaires juteuses sur leurs têtes. Dans tous les chantiers qu’ils entreprennent, les Chinois sont eux-mêmes présents. Mais quel est ce
partenaire qui finance, assure le suivi et la réalisation du projet ?
C’est, en substance, ce qui fait grincer les dents des Africains qui jusqu’à un passé très récent, n’avaient jamais assisté à ce type de
coopération ; dans les chantiers financés par les Chinois, 40 à 45% d’ouvriers,
des ferrailleurs aux bétonneurs, en passant par les menuisiers, les
électriciens, les charpentiers et autres, sont chinois ; les salaires sont très
bas, parfois même en dessous de ceux qui sont fixés dans les chantiers détenus par
les Européens ou les Africains. Lors de la construction du palais de
l’Assemblée nationale gabonaise, dans les années 2002 - 2003, il n’était pas
rare d’assister à des sauts d’humeur des employés africains réclamant une
amélioration des conditions de travail, et notamment de la rémunération.
Autre fait nouveau, les Africains sont étonnés de voir ce
type de coopérants travaillant du lundi au dimanche, sans jour de repos, faisant
tous genres de travaux, sans discrimination, traversant la route à la manière
des moutons de Panurge... Dans le domaine de l’insolite, marchant toujours en
groupe de cinq ou dix personnes, communiquant par des signes avec les Africains,
à cause de la méconnaissance de la langue ; contrairement aux occidentaux et Américains, dont la position sociale fort aisée attire plus d’une femme
africaine en mal d’amour et de pécules, ces coopérants d’un type nouveau déplaisent à la gente féminine, à cause, disent les femmes, de leurs égoïsmes, système
communiste aidant... ’’Les chinois sont merveilleux...’’ affirme un habitant
d’un quartier populaire de Libreville, et de continuer : ‘’Ils nous apportent tout : des produits vestimentaires aux produits manufacturés, en passant par les
automobiles, le matériel HiFi, les ordinateurs, les portables et autres... ils
nous envoient déjà même les femmes pour rivaliser avec nos belles de
nuits... C’est vraiment merveilleux‘’, conclut-il.
Et les partenaires traditionnels ?
Ils assistent, éberlués, au déferlement de cette nouvelle
vague de concurrents, chouchoutés par les Africains ; ça grince, mais que faire
? Repenser un nouveau type de partenariat avec l’Afrique, en privilégiant
l’économie, qui nourrit l’homme, par rapport à la politique, qui a fait les preuves de son inefficacité.
Nous pensons qu’actuellement, en Afrique, les occidentaux et
les Américains doivent comprendre, dans cette percée chinoise, que l’économie est
une chose suffisamment sérieuse pour qu’il faille la confier aux économistes, et non aux
politiciens qui, quarante ans après les indépendances de nombreux pays
africains, ont montré leur incapacité à amorcer le décollage du continent africain.
Fini, le provisoirement définitif, ou le définitivement provisoire, place au développement durable, tel semble être le leitmotiv de bon nombre d’Africains.
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