Comment construire une mondialisation plus juste ?
Le Sommet Mondial du Développement Durable qui se tiendra à RIO à partir du 20 juin prochain sera déterminant pour l'avenir de la planète.
Gâcher ce rendez-vous par des conclusions sympathiques mais non engageantes (bref, de la démagogie) serait une très lourde faute politique.
Il faut remettre l'économie au service de l'Homme. C'est possible.

Comment construire une mondialisation plus juste ?
Le prochain Sommet Mondial du développement durable se tiendra à RIO à partir du 20 juin prochain. Il va se dérouler dans une atmosphère mondiale particulièrement lourde. On peut citer : le printemps arabe, le printemps érable, les indignés, l’environnement et le climat, la dette et la corruption, le chômage et la pauvreté, le tout sur fond de défiance entre les citoyens et les politiques.
Dans un tel contexte, gâcher ce rendez-vous par des conclusions sympathiques mais non engageantes (bref, de la démagogie) serait une très lourde faute politique.
Ceci signifie que toutes les conditions sont réunies pour (enfin) prendre les mesures de fond dont la planète a grand besoin.
1 – L’objectif. Une très grande ONG française a récemment décrit ce qu’elle attend de Sommet de RIO. En substance : la promotion du travail décent, la reconnaissance du droit à un environnement sain pour tous, la création d’un socle de protection sociale universel qui inclue la santé, l’éducation et des systèmes de revenus minimum pour celles et ceux qui se retrouvent dans l’incapacité de travailler, la préservation de la production alimentaire dans chaque pays, et la protection des droits de l’Homme dans les accords internationaux du commerce.
Grosso modo, ces demandes sont représentatives des attentes de la société civile mondiale.
2 – Le problème posé par ces demandes. Supposons que le Sommet de RIO décide de mettre enœuvre la totalité de ces propositions, par des conclusions claires et précises. Si un pays (en particulier une dictature) ne fait aucun effort pour les appliquer, que se passera t-il ? Rien.
Cela vaut pour la totalité des demandes décrites au point 1 ci-dessus. Récemment, le collectif ROOSEVELT 2012 ( http://www.roosevelt2012.fr/) rappelait qu’avant d’adhérer à l’OMC, la Chine a signé 22 conventions sociales à l’Organisation Internationale du Travail[1]mais qu’ elle n’en respecte quasiment aucune. Face au côté immoral de cette situation et à la concurrence déloyale qu’elle entraîne, que se passe t-il ? Rien. Pouvons-nous bloquer ou réduire nos importations chinoises en attendant plus de bonne volonté de la part de la Chine ? Non, les règles de l’OMC s’y opposent.
Certes, en interne, un syndicaliste chinois peut toujours faire un procès à l’Etat Chinois, et il devrait obtenir gain de cause, puisque la Chine s’est engagée sur ces 22 conventions. On souhaite bonne chance à ce syndicaliste
3 – Pourquoi sommes-nous ainsi paralysés ?
Pour répondre à cette question, revenons un instant sur l’histoire récente.
Pendant les trente glorieuses, l’économie était centrée sur des territoires géographiques : nos États-Nations. La délocalisation des entreprises était extrêmement difficile. Le contrôle des changes rendait quasiment impossible la fuite des capitaux. Le niveau des droits de douane nous protégeait des importations.
Dans cette économie fermée, le droit du commerce et le droit du travail étaient au même niveau. Ils étaient régis par des Lois ayant toutes la même valeur juridique. Les manquements étaient sanctionnés l’un comme l’autre par des Tribunaux (Tribunaux de commerce, et Conseils d’Prud’hommes). Les manquements à la sécurité, les fraudes sur la qualité des marchandises ou encore les ententes destinées à fausser la concurrence étaient portés devant les tribunaux correctionnels.
Quant à l’environnement, ce n’était pas encore un sujet.
L’ensemble était cohérent. La concurrence était loyale entre toutes les entreprises, car elles étaient soumises aux mêmes charges et aux mêmes contraintes.
C’est ce qui explique que le progrès était partagé.
La mondialisation a battu en brèche cet équilibre.
Depuis les années 90, le cadre de la mondialisation résulte essentiellement des accords signés par les Etats à l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Ce sont eux qui posent problème.
Les défenseurs de l’OMC affirment que ces accords sont bénéfiques, car ils régulent la mondialisation. Ce n’est pas exact, car la mondialisation repose pas sur un cadre très différent, qui la rend bancale. Voici pourquoi.
a- Les négociations de l’OMC sont des accords internationaux. A ce titre, ils s’imposent à tous les Etats. En cas de contradiction entre le droit français et un accord international signé par
b - Les accords de l’OMC ne traitent que des aspects du commerce et de la concurrence[2]. Ils font l’impasse les conditions sociales et environnementales dans lesquelles sont fabriqués les produits échangés sur la planète.
c - Conséquence : un déséquilibre très injuste a été instauré par ces accords de l’OMC. Un Etat ne peut en aucun cas s’opposer à l’entrée sur son territoire sans droits de douane d’un bien fabriqué par des quasi-esclaves et dans de mauvaises conditions environnementales. Il serait condamné à de très fortes amendes par le Tribunal de l’OMC.
Si bien que pour « rester compétitif »,il doit tirer vers le bas ses ambitions sociales et environnementales. Jusqu’où ? Personne ne l’a jamais dit. On se contente d’affirmer qu’il faut être compétitif.
d – Le profit est donc devenu mécaniquement la priorité N° 1. En raison de tout ce qui précède, les stratégies court termistes se révèlent fréquemment gagnantes. Tant pis pour l’avenir. Tant pis pour le partage équitable des richesses et des ressources. La logique des marchands l’emporte sur la logique des Hommes et sur la durabilité.
4 – Comment faire en sorte que les attentes décrites au point 1 ci-dessus soient respectées si elles sont décidées à RIO en juin prochain ?
Il faut décider à RIO d’engager une négociation internationale pour « placer sur un pied d'égalité le droit de la santé, le droit du travail, le droit de l'environnement et le droit du commerce ».
L'idée est que « l’OMC ne peut plus être seule à décider de tout et que chaque institution internationale spécialisée doit avoir sa part dans la définition des normes internationales et dans leur mise en œuvre.
Le cadre de la mondialisation évoluerait par exemple de la façon suivante :
1 – L’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) ne subirait pas de changement. Elle fixe des normes sur le commerce qui sont obligatoires. L’Etat qui ne les respecte pas peut-être condamné à de très fortes amendes. Elle dispose d’un Tribunal, et celui-ci fonctionne.
2– L’Organisation Mondiale du Travail (OIT) évoluerait fortement. Actuellement, elle fixe des normes sur les conditions du travail, mais elles ne sont pas obligatoires. Les Etats sont libres de les appliquer ou non. Les statuts de l’OIT prévoient un Tribunal, mais il n’a jamais été mis en place (Les esprits ne sont pas prêts…). Pour rééquilibrer la mondialisation et remettre l’économie au service de l’Homme, il faut que ces normes deviennent obligatoires pour tous les membres de l’OIT ET de l’OMC, car elles tiennent compte de la situation des pays en développement[3]. Il faut enfin créer le Tribunal prévu par les statuts de l’OIT, et que les Etats qui s’estimeraient victimes de concurrence déloyale puissent le saisir, et obtenir des sanctions économiques sur le modèle de ce qui se passe à l’OMC.
Les importateurs prendraient alors conscience qu’ils ne pourront plus importer des produits en France et en Europe sans se préoccuper des conditions de production.
3 – Enfin, une Organisation Mondiale de l’Environnement serait créée, avec son Tribunal, charge à elle de fixer des normes de progrès dans le domaine de l’environnement.
En ce qui concerne d’une part la création de cette future Organisation Mondiale de l’Environnement et d’autre part l’évolution proposée de l’Organisation Internationale du Travail, il faut prévoir des délais suffisants pour que les réformes se mettent en place. L’essentiel est de prévoir des progrès chaque année, même si ce ne sont que des petits pas, pourvu qu’ils s’inscrivent bien dans le calendrier.
La priorité est de fixer AUJOURD’HUI l’objectif, et qu’il soit admis que si les progrès ne se produisent pas comme prévu, les Etats qui s’estimeraient lésés puissent saisir les Tribunaux compétents et obtenir des sanctions.
De la sorte, la logique marchande ne pourrait plus l'emporter sur toutes les autres et toutes les règles deviendraient véritablement des normes que chaque institution internationale spécialisée s'appliquerait à faire respecter pour ce qui concerne son domaine de compétence.
Le juge du commerce ne serait plus le seul à décider. Ainsi le droit commercial ne serait plus le seul à prévaloir.
C’est la seule façon de remettre l’économie au service de l’Homme.
Extrait du discours du président de
« … On sait l'énergie que
La France tiendra t-elle cette promesse lors du Sommet Mondial du développement durable de RIO en juin prochain ? Au contraire, va t-elle plier devant les lobbies, et« oublier » cette idée majeure ?
L’enjeu est fondamental. Il dépasse largement nos clivages droite-gauche. Le prochain Sommet Mondial du Développement durable se tiendra en 2022. La mondialisation me semble trop bancale aujourd’hui pour durer telle quelle dix ans de plus. Les peuples sont de plus en plus exaspérés.
Bertrand de Kermel
Président du Comité Pauvreté et Politique
Auteur de : « le scandale de la pauvreté,
les causes et les remèdes »,éditions de l’Œuvre
[1] L’OIT a été créée en 1919 (Il y a 93 ans !). Sa constitution débute en affirmant qu'« une paix universelle et durable ne peut être fondée que sur la base de la justice sociale[] ». On reste dubitatif lorsqu’on entend dire qu’au bout de 93 ans « les esprits ne sont pas encore prêts à intégrer des clauses sociales dans les accords commerciaux internationaux… »
[2] Sauf quelques situations totalement exceptionnelles
[3] Et si quelques problèmes apparaissent, il faut les traiter par exception, et non en faire un principe applicable à tous les pays, ce qui n’incite nullement les importateurs à être vigilants sur els conditions de production.
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