Comment les drones changent la donne

L’utilisation de drones dans les conflits militaires a été remise sur le devant de la scène par des rapports médiatiques sur l’utilisation de drones Bayraktar turcs par l’armée éthiopienne dans la lutte contre le Front de libération du Tigré, ce qui a fait pencher la balance en faveur des troupes gouvernementales.
L’Éthiopie n’est pas le premier champ de bataille où les drones ont joué un rôle important ces derniers temps. Le conflit entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan en a été un exemple. La Turquie avait utilisé avec succès des drones TB2 dans le conflit du Haut-Karabagh.
Auparavant, la Turquie avait utilisé le même aéronef lors de l’opération « Bouclier de printemps, » menée par les forces armées turques dans le nord de la Syrie en février 2020. À cela s’ajoute le rôle de ces avions dans le conflit libyen et dans une attaque contre la raffinerie de pétrole saoudienne Aramco en 2019.
Ces événements illustrent un tournant dans le rôle opérationnel des drones et leur passage de la surveillance, de l’observation, du renseignement et de la collecte d’informations à des missions offensives à fort impact. Ils montrent également quels pays ont fait des progrès dans la fabrication de ces engins volants et comment ils les utilisent politiquement et stratégiquement.
Outre les grandes puissances internationales, notamment les États-Unis, qui disposent de plusieurs générations de drones utilisés depuis de nombreuses années par l’armée américaine, la Turquie, Israël, la Chine et l’Iran se font remarquer.
Le rôle de ces engins volants a attiré l’attention du monde entier au point qu’un groupe bipartisan de 27 membres du Congrès américain a exprimé son inquiétude face au développement du programme turc de missiles de croisière.
Ils ont demandé au secrétaire d’État Anthony Blinken de suspendre les autorisations d’exportations militaires vers Ankara afin de s’assurer qu’aucune technologie américaine ne soit utilisée dans le programme d’avions Bayraktar. Ces avions se sont révélés capables de changer les équations d’un conflit et de jouer un rôle décisif pour les intérêts d’une partie, mais pas pour ceux des autres.
En raison de leur faible coût, beaucoup pensent qu’ils seront parmi les armes les plus utilisées dans les années à venir, d’autant plus que la différence de prix avec les autres armes est sensible. Le prix des Bayraktar turcs est estimé à 5 millions de dollars. À titre de comparaison, l’avion de combat F-35 coûte environ 122 millions de dollars.
L’Eurofighter Typhoon revient à environ 165 millions de dollars. Le Sukhoï Su-57 est évalué à 84 millions de dollars. Rappelons à ce propos qu’au vu de la forte demande de cet avion, l’un des plus utilisés et des plus convoités au monde, Bayraktar est devenu l’un des instruments les plus puissants d’Ankara pour se développer à l’extérieur et gagner en influence.
En vendant le Bayraktar à une quinzaine de pays, la Turquie a créé des opportunités supplémentaires pour ses intérêts stratégiques. La coordination turco-russe en Syrie et dans d’autres régions ne peut pas masquer le fait qu’après la destruction de plusieurs systèmes, notamment en Syrie et en Libye, la concurrence entre les drones Bayraktar et le système de défense russe Pantsir est intense.
Un aspect du danger que représentent ces avions est en outre qu’ils sont tombés entre les mains de milices dans les pays de la région. Les Houthis au Yémen et les milices sectaires en Irak en ont profité. Elles permettent également de commettre des attentats et de nier ensuite toute responsabilité, comme dans le cas de l’attentat contre le site d’Aramco en Arabie saoudite.
Certaines statistiques montrent qu’environ 63 organisations, milices ou forces irrégulières dans le monde disposent de drones. Cela constitue également une violation de la souveraineté des États, voire des droits de l’homme, puisque ces engins volants sont utilisés pour commettre des assassinats.
Les experts ne sont pas optimistes quant à la possibilité d’endiguer la technologie de contrôle à distance et d’imposer les restrictions de vente et d’exportation nécessaires. Compte tenu des énormes progrès techniques et de la rapidité de leur développement, il ne faut pas s’y attendre.
Mais ce qui est surtout intéressant, c’est l’élargissement de la base de la haute technologie militaire et le gain d’influence stratégique qui en résulte. Celui qui dispose de la technologie est en mesure d’établir des relations et de développer ou du moins de défendre ses intérêts stratégiques. Les pays arabes, en particulier, devraient accorder une attention particulière à cet enjeu.
Le retard technologique qui ne cesse de s’accroître au fil du temps affaiblit les chances des pays arabes de rattraper leur retard non seulement sur le plan technologique, mais aussi en ce qui concerne la préservation de leur sécurité, de leur stabilité et de leur souveraineté nationale.
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