Considérations territoriales
1. Depuis 39-45 et la décolonisation, entre Lebensraum nazi ("espace vital") et nationalismes des nations décolonisées (dont les plus ou moins ressortissants sont devenus décolonialistes, quand ils ont le coeur à militer) pour libérer leur espace... on n'avait plus trop cru que la question territoriale, la question des territoires, allait compter.
2. Bien des guerres eurent lieu néanmoins depuis la décolonisation, par exemple celle de l'éclatement de la Yougoslavie dans les Balkans. Et ainsi de suite de différents génocides et pas que génocides, par exemple en Afrique. Mais, pour parler d'elle : nous nous aveuglions sur l'Afrique. Pour nous, l'Afrique, ce devait être "le berceau de l'humanité", "Mama Africa", ainsi que "touche pas à mon pote Mamadou" : tout un territoire universel, l'origine de la tradition primoridale, la source de tout citoyen du monde, avec parfois Jah pour dieu afro-monothéiste, où le panafricanisme semblait presque un mondialisme parmi les acculturés rastafari porteurs de sarouels écoutant de la dub... Et aujourd'hui avec l'intersectionnalité woke, c'est "ma pote musulmane lesbienne Assa, qui adore bouger son boule, en faisant du booty-shake".
3. Et puis il y a eu l'Ukraine. Ouvertement depuis plus d'un an, intestinement depuis des années, entre OTAN et Russie, y compris avec des provocations occidentales, mais surtout des stress-paniques.
4. Pour faire passer la pilule, nous faisons comme on fait aujourd'hui avec l'Allemagne milieu XXème : on distingue le pays de son dirigeant et son idéologie (l'Allemagne de Hitler et du nazisme, la Russie de Poutine et du douguinisme) tout en comparant, justement, ceux qui nous nuisent ou semblent nous nuire, avec l'Allemagne nazie. Ceci a plusieurs avantages : nous nous payons de bonne conscience en témoignant notre affection pour nos adversaires, tout en stigmatisant leur dirigeant de sorte à dire doublement que ce n'est ni notre faute ni celle de ceux sous sa direction, si nous nous affrontons (avec ou sans Ukrainiens interposés, comme en nouvelle Guerre Froide).
5. Nous autres Occidentaux, nous nous vivons et voulons vivre de manière post-historique. C'est que l'Histoire est la vaste histoire de bouleversements territoriaux, plus ou moins guerriers. Face à cela nous voulons établir un cordon sanitaire, porter le masque, être vaccinés. Notre hygiénisme bourgeois ou embourgeoisé va jusque là. Et pourtant nos multinationales exploitèrent et continuent d'exploiter les territoires du monde et leurs législations, y compris les nôtres, à leur guise. La belle hypocrisie de nos dirigeants...
6. Comme dans la sympathique chanson radiodiffusée, nous n'aimerions plus partir qu'"à la conquête de territoires imaginaires". Il faut dire qu'il y en a à ce compte des tas. Nous adorons regarder un elfe tuer un orc au cinéma, ou un humain spartan tuer un alien covenant en jeu vidéo, ou encore un rebelle tuer un impérial, ou encore le brave Tom Hanks "libérer le soldat Ryan" tout en re-délivrant l'Europe du joug nazi, ainsi que toutes ces "bands of brothers", sans parler des révoltés du Potemkine contre les infâmes bourgeois : "c'est la lutte finale".
7. Il y a le propre (le soi) et l'étranger (le non-soi). C'était patent avec la gestion du covid qui interrogea la mondialisation (en fait l'occidentalisation). On eut même droit à un marginal racisme anti-asiatique paraît-il, de même qu'il y eut des deliriums anti-russes l'année dernière : deliriums médiatiques autorisés légitimes. Quand "le méchant" est comparé à Hitler tout est permis. Le "racisme anti-nazi", indépendamment de la réalité ou non d'un néo-nazisme réel ou seulement d'un néo-nazisme conséquent (comme avec ces groupuscules qui, comme leur nom l'indique, sont des groupes minuscules) le "racisme anti-nazi" a bonne presse. Comme tout à l'heure (4) il donne facilement bonne conscience car nous ne vivons pas ça comme un racisme si évidemment c'en est bien un : pour nous autres Occidentaux embourgeoisés et bourgeois c'est un hygiénisme. Le racisme de l'ostracisme est donc naturalisé... dès que la comparaison est faite avec le nazisme, ou le totalitarisme, ou le fascisme, ou le populisme, ou "l'estremdrwate". On ignore volontairement que le nazisme fut un socialisme aussi, le totalitarisme et le fascisme des communismes aussi, le populisme un révolutionnarisme : "l'estremdrwate" est un leurre. Même Poutine rappelle à son peuple que l'URSS lutta contre le nazisme ; que sans l'URSS les USA n'auraient pas eu de facilité à libérer l'Europe occidentale ; et qu'en Ukraine il y a des néo-nazis. Il faut croire que notre bonne conscience est la sœur siamoise de Poutine... mais c'est que nous voulons conserver les territoires et comme il veut les prendre.
8. Que reste-t-il de territorialisable quand on ne tolère plus que la conquête de territoires imaginaires ? Les corps. Mon corps, mon choix, #BalanceTonPorc, haro sur les violeurs et les conjoints violents (en oubliant qu'avec un quart de violeuses et conjointes violentes il est possible que les torts soient partagés fifty fifty étant donné qu'on n'ose pas croire un homme battu). Or de tous temps d'ailleurs des hommes se sont battus pour protéger des femmes d'autres hommes violents voire violeurs tandis que des femmes s'en défendaient autant que possible. Ce qu'on appelle aujourd'hui la burqa était chez les caravaniers nomades une stratégie de survie pas seulement climatique. Une femme en burqa c'est un attaquant incapable d'évaluer son âge, sa beauté ni sa dangerosité. Si jamais cet attaquant franchissait le front tenu par les hommes il restait aux femmes de pouvoir dégainer discrètement un poignard. À l'époque païenne, comme Salomé devant le roi Hérode demandant la tête de Jean-Baptiste dans la Bible, les voiles servaient l'érotisation de la prostituée : dans la danse on laisse deviner les formes du corps... ces femmes territorialisent leurs corps et des hommes convoitent leurs prises. Le voile est un hypocrite cache-sexe reterritorialisant les contrées où il se répand.
9. Que reste-t-il de luttes territoriales quand on ne tolère plus que la conquête de territoires imaginaires ? Justement : des territoires sociomentaux, le champ des représentations. Le wokisme advient comme une conquête de reconnaissance/visibilité post-coloniale voire contre-coloniale ou coloniale-retour. Qui marginalise-t-on alors ? Celui qui logiquement était jusque là le plus reconnu/visible : l'homme blanc marié avec une famille. La famille est déstructurée. Le mariage est désymbolisé. La blanchité est contre-racisée ou racisée-retour. La virilité est déchue. On déboulonne quelques statues...
10. On occupe le lycée, la faculté, pour des territoires symboliques important. En empêchant les bonnes volontés de travailler dans de bonnes conditions. Les bonnes volontés : c'est-à-dire les volontés non-belliqueuses. On impose les volontés militantes, même étymologie que militaires : les volontés belliqueuses, les volontés guerrières. L'enthousiasme juvénile de la militance... On détériore les bonnes conditions de travail tout en renonçant à travailler, le territoire symbolique est désymbolisé et sa territorialité physique dégradée. La mauvaise volonté est aussi le carburant de la militance, tout en la narcosant après usage légal de CBD et autres substances assimilées moins légales. "Un pétard ou un ricard, si t'as vraiment le cafard, à choisir i'y a pas photo, moi je choisis le maroco" disait le chansonnier...
11. Les réseaux de commercialisation du maroco et pire, illégaux ou non, se territorialisent (par exemple en Colombie) tout en fonctionnant tels que des multinationales. Leurs déterritorialisations sont des leurres puisqu'il y a territorialités agricoles et mercantiles : guerres de gangs et de quartiers. Que l'on puisse revendre des terrains ne change rien à l'affaire. Les louer non plus. Le logement que je loue devient mon territoire d'usage au moins, encore qu'un autre en récolte des sous pour que j'en garde légalement l'usage : je suis le plant de maroco dont il récolte les bourgeons pour sa consommation personnelle...
12. Allons donc nous refaire une partie de Risk édition Game of thrones mes ami·e·s (où le point médian conquiert la langue, conçue comme territoire scriptural des imaginaires sexuels : il n'y a pas d'autre explication fondamentale à son existence).
Lire aussi :
- Considérations bourgeoises ;
- Considérations décoloniales.
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