Constitution chilienne : le retour du bon sens
L'échec de la nouvelle constitution chilienne fait partie d'une série de signaux faibles mais persistants qui marquent un revirement de l'opinion à l'échelle mondiale.
Les commentateurs peinent à comprendre les sources de ce revirement, l'attribuent à des causes irrationnelles et en font un signe de régression de la civilisation.
Pourtant il existe une logique derrière ces évènements qui sont autant d'espoir pour un renouveau politique vers un idéal de dignité, de renouveau social vers un meilleur partage des richesses et de renouveau écologique vers une exploitation plus raisonnée des resources.
Quatre-vingt pour cent de participation ! Ça fait rêver. Le Chili a mis en place un vote obligatoire pour changer sa constitution.
D'après un spécialiste chilien du droit, cette constitution aurait fait du Chili un "État social" qui "impose une logique de redistribution pour corriger les inégalités sociales."
Beaucoup de commentateurs voient cela comme une évolution positive, et ne comprennent pas les réticences des ultra-opposants, qui sont à la fois qualifiés d'ultra-libéraux et d'ultra-conservateurs.
Pas grand monde pour s'interroger sereinement sur la légitimité des revendications libérales et conservatrices.
Et pourtant 62% du corps électoral a refusé la constitution. Pour quelles raisons ?
Suivons le cheminement d'un article du Huffington Post, qui reflète bien la ligne progressiste sociale-démocrate. Puis essayons de comprendre la décision des électeurs Chiliens.
Un vote ? quel vote ?
Premier réflexe du journaliste, relativiser l'importance du choix des électeurs. En effet le président de gauche (et non d'ultra-gauche), va lancer un nouveau processus constitutionnel.
Ça ne vous rappelle rien ? Si le peuple vote mal il faut le faire voter à nouveau, ou alors contourner le processus électoral.
En effet ce projet est trop important pour être laissé aux électeurs, il s'agit de remplacer une constitution "héritée de Pinochet".
D'ailleurs un autre article sur le site "novethic" annonce la couleur : "Non à la constitution au Chili : difficile de sortir du modèle libéral par les urnes". La démocratie serait-elle du coté du libéralisme économique ?
Les bons électeurs, et les moins bons
Pourtant on avait une bonne équipe : des jeunes dans la capitale et 100 000 expatriés. Et bien les jeunes ne rêvent pas d'un État social et redistributif. Ils ont raison.
En face il est vrai qu'ils faisaient pâle figure, les électeurs des "régions", au sud et au nord du pays, confronté au terrorisme séparatiste et à l'immigration de masse. Eux non plus ne croient pas qu'un État qui dilue l'identité nationale viendra à bout de leurs ennuis.
La faute à la désinformation ?
Apparemment les partisans de la constitution n'ont pas su faire preuve de pédagogie (je crois que j'ai déjà entendu ce terme, en lien avec un vaccin), l'auteur parle aussi d'un "climat de désinformation".
C'est un biais systématique utilisé par les journalistes qui ne comprennent pas qu'on puisse penser autrement que la doxa progressiste. Des informations contredisent la doxa ? Alors il s'agit de désinformation complotiste.
Des arriérés et des racistes
L'auteur suggère que le texte "a semble-t-il trop bousculé le conservatisme d'une majeure partie de la société chilienne". Et il indique deux mesures emblématiques : l'inscription du droit à l'avortement dans la constitution, ainsi que les droits des peuples autochtones.
Dans son esprit on sent bien que ces fichus électeurs sont des arriérés et des racistes. Par contre il n'est pas question pour lui de saluer la constitution actuelle qui protège "la vie des enfants à naître", personne pour s'interroger au moins un peu sur la pertinence du droit à la vie.
Mais l'évènement n'est pas là. Ce qui est important est la confirmation du recul de l'idéal social-démocrate. Il faut saluer ce bon présage qui vient après les nombreuses victoires conservatrices dans le monde.
Notre journaliste du Huffington Post glisse un tout petit mot qui nous met sur une piste qu'il convient de suivre. Il parle d'une fibre populiste alimentée par la peur de se voir dépossédés. De quoi s'agit-il ? Et si c'était là que se situait une des raison légitimes du refus de cet "État social" tant souhaité par nos idéologues progressistes ?
L'état social : que du bonheur ?
En lisant les articles qui décrivent cette constitution, on retrouve la plupart des composantes de notre "modèle social" Français.
De nouveaux droits sociaux avaient pourtant été pensés pour équilibrer une société aux fortes inégalités sociales, en proposant de garantir un droit à l’éducation, à la santé publique, à une retraite ainsi qu’à un logement décent, pour ne plus les laisser aux seules mains du marché.
Ou encore :
L’Assemblée constituante prévoyait des modifications dans le système de santé, pour que les employés ne soient plus les seuls à cotiser pour la sécurité sociale chilienne, mais que les employeurs y participent également, et inscrivait noir sur blanc le droit à la retraite et à un logement décent pour tous.
Et pourtant cette constitution a été refusée par des électeurs qualifiés de conservateurs. Quel est le moteur de cette décision ? En tout cas il ne s'agit pas de conformisme puisque la plupart des médias défendent le texte. Il s'agit sans doute d'une expérience et d'un savoir que possèdent les électeurs.
Le point de vue des Chiliens
Parlons ici des 61.86% de Chiliens qui ont voté contre le texte, par exemple ce chirurgien de 32 ans :
il souhaite que « le Chili continue d'être l'un des pays le plus stable d'Amérique latine économiquement. »
Tiens, est-ce que ça n'est pas plus convainquant que "la peur de se voir déposséder" ? Est-ce que ce jeune homme est victime de désinformation ?
Effectivement c'est un point de vue qui est rarement défendu dans la presse occidentale. Il faut savoir que la constitution de 1980 est celle d'un État "subsidiaire", où le secteur privé est au centre de la société et de "l'administration de tous les droits et biens".
Le secteur privé c'est vous, les citoyens qui revenez au centre de la société lorsque l'État est ramené à ses fonctions essentielles.
La vie dans un état subsidiaire
Dans un tel État les citoyens sont bien plus libres individuellement et collectivement de décider de leur avenir.
Pour les Chiliens "conservateurs" la justice sociale a pour nom le mérite individuel. La richesse intérieure, l'intégrité, l'honneur ont un sens profond. Mieux vaut être pauvre que malhonnête.
En France le résultat de la recherche de justice sociale est que pour bien des gens il est préférable de mentir et de ne pas travailler plutôt que d'être écrasé de taxes. Belle justice en effet.
Pour eux le "droit à l'éducation" c'est aux familles de s'en charger. Tout d'abord en restant unis dans son couple afin d'offrir aux enfants un cadre stable. C'est possible et ça n'est pas si difficile. Ensuite en accompagnant les enfants les plus doués grâce à des bourses.
En France la recherche de l'égalité éducative a abouti à un gaspillage de ressources, à un nivellement par le bas et à la démission des parents.
Quant à la santé elle est d'abord la responsabilité de chacun, responsabilité de faire suffisament d'exercice, de ne pas manger n'importe quoi. Et ça n'est pas à des personnes anonymes de prendre en charge le diabète des gloutons, le cancer des fumeurs ou la dépression des personnes abandonnées par leurs proches.
C'est encore la vie locale et familiale qui est le cadre efficace de limitation de ces pathologies. Vous-mêmes vous vous moquez bien de ce que vous dit un message public anonyme (comme la campagne "manger - bouger", quel budget ? quel résultat ?), mais vous prenez en compte ce que vous dit un proche, ou le regard d'un voisin.
La retraite et le droit au logement doivent suivre le même chemin. Le mode de vie individualiste, solitaire et misérable est l'aboutissement de l'application de l'État social, et non celui de l'État subsidiaire.
Et en ce qui concerne l'environnement, quelle est la conséquence de la mise en place d'un État social ? C'est la consommation de masse sans le frein de la responsabilité individuelle. C'est le saccage des ressources naturelles afin d'aboutir à une égalité matérielle inatteignable et qui n'apporte aucune joie.
Une idée qui fait son chemin
Ce point de vue conservateur fait son chemin dans l'opinion des pays occidentaux. Ici nous avons effleuré le volet du libéralisme économique, qui n'est pas sans lien avec les autres piliers tels que la morale objective, le sens de la verticalité religieuse, ou encore l'affirmation identitaire.
D'ailleurs on voit ces autres piliers à l'oeuvre dans le rejet de la constitution progressiste. S'agit-il d'intérêts fragmentés ou de groupe hétérogène comme le suggère l'article du Huffington Post ? Dans ce cas pourquoi les conservateurs du monde entier parviendraient-ils à se mettre d'accord sur ces piliers ?
S'agit-il seulement de réactions de colère, de peur, de haine et de rejet ? D'ignorance, d'égoïsme ? Non, la vague conservatrice est l'expression d'une doctrine cohérente et rassembleuse, fondée sur le respect intégral de la dignité humaine. Et elle emportera sur son passage les projets de société inadaptés qui nous entraînent vers le déclin.
La question sociale sera bien près d’être résolue lorsque les uns et les autres, moins exigeants sur leurs droits mutuels, rempliront plus exactement leurs devoirs.
Giuseppe Melchiorre Sarto
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON