Corée du Nord : l’heure du choix
Le regard de l’Occident est légitimement tourné vers la région du Moyen-Orient, en proie à de violents troubles que l’ONU semble incapable de maîtriser. La nucléarisation de la Corée du Nord est un nouveau défi au monde, et un projecteur braqué sur une région pas si calme que cela...
L’Occident s’est réveillé avec cette nouvelle,
inquiétante pour certains, inéluctable pour d’autres : la Corée du Nord a
procédé à un essai nucléaire souterrain. Ce sont les services de renseignement
sud-coréens, enregistrant une secousse tellurique de 3,5 sur l’échelle de
Richter, qui ont alerté le monde. Dans les heures qui ont suivi, l’agence
centrale de presse coréenne, organe officiel d’une des dernières dictatures
communistes au monde, a confirmé la nouvelle. Autosatisfaction et
désinformation de rigueur, au lendemain du neuvième anniversaire de la prise de
pouvoir de Kim Jong-Il.
Le conseil de sécurité de l’ONU s’est réuni en
session extraordinaire, pour condamner officiellement cette
"provocation", avant de décider d’éventuelles sanctions à prendre. Le monde semble aller d’une seule et même voix pour condamner cet acte. Mais qu’en
sera-t-il, exactement ?
Il serait maladroit de se disputer à un moment
aussi crucial, pour la communauté internationale. Pourtant, on ne peut ignorer
ce qui démontre un nouvel échec de la politique militariste et manichéenne de
l’administration Bush. Mais c’est pour prendre acte des erreurs commises, pour
ne plus les refaire. En 2002, le président des USA dénonce avec fracas la
reprise clandestine de la recherche de l’arme nucléaire par le régime de
Pyongyang. Aussitôt, les aides internationales sont stoppées. La Corée du Nord
se retire du traité de non-prolifération, et menace de procéder à des essais
nucléaires si les aides ne sont pas débloquées. Elle refuse toute négociation à
la table des six (les deux Corée, Etats-Unis, Russie, Japon, Chine) tant qu’elle
n’obtiendra pas satisfaction.
Vendredi 6 octobre 2006, la Corée du Nord émet
une nouvelle menace : un tir d’un essai nucléaire est imminent. La communauté
internationale condamne fermement. La Corée du Nord met ses menaces à exécution
le lundi suivant.
Les yeux de l’Occident sont tournés,
légitimement, vers le Moyen-Orient, où les mouvements terroristes islamistes
commettent chaque jour des attentats, aussi bien contre les populations locales
que contre les forces américaines et leurs alliés. Mais lentement et
inexorablement se profile un autre point chaud sur le planisphère : l’Asie. La
prolifération nucléaire est en marche.
Voyez plutôt : quatre Etats nucléaires. La Chine, La
Russie, le Pakistan et l’Inde. Le Pakistan est en guerre contre l’Inde à propos
du Cachemire. Des différends territoriaux opposent la Chine à l’Inde. La Russie
soutient l’Inde, alors que la Chine soutient le Pakistan...
S’ajoute un cinquième Etat nucléaire : la Corée du
Nord, qui, loin de vouloir stabiliser la région comme ses médias l’ont prétendu après ce tir, l’agite par ses provocations incessantes. Elle est en conflit latent
avec la Corée du Sud, qui pourrait vouloir se prémunir d’un éventuel danger en
acquérant à son tour l’arme nucléaire, et laisser ainsi s’installer un nouvel
"équilibre de la terreur".
Le Japon, grande puissance économique, nain
politique, ne disposant pas d’une armée suffisamment puissante pour se protéger
(après les traités signant sa défaite lors de la Seconde Guerre mondiale), se
retrouverait entouré de puissances nucléaires. Et plutôt que d’attendre que
l’allié américain ne bouge, elle pourrait prendre les devants et s’armer à son
tour. Le tir nord-coréen pourrait également servir l’Iran dans ses velléités
nucléaires.
Il ne faudrait pas oublier un détail qui a son
importance : l’ONU n’a toujours pas été réformée. Si les Etats-Unis souhaitent
utiliser le chapitre VII (recours à la force armée) contre la Corée du Nord,
l’unanimité est toujours nécessaire. Il n’est pas sûr que la Chine, membre du Conseil permanent de sécurité et alliée naturelle et idéologique de la Corée du
Nord, accorde sa voix à une résolution punitive. Une Corée du Nord renversée, ce serait de nouveaux troubles à sa frontière. Or, Pékin est déjà en prise
avec les minorités ouighours de la région du Xinjiang, et ne parvient à faire
régner l’ordre qu’au prix de sa forte croissance.
Mais la plus mauvaise des solutions reste celle du silence et de l’immobilisme. Un équilibre est donc à trouver, entre la fermeté, pour ne pas donner de mauvaises idées à l’Iran, et le dialogue, pour ne pas finir d’embraser une région beaucoup moins calme qu’il n’y paraît.
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