Coup d’état à Lougansk, la principale victime sera la vérité
Depuis trois jours, la République Populaire de Lougansk vit une crise politique majeure que l'on pourrait qualifier de coup d'état. Tout ce remue-ménage est qualifié de manière lénifiante de chasse aux éléments subversifs du SBU. Mais en réalité, bien peu d'informations ne filtrent.
Face à la crise en LNR, il y a cinq solutions :
La première, l'auto-censure comme de coutume depuis 3 ans, pour ne pas être accusé de servir la propagande de Kiev. Ce phénomène est d'autant plus important qu'il n'existe pas en DNR de délit d'opinion, la République n'est pas une dictature chacun est libre de penser ce qu'il veut, mais il existe bien un délit d’expression. Par exemple le blogger Roman Manekin a été emprisonné pendant 5 semaines pour une publication sur facebook. Il n'a dû sa libération qu'à l'intervention du Ministère des Affaires Étrangères de la Russie (Roman Manekin a la double nationalité russe et ukrainienne). D'une manière générale, on lui avait reproché la reprise de ses critiques par la presse ukrainienne.
Ekatarina Gubareva député de la DNR a failli connaître le même sort pour avoir critiqué la redistribution de 30 % des amendes aux fonctionnaires du service de lutte anti-corruption. Cette mesure est justifiée par le ministre de tutelle par le fait que 3/4 des dossiers traités par ce service se réglaient par un pot-de-vin.
Cette restriction de la parole n'est pas la résultante d'un déni de démocratie, mais liée à la guerre civile. Dans tous les conflits, les premières victimes sont la liberté d'expression et la vérité.
La deuxième solution consiste à ne pas commenter des événements de politique extérieure d'un pays étranger, comme le fait la Russie. La politique ukrainienne de cette dernière semble de plus en plus se diriger vers une application stricte des accords de Minsk. On comprend d'autant plus sa réticence à intervenir. De plus, l'Occident est à l’affût d'une ingérence russe pour appliquer un tour de vis supplémentaire aux sanctions contre Moscou.
La troisième solution est de faire la synthèse de tous les articles déjà publiés et ne surtout pas chercher à dire la vérité, ou relayer la propagande officielle, comme le font les médias francophones de Donetsk. La censure dans la presse de Donetsk existe, pour y avoir écrit, je suis bien placé pour le dire. Un article évoquant un problème local y sera systématiquement refusé par la rédaction (par exemple l'évocation de la contrebande). La tâche des journalistes fonctionnaires locaux consiste à republier ou traduire les informations qui leur sont fournies, ils sont donc incapables de produire de l'information ceci explique le black-out actuel.
La quatrième solution, essayer par le biais de l'humour, de dire une vérité en espérant ne pas se retrouver avec la mise en accusation "Pro-Kiev".
La Cinquième et dernière solution : se risquer à commenter.
La crise comme l'ont fait remarquer les journalistes locaux a bien commencé il y a deux semaines, mais personne ne nous a expliqué pourquoi, l'information n'avait pas été relayée...
Tout commence effectivement il y a quinze jours par une déclaration du ministre des affaires étrangères de la LNR Vladislav Deïnevo, déclarant que l'avenir de la LNR était de réintégrer l'Ukraine conformément aux accords de Minsk. Propos rapidement recadrés par le Président Plotnisky, qui déclarât que le seul avenir était l’indépendance.
Ce quiproquo gouvernemental illustre bien la complexité de la politique locale. Écartelée entre une volonté endogène (bien qu'encouragée et servant les intérêts de Kiev) d'indépendance et une volonté exogène (Moscou) la sommant d'appliquer les accords de Minsk. Le dernier exemple en date est l'intervention ferme de Vladimir Poutine pour faire appliquer le point 5 des accords de Minsk, concernant la libération des prisonniers de guerre.
Le Kremlin n'a jamais caché que la solution de la crise ukrainienne était la fédéralisation. Ainsi la Russie par le biais des électeurs russophones et russophiles contrôlerait indirectement la destinée de l'Ukraine. La révolution Orange et « Maïdan » ne sont que des tentatives pour bâillonner la démocratie ukrainienne. En effet chaque fois que le peuple ukrainien s'exprime par les urnes, il inscrit son destin dans le monde russe.
A l'opposé, Kiev est la seule à tirer profit de la sécession de l'est du pays. L'Ukraine ne peut devenir Européenne qu'en se séparant de ses populations russophones...
Pour connaître l'avenir de la LNR dans les années à venir, il n'y a qu'a attendre le résultat de la chasse aux agents du SBU actuelle.
Propagande de Praviy Sektor : « qui ne saute pas, est un moscal ! ». Toute la politique ukrainienne est résumée dans ce dessin : se séparer des russophones pour entrer dans l'Europe.
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