Cuba, tropisme caraïbe
Il viendra (très vite) un temps où l’on regrettera Fidel Castro et les « campagnes des dix millions » (de tonnes), où chaque Cubain s’investissait à la taille de la canne à sucre. C’étaient les temps romantiques, qui remplaçaient les souvenirs d’une île contrôlée par le crime organisé, quand la Havane était sous la quasi-tutelle de Mayer Lansky, le financier de la mafia, et jouait le rôle de bordel géant pour les Américains. L’histoire, certes, ne se répète pas, mais d’ores et déjà l’île a bâti des liens solides avec le crime organisé, qui ne fera que se renforcer, profitant du vide de pouvoir que le Leader maximo laisse comme héritage à son île.
Un demi-siècle d’embargo et une économie de la débrouille institutionnalisée (sous le contrôle des grands patrons du marché noir) ont eu des effets dévastateurs. La quête effrénée du dollar qui remplace de plus en plus la monnaie nationale. Le regard bienveillant et soporifique des agences spécialisées anti-drogues américaines sur la diaspora cubaine anticastriste. Les liens avec la Russie ex-soviétique et désormais utilisant ses « voleurs dans la loi » comme hommes d’affaires. La proximité d’Haïti (encore un pays à la dérive) et de la Jamaïque (dont les posses collaborent désormais avec les éléments criminels des marielitos), cumulent les conditions idéales pour qu’enfin Cuba reprenne sa place en tant que place forte du crime transnational organisé. L’économie de la cocaïne soude tous ces éléments et finance hommes et institutions. Elle est la matière première, l’eldorado à la base de toute activité économique, le cash flow nécessaire pour l’industrie pétrolière aux mains de readers américains et le trait d’union entre l’île et son environnement proche (les Caraïbes, le Mexique et l’Amérique centrale). Mais elle est surtout l’élément qui renforce les liens entre l’île et les opposants cubains aux Etats-Unis. En effet, les éléments criminels de cette diaspora sont un atout de taille pour Cuba. De la Floride à la frontière canadienne (et souvent au-delà), de New York à Los Angeles, le territoire américain est désormais sous le maillage des « distributeurs de demi-gros » cubains. Les images du film Scarface se répètent désormais à Atlantic City, au New Jersey, à New York, à San Francisco, mais aussi à Albuquerque, à Denver, à Seattle, où à Bloomington. Le trafic de cocaïne enfante tous les autres : comme un défi au mur de la frontière mexicaine, des avions-cargos russes, débarquent des milliers de clandestins indiens ou chinois à la Havane, qui intégreront les routes des « passeurs des Caraïbes » à destination des Etats-Unis. Le maillage de distribution se double d’un autre, financier, où les blanchisseurs, citoyens américains, cubains, russes, italiens, turcs, néerlandais, créent plus de 800 sociétés écran par jour depuis les Bahamas jusqu’aux Turcs-et-Caïcos, en passant par les îles Vierges, Saint Martin ou Curaçao. L’industrie du tourisme cubain, qui représente près de 80% des « devises officielles », est désormais sous l’influence de la mafia italienne, qui n’attend qu’une chose, le vide de pouvoir à la Havane, la crispation momentanée du régime qui s’en suivra et qui augmentera les possibilités de corruption puis son ouverture : ils sont les premiers sur place et comptent bien le rester. On voit mal en effet comment la mutation du régime échappera au tropisme caraïbe : celui d’un mélange des genres qui frappe toutes les îles même les mieux administrées, même celles qui font partie des pays ou règne soi-disant une « économie rationnelle » (France, Pays-Bas, Grande-Bretagne, Etats-Unis). En fait, Cuba et l’ensemble de l’espace caraïbe sont devenus le point de jonction le plus performant entre toutes les organisations criminelles d’une part, et de ces dernières avec l’économie formelle (en particulier celle liée aux hydrocarbures et le BTP) d’autre part. L’intégration cubaine risque fort de rassembler à celle de la Russie : les ennemis d’antan, bureaucrates et rois du marché noir, se retrouvent, pour le pire, bien entendu.
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