Cyber-guerres
Le président Russe, Dimitri Anatolievitch à toujours affirmé et mis en avant son attrait pour les nouvelles technologies, internet en tête. Ayant son propre blog depuis 2008 (duquel il communique avec des dizaines de milliers de Blogueurs), son propre compte Twitter (depuis sa visite de juin 2010 à la silicon-vallée), le président Russe est bien en phase avec une population très net-orientée.
La spécialiste Marie Mendras affirmait récemment que "internet en Russie est relativement libre" et constitue un réel contre-pouvoir, par ailleurs parfois très critique des autorités. Cette course en avant que le président Russe impose en permanence a son pays n’est pas du tout un hasard, elle est une des variantes du système de défense globale qu’un pays comme la Russie se soit de posséder, afin de pouvoir faire face à d’éventuelles agressions ou être entendu sur la cyber-scène mondiale, mais également pouvoir se défendre en cas de cyber-attaque.
Occident, Monde, Russie - Bataille sur les grands écrans
Dès la première guerre mondiale, alors que l’Amérique qui a pris militairement la maitrise des mers (à l’angleterre) s’apprête à prendre militairement la maitrise des terres (continent), certains stratèges comprennent bien qu’un Hollywood devient une arme essentielle pour promouvoir le pouvoir politique des États-Unis comme première puissance mondiale à travers le monde, en vendant "l’american way of life" et en désignant des ennemis mi-imaginaires, mi réels. Dans les années 80, la ligne conductrice de Hollywood est la lutte contre l’URSS, de nombreux films mettent en affrontement l’Amérique contre des complots Soviétiques visant à renverser l’ordre mondial. L’ennemi communiste est longtemps resté vivace qu’il soit Russe, Chinois ou Coréen. Exemples parmi d’autres, les « Rambos » bien sur (ou le soldat Américain aide les Moujahidins Afghans contre l’occupant Soviétique), mais également le film "Top Gun" que l’armée de l’US Air Force est allé jusqu’à co-financer, afin de promouvoir le statut de pilote de l’air de l’US Army. Pinewood (basé à Londres) s’illustrera également dans cette promotion d’une vision Occidentale anti Soviétique via la série des James bond, dans lequel l’ennemi est de façon permanente "de l’est" et cela pourtant bien après la chute du mur. Cette catégorisation d’un ennemi par le cinéma s’est poursuivi dans les années 90 ou beaucoup de films sont sortis dans lesquels les Serbes sont montrés comme un peuple cruel et sanguinaire, et cela même dans des films qui ne sont en aucune manière liés à la politique. Le film « Extreme Ops » de 2002 en est un exemple tout comme le film « Behind Enemy Lines » de 2001.
Certes le cinéma Soviétique durant la même époque n’est pas en reste : le célèbre Sergueï Eisenstein avec son « Alexandre Nevsky » et surtout « Le cuirassé Potemkine », mais aussi « la jeunesse de Pierre le Grand », « Lénine à Paris », « Boris Godounov » ou encore « la bataille de Moscou » qui sont de réels chefs d’oeuvres, trop souvent méconnus du grand public Européen. Toutefois à la chute du mur, l’URSS est considérée comme perdante. Et la machine Occidentale submerge l’ancien monde Soviétique de "sa" vision du monde, de ses films et de ses Mac-Donalds.
Cette bataille du cinéma, lancée par l’Amérique a rapidement trouvé réponse en Russie, avec la prise de pouvoir de Vladimir Poutine (1999), qui a insufflé au cinéma Russe le répondant nécessaire. L’accession de Nikita Mikhalkov au statut de président de la société Russe de cinématographie (2000) est une des cartes maitresses de ce renouveau national et cinématographique. Dans les années 2000, de nombreux films sortent, mettant en valeur divers éléments qui seront constitutifs de la nouvelle identité Russe, exsangue suite à la terrible décennie Eltsine : les idées de patrie et de patriotisme, une dénonciation de l’idée d’un Occident paradis, et enfin un retour sur les guerres historiques de la Russie, fut ce t-elle contre l’Occident. On peut citer des films comme La neuvième compagnie, Le Prince Vladimir, Brat 2, Un nouveau Russe, 1612, Taras Bulba ou encore Admiral ..
Enfin, il faut noter que de nombreuses et très complètes séries historiques sont sorties pour ré-éduquer la population en lui rappelant son histoire. En 2009, dans le document "stratégie pour 2020", la culture est d’ailleurs définie par le pouvoir Russe comme un élément de la sécurité nationale.
Russie - Ré-information et communication
Entre l’effondrement de l’URSS et la décennie Eltsine, la Russie s’est forgée une image terriblement négative à l’étranger. Implosion de l’état, émergence des mafias, guerres dans le Caucase, explosion des inégalités sociales et de la pauvreté, effondrement démographique (depuis maitrisé) ont contribué à dresser un portrait très « noir » de ce grand pays.
Le premier quinquennat de Vladimir Poutine (2000-2004) lui permettra de restaurer l’état et son image à l’intérieur de ses frontières. La Russie prend dès lors conscience de la nécessaire correction de l’’image qu’elle véhicule, et qui lui est faite de l’étranger.
Son second mandat (2004-2008) lui permettra notamment de travailler à la restauration de l’image de la Russie en dehors de ses frontières.
En décembre 2005, l’agence de presse gouvernementale russe RIA Novosti lançait sa chaîne anglophone destinée à devenir une sorte de CNN russe. Dotée d’un budget conséquent, Russia Today est un projet personnel du Président Poutine. Le but avoué de cette chaîne, où travaillent plus de 500 personnes, est d’améliorer l’image de la Russie, souvent caricaturée dans les médias occidentaux. Elle émet tout d’abord en anglais, puis en arabe à partir de 2007 et en espagnol depuis décembre 2009. Le contenu des émissions montre l’agressivité de RT qui envisage de devenir un média mondial, et une réelle arme de communication massive. RT est en outre le seul organe de presse officiel à traiter de certains sujet très sensible, que ce soit par exemple le 11 septembre ou les traffics d’organe au Kosovo. Elle joue en outre sur le politiquement incorrect : a la fin de l’année 2009, la campagne de publicité de RT, diffusée dans les aéroports anglais et américains, est placée sous le signe de la provocation, mettant sur un pied d’égalité les Présidents Armaninedjad et Obama face à l’arme nucléaire. Cette campagne a d’ailleurs été censurée aux Etats-Unis – sans doute le but recherché.
La bataille pour Tsinvali : télévision et guerre de l’image
Aujourd’hui le développement des nouvelles technologies a créé de nouvelles zones de tensions et donc d’affrontements. Internet et les Cyber-médias sont devenus un théâtre d’opération soumis à une guerre totale de l’image et de la communication.
En 2008, l’armée Géorgienne attaque militairement les zones séparatistes d’Ossétie et d’Abkhazie, ouvrant le feu sur des populations civiles et des casques bleus Russes sous mandat de l’ONU. Cette attaque militaire est lancée en parallèle d’une immense campagne de communication Russophobe, destinée à présenter la Russie comme l’agresseur. Il faudra des efforts surhumains de communication à une coalition hétéroclite de spécialistes, de médias militants et même de simples bloggeurs très actifs pour qu’une autre vision soit « un peu » entendue dans le flux médiatique des « médias conventionnels » (mainstream). Seul le quotidien Allemand « Der Spiegel » avait dès la fin du mois d’août écrit que les responsabilités étaient du côté de l’état Géorgien. Pourtant pour beaucoup, l’agression a été préparée et structurée de longue date, dans le but de déstabiliser la Russie. Il faudra attendre 18 mois pour que le rapport Heidi de l’Union Européenne affirme que : " c’est bien la Géorgie qui a déclenché la guerre dans la nuit du 7 au 8 août 2008 ".
Pour autant le mal est fait : pour une grosse partie de l’opinion publique, la Russie est l’agresseur, et la petite Géorgie la victime. Cette guerre a démontré un retour à un niveau de propagande atteint uniquement contre les Serbes dans les années 90. Mais en 2010, ce sont bien des « images », via les nouvelles technologies qui permettent à cette propagande d’exister. De fausses zones seront photographiés, des mises en scène grotesques (les planches sont encore sur Reuters ici et la), de faux témoignages comme celui de Bernard Henri Lévy publié dans les principaux journaux Francais… La manipulation des images et la pression pour attribuer les responsabilités à la Russie sera telle que de nombreux médias continuent 2 ans après les évènements d’accuser la Russie d’avoir déclenché les hostilités. Une synthèse intéressante de ces médias mensonges peut être trouvée sur l’excellent site Vivre en Russie 1fr1.
Clairement, la Russie a remporté une victoire militaire mais perdu la bataille de la communication. Consciente de cette défaite d’image, 6 mois plus tard, sort sur les écrans Russes Olympus Inferno : un film extrêment bien réalisé qui retranscrit ces évenements tragiques en insistant sur le rôle de soutien étrangers, notamment Américains. La réponse ne se fait pas attendre, un projet de film Américain est lancé, qui retrace les quelques jours de la guerre en Géorgie, du "point de vue Américain", le film vient d’être tourné à Tbilissi, par la "midnigh sun production".
Enfin "devrait" prochainement ouvrir une chaine de télévision nommée "Pervy Kavkazky" (Caucase première), financée en partie par Boris Berezovski (opposant en exil de la première heure à Vladimir Poutine et à l’qctuel pouvoir Russe) et co-dirigée par Gia Chantouria, un proche du ministre de l’intérieur Géorgien Vano Merabichvili. La chaine (inspirée de Al-Jazeera) aurait pour objectif d’être fortement « Occidentale », et de jouer sur les solidarités Caucasiennes contre l’influence Russe dans la région. Néanmoins, la diffusion est pour l’instant bloquée par le principal opérateur satellite Régional, Eutelsat, qui à choisi de rompre avec la télévision Géorgienne, et cela afin de ne pas avoir à diffuser "Pervy Kavkazky". Il est intéressant de noter que Eutelsat (dirigé par Michel de Rosen, réputé proche du premier ministre Français François Fillon), a par contre conclu un accord in extremis avec Interspoutnik, pour diffuser, via son satellite W7, les chaînes de la branche médias de Gazprom, qui aurait racheté quatorze canaux pour toute la durée de vie du satellite pour la bagatelle de 100 millions $, s’assurant ainsi le monopole de l’information en langue russe dans le Caucase et l’Asie centrale pendant quinze ans. Pour la petite histoire, c’est par le biais de la petite agence de communication NoE Com que la Géorgie est parvenue à alerter les médias européens sur la soit disant « censure » de la chaîne Pervy Kavkazky par Eutelsat. NoE com est proche du fils du philosophe André Glucksmann, Raphaël Glucksmann, également conseiller du président Mikheïl Saakachvili. Tbilissi a signé avec NoE Com peu après avoir rompu avec ses précédents conseillers d’Euro RSCG, qui assurent la communication autour de l’année croisée France-Russie.
2007-2010, cyber conflits : Talinn - Tsinvali - Chisinau - Téhéran
Ce n’est pas la première fois que la Russie fait parler les lignes de codes an lieu de la poudre à canon. Lorsqu’en avril 2007 les autorités Estoniennes décidèrent de déplacer le "soldat de bronze", de violents affrontements de rue éclatèrent entre patriotes Estoniens et Russes, puis l’Estonie sera soumise à une réelle attaque informatique de très haute intensité, que beaucoup de commentateurs ont attribué à des groupes de "Hackers Patriotes Russes". Le niveau de cette attaque paralysera même provisoirement l’internet Estonien.
Un an après la guerre en Géorgie, une attaque informatique massive perturbe Twitter, Facebook et Live-Journal, attaque qui sera attribuée à la Russie pour les "un an" de la guerre, puisque un Blogger était visiblement visé, et que des messages favorables à l’indépendance de l’Abkhazie étaient lisibles via l’attaque. Néanmoins, comme le précise le spécialiste en nouvelles technologies Yannick Harrel : " tracer l’origine exacte d’une cyber-attaque est quasi-impossible pour peu que l’auteur est agi avec un minimum de professionnalisme".
Cet intérêt pour la Russie vers les réseaux sociaux (qui sont une réelle arme d’information / désinformation) est du aux cyber-évènements de 2009, en Moldavie et en Iran. Pour protester contre la victoire des Communistes aux élections législatives de avril 2009, des milliers de jeunes se sont rassemblés et ont protesté violemment, via des ONGs "humanitaires" et "démocratiques". Si le modus operandi est très similaire de celui des révolutions de couleur qui ont frappé la Serbie en 2001, la Géorgie en 2003 et l’Ukraine en 2005, on a cette fois parlé de "révolution Twitter" tant le réseau Américain de communication en était devenu le centre névralgique. L’instantanéité des publications et des appels à manifestations ont fait que Twitter est devenu pendant quelques semaines la source d’activité principale mais également d’information des journalistes du monde entier. Le pouvoir a été je le précise contraint de couper Internet et le téléphone pour que les Twitter-troubles se calment. Plus tard, il sera prouvé que moins d’une centaine d’activistes Twitter seulement était derrière cette révolution Moldave, activistes qui se sont mystérieusement retirés de Twitter après les évènements, soi disant par crainte de représailles.
En juillet de la même année, en Iran, des cyber-actions similaires, furent déclenchés en signe de "résistance" aux résultats des élections et entrainèrent les incidents et manifestations diverses. De nombreux sites gouvernementaux furent attaqués et piratés. Facebook, Twitter devinrent les principaux canaux de résistance et de critique au pouvoir en place, et la encore des cyber-activistes (bénévole ?) envoyèrent informations et photos par milliers en ligne, aux yeux d’une opinion mondiale et journalistique ne pouvant que difficilement vérifier ces sources. Comme en Moldavie, le pouvoir fit couper l’accès à internet et au téléphone, ce qui le desservit tout autant que les contestataires. Néanmoins le "mal" était fait, l’archivage automatique d’internet et l’accès à l’information sans pouvoir en vérifier la véracité est désormais possible pour le plus grand nombre.
Ces deux « évènements » ont pu avoir lieu, grâce à deux armes principales : des téléphones portables et une connexion internet.
En Iran l’Amérique est intervenue de façon assez claire puisque l’un des conseillers du nouveau département d’état, Jared Cohen a organisé un sommet Alliance of Youth Movements à New York – sponsorisé par Facebook et HowCast, appuyé par la Voix de l’Amérique et l’Electronic Frontier Foundation – afin d’assister les jeunes activistes d’Amérique latine, d’Afrique, du Moyen-Orient et d’Asie dans leur usage des médias sociaux. Ce sommet aboutit à la création d’une plate-forme en ligne dédiée au cyberactivisme et à la cyberdissidence… Au nez et à la barbe de la répression gouvernementale grâce à un tutorial vidéo anti-censure disponible en page d’accueil. Au matin du 15 juin 2009, Jared Cohen émit par téléphone et par e-mail une requête apparemment anodine auprès de Jack Dorsey, co-fondateur de Twitter : retarder la prochaine opération de maintenance et mise à jour de la fameuse plate-forme de microblogging afin que les contestataires iraniens « twittent » sans interruption. Dorsey accepta sans rechigner et reporta cette opération de deux jours*.
Charles Bwele a parfaitement résumé la situation : En arrière-plan, l’administration Obama intègre peu à peu la cyberstratégie dans sa politique étrangère.
La Russie, au coeur du cyber-conflit.
La Russie n’a certes pas attendu la milieu des années 2000 pour se doter d’une cyber-force. Dès la fin des années 90, la Russie devient le centre des "hackers" et autres voyouseries du net. Méfaits internets, vols par cyber-effractions, Hacking violents, pirates de l’est ... Ces termes ont collé à l’image de la Russie durant une décennie, autant que le mot Vodka ou grandes blondes. Depuis 2000 les délits informatiques sont en augmentation constante : 3000 en 2001, 6000 en 2002, 12000 en 2003, 15000 en 2004 .. En 2008, 8000 poursuites ont été engagées. Cette année (2010) le représentant de la Russie à l’ONU a appelé à la création d’une convention internationale pour la lutte contre le cyber crime sous égide de l’ONU.
La reprise en main de 1999 entraina la création d’une division cybersécuritaire du FSB chargée de concevoir une stratégie cybersécuritaire et une doctrine cyberguerrière en collaboration étroite avec l’armée russe. En 2001, le Général Vladislav Sherstyuk, membre du Conseil de Sécurité russe, déclara au sous-comité infosécuritaire de la Douma que « la nouvelle ère de l’information provoquera la prochaine spirale de la course aux armements. Contrairement aux armes nucléaires stratégiques, le développement de capacités de frappe cybernétique nécéssitera des compétences s’étendant au-delà de la sphère militaire ».
La Russie a notamment lancé en 2000 (en commun avec la BiéloRussie) le projet SKIF, soit la création d’un supercalculateur capable de traiter de 0,5 à 5 pétaflops. 1 Téraflop c’est à dire mille millards d’opérations en virgule flottante. Soit 166 666 fois plus d’opérations que tous les êtres humains de la Terre réunis capables de trouver le résultat de l’opération sans dépasser une seconde de réflexion. Le projet SKIF / СКИФ a été décidé pour doter les centres de recherche civils et militaires de superordinateurs capable de concurrencer puis dépasser à terme leurs homologues occidentaux qui viennent cependant avec l’IBM Roadrunner de dépasser le pétaflop (1 million de milliards d’opérations en virgule flottante par seconde) l’an dernier.
Les autorités Russes comme Biélorusses conscientes de leur distanciation dans le domaine de l’informatique saisirent rapidement toute l’importance d’une autonomie dans ce domaine : la disposition d’un réel réservoir d’ingénieurs de qualité, fruit de la tradition d’enseignement scientifique soviétique, facilita la mise en route du projet qui nécessita ensuite coordination et injection de fonds par les deux Etats.
Cette cyber-agitation croît donc au rythme de développement tentaculaire des réseaux sociaux qui sont doucement en train de devenir des "points cardinaux" de l’information et de la communication des états. Comme l’a écrit Y.Harrel : "la Cyber-génération prendra le pouvoir". Il a fallu 38 années à la radio pour atteindre une audience de cinquante millions d’auditeurs, la téléphonie mobile a conquis plus de 3 milliards d’abonnés en 15 ans et les réseaux sociaux (Facebook, MySpace, LinkedIn, etc) ont engrangé plus de 350 millions d’inscrits en quatre ans.
En 2008, plus de 43 milliards de SMS furent échangés. En 2012, plus de cinq milliards d’individus disposeront d’un téléphone mobile, même les plus démunis auront accès à cette technologie grâce à l’incontournable bienveillance de la microfinance en matières d’information et de communication*.
Comme dans l’énergie, l’état Russe, devenu plus prospère a pu mettre en oeuvre ses ambitions géostratégiques, et lancer des acquisitions significatives. Digital Sky Technologies une société d’investissement Russe proche du Kremlin a pris des parts importantes dans le gigantesque réseau social Russe Vkontakte (équivalent de Facebook en Russie) , le réseau Balte Forticom et son équivalent Polonais Nasa Klassa. Enfin en mai 2009 (après les évènements en Moldavie ?) le groupe a acquis 2% de Facebook pour une valeur de 200 millions de dollars. En avril 2010, DST acquiert la messagerie instantanée ICQ, racheté à son propriétaire du moment AOL. La même année, le géant du net Chinois, Tencent, a acquis 10% de DST, partageant donc ses parts avec Goldman Sachs ou encore l’oligarque Russe Alicher Usmanov, par ailleurs propriétaire de l’influent journal Kommersant.
Juste un petit mot sur la "presse", on peut citer les rachats récents de France-soir en2009 par le richissime Alexandre Pougatchev, le rachat de The Independant en 2010 par Alexandre Lebedev et l’offre de rachat du monde cette année également par Gleb Fetissov.
Un dernier mot, en 2011, les Russes entendent créer leur "propre" système d’exploitation informatique, qui devrait être fonctionnel dès 2013.
Le Kremlin à la pointe de la Cyber-communication
Les autorités Russes l’ont bien compris, la cyber-présence sur le net est essentielle pour entrer dans le 21ième siècle.
Le blog du président Russe (ouvert sur la plateforme Live Journal qui est plus populaire en Russie que Twitter aux Etats-Unis) étant l’un des plus lus du pays. Exemple parlant : en mai 2010 le lendemain du jour de la Victoire de la Seconde guerre mondiale, un commentaire sur son blog informait le président que le monument était en restauration depuis 6 mois, et que les vétérans ont du déposer des fleurs autour d’une palissade aveugle. Quelques jours plus tard, Medvedev publie en ligne un document rédigé de sa main : « A l’attention de A. Tkatchev [gouverneur de la région de Krasnodar, NDLR]. Réglez ce problème. Trouvez les responsables. Faites un rapport sous trois jours ».
Le ministère de la Communication Russe serait prêt à investir 5 millions de roubles [plus de 110 000 euros] dans « l’étude des principales possibilités de promouvoir les intérêts des organes fédéraux de pouvoir par le biais des réseaux sociaux spécialisés ». Un appel d’offres a même été lancé en septembre par les autorités. En clair, il s’agit de rechercher, parmi les sites Internet russophones et les réseaux sociaux spécialisés, et de trouver le moyen de s’en servir pour promouvoir les intérêts du pouvoir exécutif. Cela implique aussi d’étudier les expériences et initiatives des Etats et des entreprises ailleurs dans le monde. Un responsable du ministère explique que, techniquement, cela passerait par la conception d’un programme capable de repérer, dans les blogs et les réseaux sociaux, des idées originales et utiles.
Pour Anton Nossik, un blogueur connu, rédacteur en chef de bfm.ru [portail d’informations économiques], l’objectif est clair, sensé et accessible. Il évoque l’Américain Dane Carlson, le patron de business-opportunities.biz, qui s’est rendu célèbre en publiant tous les jours sur son site des idées géniales pour le monde des affaires piochées sur Internet. Pour Anton Nossik, les hauts fonctionnaires russes peuvent réaliser la même chose au profit des grandes causes nationales au lieu des petites entreprises.
On assiste à un changement d’attitude, car jusqu’à présent, le pouvoir ne voyait dans la blogosphère qu’un champ de propagande pour ses propres idées. Ainsi, en 2007, Vladimir Tchourov, président de la Commission électorale centrale, avait-il rencontré des blogueurs afin de leur proposer de faire de la publicité électorale. De même, Sergueï Mironov, le président du Conseil de la Fédération [le Sénat russe] avait invité des membres influents de la communauté Internet. Récemment encore, le roi du blog russe, Roustem Adagamov, alias Drougoï, directeur des blogs chez SUP Fabrik [propriétaire de LiveJournal] a été convié par la société hydroélectrique Rousguidro à venir en Sibérie sur le site de la centrale de Saïano-Chouchenskoïé, gravement endommagée lors d’un accident survenu à la mi-août 2009, qui avait fait 75 morts. Celui ci est régulièrement invité à se joindre aux déplacements présidentiels dans les voyages de presse à travers le pays.
Encore plus fort, dans un pays ou Google ne perce toujours pas (à la traine derrière son concurrent Russe, Yandex), l’état Russe à proposé de développer un moteur de recherche qui bannirait tout simplement l’accès à des informations jugés "inopportunes", par exemple les liens ou informations touchant à la pornographie, la drogue ou le terrorisme.
La cyber guerre dans le monde
Evidemment, la Russie n’est pas le seul pays à se projeter dans le futur en ligne. L’OTAN a par exemple organisé début mai 2010 des manoeuvres virtuelles, baptisées Baltic Cyber Shield, impliquant six pays membres. Cet exercice a eu lieu sous l’égide du Cooperative Cyber Defence Centre of Excellence (CCDCOE), basé à Tallinn (Estonie) et qui regroupe déjà l’Allemagne, l’Italie, la Slovaquie, l’Espagne, les Etats-Unis et les trois pays Baltes. Dans les prochains mois, la Hongrie et la Turquie deviendront les 9e et 10e pays membres de cet organisme créé par l’Estonie en 2004. La France, quant à elle, prévoit de rejoindre le CCDCOE dans les deux à trois prochaines années. Ce centre est voué à l’échange d’informations entre experts. Il conduit des exercices réguliers où des équipes "rouges" de hackers tentent de paralyser des serveurs défendus par des militaires "bleus" de pays participants. Pionnière en matière d’usage de l’Internet, l’Estonie a été visée par une cyber-attaque de grande ampleur en 2007, et tente depuis d’acquérir le leadership européen en matière de cyberdéfense.
En Israël Peu après la fin de l’opération "Plomb durci" (l’invasion de la bande de Gaza en janvier dernier), Tzipi Livni, alors ministre des Affaires étrangères dans le gouvernement d’Ehoud Olmert, a souhaité compenser le déficit d’image dont souffrait le pays. Pour ce faire, A été mis sur pied une armada d’internautes, payés pour donner une meilleure image de leur pays et répondre sans arrêt, via des réactions et commentaires postés sur les sites internet, les forums, les blogs, et autres réseaux sociaux comme Twitter et Facebook. L’équipe en question serait sous la direction d’un vaste service relevant de ce que les Israéliens appellent « hasbara », littéralement « explication publique ». Dans une interview récente, le directeur adjoint du département de la « hasbara » au ministère, a admis que son équipe travaillait clandestinement. « Nos gens ne diront pas ‘salut, je fais partie du département de la hasbara du ministère des affaires étrangères israélien. Voilà ce que je veux vous dire’. Et ils ne s’identifieront pas forcément non plus en tant qu’Israéliens », a-t-il déclaré. « Ils parleront comme des surfers du net et comme des citoyens, ils écriront des réponses qui auront l’air personnelles, mais qui se baseront sur une liste de messages tout préparés que le ministère des affaires étrangères aura élaborés ». […] L’armée israélienne intervient également sur l’un des espaces les plus populaires, le site de vidéo-partage YouTube, y téléchargeant régulièrement des clips, dénoncés comme des mensonges par les organisations israéliennes de défense des droits de l’homme. Shturman a précisé que durant la guerre, le ministère avait concentré ses efforts sur les sites web européens, où l’audience était plus hostile à la politique israélienne. En haut de la liste des sites visés par ce nouveau projet, la BBC Online et les sites arabes du Web. En outre, un manuel intitulé The Israël Project’s 2009 donne la vision "Israélienne" de la situation" et est diffusé via une agence de "communication".
Cette cyber brigade pro Israélienne à sa branche Francaise, qui a pour missions de veiller et combattre les informations antisémites, négationnistes et mensongères (illégales) à propos d’Israël et du Peuple Juif sur Internet. Cette Force affirme s’être donné comme mission d’éliminer toutes les informations odieuses (articles, vidéos, groupes,...) sur ce qui est devenu le premier vecteur de propagande : Internet.
En France toujours, la conférence annuelle SSTIC de juin 2010 a été ouverte par le directeur technique de la DGSE qui a affirmé cherché à recruter des hackers. Une grande partie des dépenses de budget de personnel de cette année (31 millions d’euros pour 145 postes) devrait en effet bénéficier à ce service technique. Celui ci a rappelé à l’auditoire que "en cas d’attaque, le meilleur moyen de se défendre est de tuer numériquement l’adversaire".
La guerre au proche orient a pris une cyber-tournure lorsqu’il s’est avéré selon le portail d’information israélien MySay.co.il, dont l’information est relayée par le Spiegel, qu’une certaine Reut Zukerman aurait ainsi convaincu 200 soldats ou réservistes israéliens de devenir ses « amis » sur Facebook et leur aurait soutiré nombre d’informations confidentielles : « Les hommes auraient rapporté à leur copine Facebook des noms de soldats, du jargon, des codes secrets et des descriptions détaillées des bases militaires, d’après le rapport [du site MySay, ndlr]. Ce n’est qu’un an après que certaines des victimes de Zukerman auraient commencé à trouver bizarre le nombre de militaires d’élite sur sa liste d’amis. Ils auraient alors prévenu leur hiérarchie, et en janvier les militaires auraient lancé une enquête. » La page Facebook de Reut Zukerman aurait été effacée par ses auteurs. Le Hezbollah apparaît comme le principal suspect. Pourtant, poursuit le Spiegel, l’armée israélienne était déjà consciente de ce type d’utilisation de Facebook. Les soldats ne respectent pas les consignes. Les services secrets israéliens y ont eux-mêmes recours pour racoler des informateurs. Fin avril, le quotidien arabe « Aschark Al-Awsat » rapportait que les services secrets israéliens avaient utilisé Facebook et Twitter pour recruter des informateurs palestiniens dans la bande de Gaza. L’armée israélienne a déjà été victime de tentatives d’espionnage via les réseaux sociaux, l’an passé, en provenance du Liban. Des dizaines de milliers de soldats ont alors reçu une lettre les alertant au sujet des amitiés liées sur Internet. En janvier, l’armée a créé une « unité Facebook » dans le but de mieux utiliser les médias sociaux. Des actions dont les résultats se font attendre, note le Spiegel : « Pour les forces de défense israéliennes, la faille dans la sécurité serait particulièrement embarrassante, elle montrerait que les membres de l’armée ne respectent pas les consignes explicites dès qu’une jolie fille est en jeu. »
L’amérique, comme la Russie est à la pointe de l’utilisation des sites sociaux pour surveiller, influer et communiquer. La CIA investit dans des technologies qui permettent de surveiller les réseaux sociaux. In-Q-Tel, le fonds de capital-risque de la CIA, a investi dans Visible Technologies et Attensity, deux sociétés qui proposent des moteurs de recherche spécialisés dans les réseaux sociaux (Twitter, Facebook, Flickr, YouTube, etc.). Visible Technologies est, à l’origine, une société spécialisée dans la gestion de réputation sur l’Internet. Elle a développé son moteur de recherche pour permettre à des multinationales d’évaluer les réactions à leurs produits sur les médias sociaux, d’identifier les éventuelles critiques, puis de les marginaliser. Entre les mains des services de renseignement, et singulièrement des départements spécialisés dans les opérations psychologiques, cet instrument peut devenir un puissant catalyseur. Lors des manifestations qui ont suivi l’élection de Mahmoud Ahmadinejad en juin, c’est sur Twitter que les médias internationaux, empêchés de couvrir les manifestations à Téhéran, mesuraient l’ampleur de la mobilisation contre la réélection du président iranien. Le renseignement américain veut être en mesure d’exploiter la masse d’informations disponible sur ces plateformes, utilisées par les activistes de tous bords, aussi bien les opposants à Mahmoud Ahmadinejad en Iran que les djihadistes au Moyen Orient. Ces moteurs de recherche d’un nouveau genre fonctionnent exactement comme leurs homologues sur Internet : ils scannent les réseaux sociaux, les indexent par mots-clés et les hiérarchisent.
Conclusion :
On peut se demander quelle sera la prochaine étape/méthode de pénétration des idées du monde et comment les "puissances" pourront influer sur les esprits pour faire passer comme "logique", "normale" et "naturelle" une vision du monde, et donc les actions (guerrières ?) qui vont avec. Les jeux vidéos semblent être l’étape sur laquelle la concurrence entre l’Amérique et la Russie est la plus flagrante. Dès la fin de la guerre en Géorgie en 2008, inspiré par ces évènements, des informaticiens Russes décident de créer un jeu vidéo dans lequel les évènements sont repris et englobent certains pays Occidentaux, ou Européens hostiles à la Russie. Le virtuel permet parfois de se défouler et d’apporter quelques modifications substantielles à la réalité. En effet, selon les créateurs de ce jeu il y a quelques différences avec ce qui s’est vraiment passé. Parmi elles on note que la confrontation englobe la Pologne, qui vient soutenir Tbilissi avant que Moscou riposte, que le président géorgien Mikheil Saakachvili reçoit le soutien de pays occidentaux qui ne sont pas nommés, que ce dernier décide de lancer une nouvelle offensive pour tenter de récupérer les deux provinces sécessionnistes géorgiennes, l’Ossétie du Sud et l’Abkhazie. Ou encore que l’Ukraine bloque la flotte russe de la mer Noire dans la rade de Sébastopol, que l’OTAN charge la Pologne de prêter main forte aux Géorgiens. Par réaction les Russes lancent alors une nouvelle guerre en riposte à ces agissements, selon la description faite par les créateurs du jeu, disponibles en téléchargement pour 6 euros.
En réponse (?) les studios de "jeux Américains" Activision ont donc développé un jeu jeu intitulé : "call of duty modern walfare" qui se déroule dans un futur proche.
" La Russie y est en pleine guerre civile qui voit la prise de pouvoir des ultra-nationalistes. En même temps au Moyen-Orient, un coup d’état mené par un mouvement anti-occidental eut lieu, et 30.000 soldats Américains furent décimés. Les commanditaires de cet acte sont en fait des chefs nationalistes Russes, qui commettront attentats et massacres au Royaume-Uni et en Russie. Pour lutter contre cette menace, une force multinationale anti-terroriste appelée « Task Force 141 » fut créée, regroupant des membres de forces armées américaines, britanniques, canadiennes et australiennes". L’une des étapes du jeu intitulée « Pas de russe » « permet » au joueur peut massacrer des civils dans un aéroport russe (fictif) en incarnant un agent de la CIA qui a infiltré les rangs ennemis. La vidéo, et par conséquent le jeu en lui-même fait polémique avant même qu’il sorte. Par ailleurs, Square Enix qui a édité le jeu au Japon a commis des erreurs de traduction dont une dans cette mission : la phrase de Makarov « Pas de russe » a été traduite par « Tuez les russes », donnant l’impression qu’il ait commis un crime haineux ; En Russie, la mission a carrément été enlevée.
La suite de ce jeu, qui devrait sortir cette année s’intitule : "call of duty black opps" et semblé également mêler la Russie à l’action principale car malgré le secret qui entoure le jeu, des images ont déjà filtrés, qui laissent penser que l’action du jeu se déroule notamment quelque part dans le grand nord, peut être en Arctique que certains imaginent être le prochain théâtre d’affrontement (réel ?) des grandes puissances. Surenchère ? Le projet Ethnogénèse, une gigantesque saga de science-fiction russe développée par le Kremlin directement et qui se veut lancer la mode de la culture russe via Internet, tout en exaltant la grandeur de la Russie. Ethnogenèse devrait prochainement être traduit en anglais, en chinois et en espagnol, afin de lancer ces « héros russes parfaits » à l’assaut du monde que le Kremlin juge « important » : le monde Anglo-saxon, l’Amérique du sud et l’Asie. On ne peut que déplorer l’absence de version Francaise.
Sources :
- Le blog guerre et paix
- Le blog de Yannick Harrel
- Le monde du renseignement du 29 octobre 2009
Russia Beyond the Headlines
- Intelligence on line
- Vedomosti
- *Alliance géostratégique "Téhéran ou la révolution cyberpolitique" et "la cyber guerre venue du froid"
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