Darfour : Quel rôle pour la France ?
Le 25 juin va se tenir à Paris une conférence ministérielle sur le Darfour à l’initiative de la France. La France pourra -t-elle contribuer réellement au règlement pacifique du conflit en cours dans cette partie du Soudan (grande comme la France) et qui oppose la milice progouvernementale d’origine arabe (les janjawid) et des populations négro-africaines non islamisées depuis février 2003 ? Cette conférence jugée inopportune par les autorités soudanaises pourra-t-elle déboucher sur des résultats concrets pour le Darfour ?
Le président de la République dit avoir fait du Darfour l’une des priorités de sa politique étrangère. Il a été rapporteur sur la crise au Darfour lors du sommet du G8 en Allemagne et avait en marge de ce sommet annoncé l’organisation de ladite conférence ministérielle pour regrouper les pays impliqués au Darfour y compris la Chine (l’un des soutiens du Soudan) en vue de discuter d’une solution politique et des problèmes humanitaires et sécuritaires.
En outre, Paris organise depuis le 17 juin l’aide humanitaire étatique (un pont humanitaire) à partir de Tchad pour apporter des vivres à des populations déplacées et des réfugiés dans la région.
Après avoir refusé le déploiement de Casques bleus des Nations unies (conformément à la résolution 1706 adoptée par le Conseil de sécurité des Nations unies le 31 août dernier) au Darfour, le Soudan vient d’accepter le déploiement d’une force hybride Union africaine-Nations unies de 23.000 hommes dont 20.000 soldats.
Une telle force devra suppléer la Force africaine de paix de 7.000 casques blancs, sous-équipée, sous-financée et déployée à la suite de la signature de l’accord de paix d’Abuja en mai 2006 et qui avait pour mandat l’observation.
Pour la force hybride, il importe qu’elle ait un mandat clair, à savoir la protection des populations et non une mission d’observation. Une force dont le commandement doit être confié aux Nations unies. La France devra si possible prendre ce commandement. Elle se doit de remplir cette mission d’autant qu’elle dispose des forces projetables dans la région (Tchad, Gabon, Djibouti, Centrafrique). Elle pourra s’appuyer sur l’Union européenne qui a adopté le 26 janvier 2004 sa « position commune relative à la prévention, la gestion et le règlement des conflits en Afrique » (2004/85 Pesc) réaffirmant le soutien des Européens à l’action de l’Union africaine. L’Union européenne se tenant prête à participer en cas de nécessité à la gestion des crises en Afrique avec ses propres capacités, en collaboration avec l’ONU.
D’ailleurs n’a-t-elle pas déjà proposé de mettre 1.000 hommes à la disposition d’une force européenne qui serait chargée de sécuriser les camps des réfugiés soudanais et des déplacés tchadiens au Tchad ?
La conférence ministérielle du 25 juin prochain consacrée à Darfour devra permettre à la France de faire des propositions concrètes. Elle pourra à la suite de ladite conférence dépêcher un envoyé spécial pour le Darfour pour travailler avec les différents envoyés spéciaux sur le terrain, notamment le représentant spécial de l’ONU au Darfour (Jan Elliasson), le représentant de l’Union africaine, le représentant spécial chinois pour le Darfour (Liu Guijin)... en vue de relancer le processus de médiation enlisée depuis l’accord d’Abuja de l’année dernière.
Mais la France pourra-elle convaincre le Soudan (2e sur la liste des Etats en faillite 2007, établie par Foreign Policy et Fund for peace) de participer à la conférence ministérielle et si nécessaire prendre des mesures coercitives à son encontre à l’instar des Etats-Unis ?
En se dotant d’un secrétariat d’Etat chargé des affaires étrangères et des droits de l’homme, elle compte valoriser la diplomatie des droits de l’homme dans les relations internationales. Mais pourra-t-elle faire pression sur le Soudan pour que soient livrés à la Cour pénale internationale les deux dignitaires soudanais (le secrétaire d’Etat à l’action humanitaire et le chef des milices janjawid) dont la Cour a réclamé l’arrestation pour « crime de guerre » ?
On peut en douter. A moins qu’elle ne soit prête à hypothéquer les intérêts juteux de son géant pétrolier (la société Total) présent sur le marché du pétrole soudanais.
Komi Tsakadi.
Palaiseau
29 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON