De Charybde en Scylla : Entre l’Ukraine et Gaza
Ces dernières semaines, mon attention a été captivée par un grand nombre de reportages sur les subtilités du discours euro-américain concernant une résolution potentielle du bourbier ukrainien. Bien que des négociations officielles n’aient pas encore été déclarées, l’inévitabilité de ces efforts diplomatiques est évidente. Comme l’histoire l’a montré, tous les conflits, quelle que soit leur nature prolongée, finissent par trouver leur dénouement à la table des négociations. La trajectoire vers cette résolution a été mise en mouvement avant même l’éclatement de la crise de Gaza.
Toutefois, l’escalade de cette crise a involontairement relancé l’attention sur la recherche d’un règlement politique en Ukraine. Ce changement d’attention est motivé par divers facteurs, le principal étant le détournement stratégique de l’attention internationale de l’Ukraine. Ce détournement a offert aux puissances occidentales un moment stratégique pour recalibrer leur position, libérées du poids des engagements antérieurs et des promesses faites à l’Ukraine. Il s’agit également d’une occasion en or d’élaborer une nouvelle vision stratégique susceptible de trouver un écho dans l’opinion publique de ces pays.
La recherche d’un règlement politique en Ukraine est également motivée par la frustration croissante liée aux difficultés rencontrées pour tenir les promesses et les engagements pris à l’égard du pays. Cette frustration a atteint son apogée, en particulier dans certains milieux européens.
En outre, les divisions au sein du Congrès américain sur l’ampleur du soutien militaire et financier à l’Ukraine, exacerbées par les nouvelles responsabilités liées à l’aide financière et militaire substantielle apportée à Israël, compliquent encore les choses. Les demandes de compensation prévues par Israël, tant sur le plan économique qu’en termes d’armement, pour assurer sa sécurité, ajoutent encore à la complexité de la situation.
La troisième considération concerne l’impasse militaire en Ukraine. Aucune avancée significative ne se produit sur le champ de bataille, les forces ukrainiennes et russes réalisant des progrès négligeables. La situation s’est transformée en escarmouches intermittentes. La banque d’objectifs de la partie russe s’épuise. Les défis opérationnels entravent la progression de l’armée ukrainienne. La ligne de front stagne depuis près d’un an et la contre-offensive ukrainienne a perdu de son élan depuis juin dernier. Ce statu quo intenable, je crois, pousse à une résolution en raison du lourd tribut payé par l’Ukraine et de la pression exercée sur les budgets occidentaux.
La quatrième considération est l’éclatement de la guerre de Gaza. L’Occident craint son escalade et l’implication potentielle d’autres acteurs régionaux, un scénario plausible qui ne peut être écarté. Par conséquent, il est urgent de calmer le jeu sur le front ukrainien, en prévoyant la possibilité que les États-Unis et leurs alliés s’engagent dans un nouveau conflit militaire si Israël est confronté à une menace extérieure importante.
En outre, le conflit de Gaza a attiré l’attention sur le dilemme stratégique auquel sont confrontés les Etats-Unis et leurs alliés pour maintenir leur influence mondiale dans le contexte des changements géostratégiques en cours.
Actuellement, des discussions seraient discrètement en cours entre les Européens et les Américains, dans le but de cristalliser une formule commune facilitant les compromis en Ukraine. Le sénateur du GOP Tommy Tuberville estime que c’est le « moment idéal » pour des négociations entre l’Ukraine et la Russie, car il est impératif de trouver une solution. De son côté, la Russie maintient une position officielle, exprimant son ouverture à une solution diplomatique et sa volonté d’examiner des propositions réellement sérieuses. Le point central de la négociation sera probablement le territoire auquel la Russie renonce ou les termes d’un accord qui préserve la dignité de l’Occident et de l’Ukraine - une formule nuancée sans victoire ni défaite absolues. Ce point de négociation, en particulier la résistance potentielle de la Russie à l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN, pourrait être l’un des aspects critiques. L’alliance s’est déjà élargie vers l’Est, avec de nouveaux membres comme la Finlande qui a officiellement rejoint l’Alliance en avril dernier, et la Suède qui est sur le point d’adhérer suite à des accords sur les réserves de la Turquie.
Au-delà des fuites dans les médias, il existe des signaux politiques officiels qui méritent l’attention. Le président français Emmanuel Macron a récemment reconnu la possibilité de négociations équitables avec la Russie pour résoudre le problème de l’Ukraine.
Même s’il laisse entendre que le moment n’est pas encore arrivé, il semble que M. Macron prépare le terrain pour une action imminente. De telles déclarations visent stratégiquement à réduire les attentes.
L’insistance inébranlable du président ukrainien Zelensky sur le retrait des forces russes avant les négociations reste un point crucial. Cette position fera sans aucun doute l’objet d’intenses délibérations entre l’Occident et Kiev afin de trouver une solution viable et de préparer le terrain pour d’éventuelles négociations avec la Russie.
Si Gaza peut servir de bouée de sauvetage aux parties en conflit en Ukraine pour sortir de la situation tout en sauvant la face, la question qui se pose est la suivante : qui offrira une bouée de sauvetage à Gaza elle-même, compte tenu de son sort incertain ? C’est une question qui exige des efforts de collaboration de la part de tous les acteurs régionaux et internationaux pour y répondre.
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