Desaparecido
Me llaman el Desaparecido
Perdido en el siglo...
De prisa, de prisa, rumbo perdido.
Me fui corriendo más allá
¿ Cuando llegaré ?
¿ Cuando llegaré
¿ Cuando llegaré ?

Les nouvelles qui arrivent du Mexique sont le plus souvent associées au trafic de drogue, aux enlèvements ou au meurtre. La France participe indirectement à ces péripéties lointaines et y perd même des ressortissants puisqu’une jeune Française, Florence Cassez, languit en prison depuis deux ans, accusée, sans éléments probants, de complicité d’enlèvement. Plus récemment, un spécialiste en biotechnologies de l’Institut de Recherche pour le Développement, Christopher Augur a été assassiné crapuleusement à Mexico pour 5000 €.
Il n’y a actuellement plus une région du pays qui soit épargnée par la terreur mafieuse, avec son épiphénomène en pleine expansion incontrôlable : le kidnapping contre rançon (une moyenne nationale de 500 par mois). A Ciudad Juarez en 2008, on déplorait plus de morts qu’à Bagdad : 1800. Dés les premiers jours de 2009, on comptait déjà trente cadavres. Sur l’ensemble du territoire en 2008, l’augmentation des décès par rapport à l’année précédente a été de 177%. Pour se mettre dans l’ambiance, aller voir le film La Zona.
Dangereusement proche des USA avec lesquels il partage une frontière de 2000 km, le Mexique actuellement« se bat pour sa propre survie face au narco-terrorisme (…). Sur le point de sombrer, il pourrait devenir un narco-Etat dans les 10 prochaines années ».
Barry McCaffrey chef de la lutte anti-drogue de l’administration Clinton, ancien général professeur à l’académie militaire de West Point
Depuis Pancho Villa on sait que les Mexicains ont la gâchette facile. Mais dans les dix dernières années, les actes de violence ont explosé. Ce 2 février 2009, un groupe d’hommes armés a lancé deux grenades sur un commissariat de police à Zihuatanejo, près d’Acapulco, lieu de villégiature éloigné pourtant de ces états frontaliers explosifs qui jouxtent l’Arizona, le Nouveau Mexique et le Texas. L’attaque a fait 5 blessés et entraîné une grève de la police.
A Tijuana, ville frontière devenue quasiment ingouvernable, les liens entre la police et le grand banditisme étant flagrants, les autorités fédérales ont décidé en janvier 2009 de désarmer les 2 390 policiers municipaux sous supervision de l’armée mexicaine (40 000 soldats antidrogue actuellement), les équipant de... lance-pierres. En avril 2002 déjà, elles avaient fait arrêter une cinquantaine d’agents de police et de fonctionnaires pénitentiaires, accusés de collaborer avec le “cartel de Tijuana”. Mais le président ne sait même plus sur qui faire reposer le contrôle de ce type de délinquance, puisque un tiers d’anciens officiers de l’armée elle-même sont impliqués dans le trafic de drogue.
Il est intéressant d’étudier l’évolution du Mexique, à l’heure de la crise mondiale, financière et économique. Les zones encore calmes du globe pourraient en effet d’ici peu se trouver, du fait d’un appauvrissement brutal, soudain touchées par le même système de cartels et la même absence de loi civile. Un récent rapport des experts du LEAP/Europe 2020, un groupe de réflexion européen, dans leur dernier bulletin daté de mi-février nous avertit que le dernier trimestre 2009 en France et en Europe pourrait être violent : déménagez, conseille Claire Gatinois, dans Le Monde du 27.02.09 qui fait état de ce rapport, des zones les plus volatiles où les habitants sont armés, car nous entrons dans une phase de "dislocation géopolitique mondiale."
Les experts s’interrogent : "La crise économique et financière va-t-elle dégénérer en violentes explosions sociales ? En Europe, aux Etats-Unis ou au Japon, la guerre civile est-elle pour demain ?"
Toutefois "La dangerosité physique restera marginale en Europe" nous rassurent-ils, après avoir préconisé une solution du problème par une réunion du G20.
En 2006, le territoire mexicain était déjà ce passage obligé par lequel transitait la majeure partie de la cocaïne andine destinée au marché nord- américain. Il arrivait qu’elle subisse un conditionnement, de même que le pavot transformé sur place en héroïne, qui représentait en 1996 la troisième production mondiale, après les pays du triangle d’or et du croissant, d’après un rapport du ministère mexicain de la Justice (PGR). A cela s’ajoutait la fabrication locale de méthamphétamines (speed ou ice) à partir de l’éphédrine.
En 2009, c’est encore pire. Trois guerres imbriquées accablent 100 millions de Mexicains : guerre entre cartels, guerre de la police contre les cartels, guerre des cartels et de la police contre la population. Le transit de stupéfiants a pris la place de la production de dérivés de l’héroïne dans certaines parties du Mexique. Les cartels de la frontière ont vu leurs chefs abattus ou emprisonnés, mais ils ont été remplacés par d’autres. La fonction intermédiaire de passeur et la mainmise sur la chaîne entière du narcotrafic, désormais monopolisées par les mafias mexicaines, sont en plein essor.
"Les six derniers mois de cette guerre ont fait plus de 5 600 victimes au Mexique, soit le double de l’année 2007. D’après le département mexicain de la Défense, un demi-million de Mexicains sont désormais impliqués dans le trafic de drogue.
En effet ces cartels se sont assurés le contrôle, plus lucratif, à la fois sur les gangs de dealers nord-américains, et sur les producteurs en amont. Ce sont les cartels mexicains qui importent maintenant directement les produits d’Amérique du sud où ils disposent d’une présence permanente. Ils ont aussi diversifié le routage et exportent jusqu’en lointaine Europe. Les tentatives de contrôle relatif de trois routes principales inter-états (highways) sur le territoire US sont à l’origine de guerres sanglantes entre gangs : les corps décapités sont jetés en pleine rue dans les villes frontières, les cimetières mexicains s’ornent de tombes luxueuses, les écoliers jouent à la guerre des gangs en cour de récréation et ne rêvent que de faire fortune dans la coke. Le trafic ruine le tourisme, comme le relate un article de Rue 89.
Oui, on s’inquiète à juste titre, au Mexique, mais aussi aux Etats-Unis. La mafia s’étend, la tiers-mondisation en marche ne menace pas les Américains que de privations matérielles. Chacun peut craindre pour sa vie. Les kidnappings, qui aux Etats-Unis sont encore intra-communautaires et concernent principalement des clandestins latinos "dérobés" à leurs coyotes et séquestrés en groupe, pourraient les affecter directement. D’après le département américain de la Justice, les cartels mexicains contrôlent des gangs dans plus de 200 villes des Etats-Unis. A présent, l’emprise de ces cartels s’étend encore plus au nord, à Phoenix en particulier, à 200 km de la frontière. Dans cette ville, le trafic de drogue s’accompagne de celui des êtres humains, du recyclage de fonds, du trafic d’armes. Phoenix est devenue la capitale des enlèvements contre rançon des Etats-Unis (368 l’an dernier). On estime qu’il existe un nombre similaire de kidnappings non reportés.
Que faire ? En amont, Felipe Calderon le président mexicain a montré une volonté de combattre le phénomène. La corruption est son principal ennemi : un major de l’armée, membre de la garde présidentielle, recevait 100,000 $ mensuels pour rapporter les mouvements du Président aux frères Beltran-Leyva, anciens leaders du cartel de Sinaloa ; le chef même de l’espionnage et de la lutte antidrogue s’est retrouvé pris la main dans le sac. Pour compliquer le problème, plutôt que de mener la guerre à la drogue, des entités non nationales tels "George Soros, les réseaux d’influence britanniques et leurs alliés de Wall Street prônent ouvertement la légalisation et des accords directs avec les cartels comme la seule issue vers la paix."
C’est dans cette optique que, d’après Alterinfo, le 18 décembre 2009," Vicente Fox , président sortant, a appelé le président Calderon (...) à passer des accords officieux avec les cartels pour rétablir la « paix ». Il propose que le gouvernement mexicain garantisse les voies d’acheminement de la drogue, n’entrave pas le marché et respecte les zones d’influences des cartels, et notamment la zone frontalière avec les Etats-Unis. "
Bien que Calderon ait sans délai protesté contre une telle "capitulación", l’Americas Society, émanation de Wall Street, a déclaré dés le lendemain par voie de presse qu’elle soutenait la position de Fox.
En attendant, les mafieux achètent 90% de leurs armes sur le territoire US : roquettes anti-tank, mines, pièges, fusils automatiques, grenades. En conséquence directe, l’augmentation des kidnappings accable les villes frontières, comme celles de Laredo et de El Paso, au Texas. Les dealers de drogue locaux qui refusent de payer la dîme aux Mexicains sont descendus sans cérémonie, à l’AK47 ou même au machete. La revue Stratfor relate dans une série d’articles : Tracking Mexico’s Drug Cartels : "En juin 2008, on a pu voir un gang de mafieux armés de fusils AR-15 équipés de viseurs Aimpoint, déguisés en policiers antidrogue du Police Department de Phoenix (PPD), tirer plus de cent balles dans une résidence pour venir à bout d’un Jamaïcain à double allégeance jamaïcaine et mexicaine." Le commanditaire du meurtre était un Mexicain résidant au Mexique. Une partie des mafieux a pu être arrêtée, bien qu’ils aient tenté de tendre une embuscade à la police réelle de Phoenix. D’autres villes, comme Dallas ou Austin sont touchées dans une moindre mesure.
Il est fréquent que les hommes des cartels se présentent équipés jusqu’au moindre détail en policiers. Souvent ils viennent de la police réelle où ils ont pu se fournir. Même s’ils n’en viennent pas, les mafieux sont entraînés comme des militaires. Les Zetas et les Kaibiles "ont été formés à Fort Benning aux Etats-Unis, puis ont ensuite été entraînés sur place par des instructeurs israéliens. Leur principale mission consistait à combattre les narco-trafiquants ! A la fin des années 90, ils furent rejoints par des anciens des 15e et 70e bataillions d’infanterie, du 15e régiment de cavalerie motorisée et d’ex-fusiliers parachutistes. Il semble que la raison majeure de ces désertions importantes est due à l’appât du gain."
Tandis que ces nouveaux mafieux procèdent à des assassinats à Rio Bravo et à Dallas, les patrons de la drogue se réfugient plus avant sur le territoire US pour échapper aux opérations de police mexicaines, qui elles aussi transcendent les frontières. Les suivent éventuellement les Mexicains employés par la Drug Enforcement Administration (DEA) ou les informateurs mexicains en danger, dans le but d’échapper aux vengeances des gangs qu’ils ont aidé à capturer."Une liste de 22 personnes à abattre a été déposée dans un cimetière de Sinaloa, visant surtout des fonctionnaires municipaux. Depuis, sept de ces 22 personnes ont été assassinées – en commençant par le juge en chef de la section narcotique du Mexique, Edgar Millán Gómez le 8 mai dernier – trois ont été blessées, 12 ont résigné et seulement un policier demeure en poste." relate Nathalie Gravel.
« Les saisies d’armes par les autorités mexicaines – grenades, PGS et AK-47 – atteignent un niveau semblable aux périodes de conflits militaires. C’est difficile de comprendre l’apparente indifférence et l’incompétence des autorités américaines, au niveau des Etats comme au niveau fédéral, face à une menace si grave pour la sécurité nationale d’un Etat démocratique voisin." déplore Barry McCaffrey.
Bien que menacés et en situation de danger, les policiers de la DEA restent cependant en meilleure position pour combattre le trafic de drogue que la police mexicaine. A Phoenix par exemple, ils sont parvenus à coincer trois hommes dans la tuerie du pavillon, grâce à leur réseau sophistiqué de communication.
Aux USA 95% des crimes d’enlèvement contre rançon trouvent une solution policière positive, contre un très faible pourcentage au Mexique, du fait de la corruption d’une part, et de la faiblesse des communications dans ce pays. Les peines pour enlèvement contre rançon sont très sévères et dissuasives aux USA.
Mais que réserve le futur ? L’organisation du cartel pourrait finir par pervertir la société tout entière, qu’elle soit mexicaine ou états-unienne. Quand les formes de socialisation se trouvent dévoyées par une corruption elle-même récupérée vers la protection des trafics criminels, quand les clans politiques et criminels s’allient avec pour seul but un insolent enrichissement personnel, à quoi peut-on s’attendre ? Tout cela du reste rappelle quelques situations au coeur de l’Europe même.
"Il y a 200 millions d’armes à feu en circulation aux Etats-Unis, et la violence sociale s’est déjà manifestée via les gangs", rappelle Franck Biancheri, à la tête de l’association LEAP.
Une seule solution : l’esprit. Disparu comme un fantôme sur le chemin perdu, il attend son heure, il marche, il vole.
Cuando llegaré ? dit-il, un peu fatigué. Mort, certainement pas.
En voilà un qui reste increvable.
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