Dette US : victoire à la Pyrrhus pour les Républicains
Après des semaines de bataille acharnée au congrès, les Etats-Unis ont finalement enterrinés le relèvement du plafond de la dette américaine, le 2 août dernier. Si les Républicains ont réussi à imposer leurs exigences, le coût politique de cette victoire pourrait bien se révéler exorbitant pour le camp conservateur.
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C’est fait. Le plafond de la dette américaine a été relevé dans la douleur, le 2 août 2011, douze heures à peine avant la date butoir du défaut de paiement. Une décision qui met fin à un mois de bras de fer politique entre Républicains et Démocrates. La vie politique des Etats-Unis portera longtemps les stigmates de cette confrontation, qui a confirmé le clivage entre deux visions, deux pratiques du rêve américain. D’un côté le camp démocrate, dominé par Barack Obama, favorable à une intervention de plus en plus forte de l’Etat fédéral dans la société au nom d’un universalisme social. De l’autre, le camp conservateur, qui subordonne l’action de l’Etat central à la primauté des droits des individus au nom du principe de subsidiarité. Ou en d’autres termes : Léviathan contre Société civile.
Au sortir d’un mois de tensions politiques exacerbées, il semblerait évident que les républicains aient remporté une nette victoire. « Il s’agit d’une avancée positive en direction d’une maîtrise des dépenses fédérale, mais ce n’est qu’une étape. Nous devons réserver les célébrations pour le jour où un amendement budgétaire sera ratifié, le déficit stabilisé et l’économie à nouveau créatrice d’emploi », a déclaré John Boehner (Rep. Ohio), le Président de la chambre des représentants. Mis sous pression par le mouvement Tea Party sur leur flanc droit, ils ont réussi à imposer leur principale revendication : pas de hausse d’impôts pour financer la réduction du déficit américain. Le texte de loi voté prévoit une réduction des dépenses de 2.400 milliards de dollars sur dix ans, assorti d’un relèvement du plafond de la dette de 2.100 milliards de dollars. La limite d’endettement s’élève désormais à 16.300 milliards.
De son côté, Barack Obama sort fortement affaibli de ce conflit. Au sein même de son parti, nombre d’élus démocrates ruminent déjà les concessions, jugées « exorbitantes », accordées au camp conservateur. Michael Lerner, l’un des leaders intellectuels progressistes en vue, n’a pas hésité à déclarer que « Obama est responsable du foutoir politique dans lequel il se débat ». Pourtant, cette défaite infligée à la gauche américaine a tout d’une victoire à la Pyrrhus pour les Républicains.
Le statu quo face aux dépenses de santé
Vaincu en apparence, le Président américain a toutefois manœuvré habilement. Il pourra faire valoir auprès de l’opinion qu’il est « celui qui a empêché les Etats-Unis de perdre leur triple A ». Au vu de la situation économique actuelle du pays, il n’est pas exclu que cet argument trouve un écho favorable auprès des électeurs, appelés aux urnes pour les élections présidentielle de 2012. Jusqu’au dénouement, Barack Obama a réussi à apparaître comme un homme de compromis et de raison, face à l’intransigeance jusqu’au-boutiste des républicains, excités par le Tea Party. Une stratégie habile de la part de celui qui avait sans doute le plus à perdre d’un défaut. Un échec lui aurait été durement reproché lors des prochaines élections présidentielles.
Quant à l’aspect technique de l’accord, il se révèle particulièrement complexe et lourd d’ambigüités. 917 milliards de réductions de dépenses devraient être réalisés sur les prochaines années, en échange d’une première hausse immédiate du plafond de la dette de 400, puis de 500 milliards de dollars en septembre. De quoi permettre au trésor américain de payer les factures de l’Etat américain jusqu’en décembre prochain. Toutefois, de 1.200 à 1.500 autres milliards de relèvement du plafond sont d’ores et déjà programmés à partir du 23 décembre. Une « super commission » bipartisane aura pour mission d’identifier 1.500 milliards de baisse de dépenses supplémentaires. En cas d’échec des négociations, 1.200 milliards seront automatiquement supprimés, notamment en rabotant le budget militaire, les remboursements du Medicare et diverses dépenses domestiques. Toutefois cette solution laisse de côté une réforme structurelle, nécessaire, du système de santé américain. Il s’agit pourtant de la vraie question budgétaire, les dépenses ayant explosé depuis les 3 dernières années.
L’économie américaine toujours en berne
Enfin, d’un point de vue économique, cet accord devrait avoir peu de chances de résoudre les difficultés auxquelles font face les Etats-Unis. La réduction du déficit de 2.400 milliards représente bien moins que les 4.000 milliards nécessaires, selon les estimations d’une commission bipartisane, pour ramener la dette américaine à un niveau acceptable au regard de son PIB. C’est également le chiffre suggéré par Standard & Poor’s pour éviter de dégrader la note américaine. D’ailleurs, le PIB américain a dû être revu à la baisse par rapport aux résultats attendus.
Le coût de la bataille politique est donc élevé pour les Républicains. S’ils ont obtenu l’essentiel vis-à-vis de leur électorat, leur image sort particulièrement dégradée au sein de l’opinion et le texte voté semble bien insuffisant pour relancer la machine économique des Etats-Unis. Certains se félicitent toutefois d’avoir ouvert le chantier d’une profonde évolution politique à Washington, en liant toute hausse future du plafond de la dette aux réductions budgétaires. Mais cet accord pourrait bien s’inscrire dans le grand livre des occasions manquées pour remettre l’économie américaine d’aplomb.
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