Diplomatie : la Russie se rapproche du Qatar
Début mars, le ministre russe des affaires étrangères Sergueï Lavrov débutait au Qatar sa tournée diplomatique au Moyen-Orient. Un choix qui symbolise la relation privilégiée que Moscou et Doha sont en train d’instaurer.

La Russie cherche à renforcer sa position au Moyen-Orient
Avant d’aller en Arabie saoudite, au Koweït et aux Émirats arabes unis, c’est donc au Qatar que Sergueï Lavrov a entamé le 4 mars dernier sa tournée dans la péninsule arabique. La visite de M. Lavrov doit notamment permettre de préparer la première visite de Vladimir Poutine dans la région depuis 2007, et ce en réponse aux invitations de l’Arabie saoudite et du Qatar.
Selon les médias russes, les discussions entre M. Lavrov et les autorités qataries ont porté sur différents dossiers régionaux brûlants tels que la Syrie, la Libye, le Yémen et le conflit israélo-palestinien, dans lequel la Russie aimerait jouer le rôle de médiateur.
Alors que Washington souhaite se retirer de la région, Moscou entend y pousser son avantage. Un avantage qu’il acquis grâce à son intervention militaire victorieuse en Syrie, depuis laquelle les échanges commerciaux avec les pays voisins n’ont cessé de croître ; pays avec lesquels la Russie partage des intérêts communs énergétiques (pétrole et gaz).
Mais c’est au Qatar que M. Lavrov a fait l’honneur d’ouvrir son ambitieuse tournée diplomatique. Un choix qui n’est pas un hasard, la très active et volontariste diplomatie qatarie effectuant régulièrement des visites à Moscou et entretenant de bonnes relations avec Téhéran et Ankara, deux alliées du Kremlin. Une grande proximité et même une « amitié » que M. Lavrov a souligné lors d’une conférence de presse conjointe avec son homologue qatari - le cheikh Mohammad ben Abdel-Rahman al-Thani - faisant suite à sa rencontre avec l’émir du Qatar, en réaffirmant la volonté de Moscou « de maintenir un dialogue politique mutuellement bénéfique et élargir la coopération entre la Russie et le Qatar dans divers domaines ».
Une multiplication des partenariats entre Doha et Moscou
L’intérêt porté par le plus vaste pays du monde au petit émirat gazier, outre son aspect géo-stratégique, est aussi économique. En effet, la bonne santé économique du Qatar lui a permis de beaucoup investir en Russie ces dernières années : en 2013, la Qatar Investment Authority (QIA) a acheté une participation de 500 millions de dollars dans la banque publique russe VTB et contrôle 25% de l'exploitant de l'aéroport Pulkovo de Saint-Pétersbourg. Qatar Airways - une compagnie d’État - a également accepté l'an dernier d'acheter une participation de 25% dans l'aéroport de Vnukovo à Moscou. Le Qatar s’est également déclaré très satisfait de l'achat de 18,93% du producteur de pétrole russe Rosneft - achat qui, compte tenu de l’importance stratégique et économique de Rosneft pour l’Etat russe (qui détient 50% de l’entreprise), n’aurait pu avoir lieu sans l’aval du Kremlin.
Et puisque, selon les mots de l’ambassadeur du Qatar à Moscou, Doha « considère que l'économie russe est stable et que le potentiel de croissance est énorme » l’émirat souhaite aller plus loin : le Qatar envisage ainsi d'investir plus de 9 milliards de dollars dans l'économie russe, qui s’ajouteront aux 2,5 milliards déjà investis. Les projets d’investissement concernent les secteurs de l'agriculture, de la médecine et des hydrocarbures ; alors que la QIA et le Russian Direct Investment Fund continuent de coopérer dans le cadre de leur plateforme financière et économique. Les deux pays misent également sur une rapide accélération de leurs échanges commerciaux - en hausse de 7,4% l’an dernier - qui devraient s'élever à 500 millions de dollars vers 2020 contre 73 millions en 2017.
Le Cheikh Mohammad a par ailleurs précisé suite à la visite de de son homologue moscovite qu’« il y a des discussions sur l’achat de divers équipements [militaires, ndr] russes, mais il n’y a pas encore d’accord sur cet équipement en particulier ». La transaction en question - suivie de près par les observateurs de l’administration Trump - concerne des missiles S-400 Triumph, le système russe de défense antiaérienne et antimissile le plus moderne ; ayant une portée de 400km et également capable de détruire des cibles terrestres. Selon le Monde, le roi Salmane d’Arabie saoudite avait averti, dans une lettre envoyée à la présidence française en juin dernier, que « le royaume serait prêt à prendre toutes les mesures nécessaires pour éliminer ce système de défense, y compris une action militaire » si Doha se dotait de S-400. Alors que le Qatar fait toujours l’objet d’un blocus lancé en juin 2017 par l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn et l’Égypte, le chef de la diplomatie qatarie a souligné que l'acquisition d'armes était une affaire souveraine de chaque État et personne n'avait le droit de s'y immiscer.
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