Djokhar Tsarnaev : coupable avant l’heure ?
Impossible d'y échapper, la presse internationale ne cesse de parler du jeune tchetchène de 19 ans ces derniers jours. Elle semble oublier qu'il est seulement suspecté d'avoir déclenché le double attentat du marathon de Boston, le 15 avril 2013. Inculpé pour "usage et complot d'utilisation d'une arme de destruction massive contre des personnes et des biens aux Etats-Unis ayant provoqué la mort", et ce avant même d'avoir pu dire un seul mot - malgré des écrits dont on ne connaît pas le contenu - Djokhar Tsarnaev encourt la peine de mort sans bénéficier des droits "Miranda".
Djokhar Tsarnaev l'un des deux suspects des attentats de Boston, a été inculpé depuis son lit d'hôpital pour avoir usé d'arme de destruction massive, si l'on en croit le monde. Le jeune homme de 19 ans qui avait été grièvement blessé à cause d'une tentative de suicide ratée, n'est toujours pas - à l'heure où ce billet est écrit - en mesure de déclarer quoi que ce soit oralement mais aurait commencé à répondre aux enquêteurs par écrit.
Ce qui est troublant dans les chefs d'inculpation, c'est l'utilisation du terme "arme de destruction massive", habituellement employé pour des armes un peu voire beaucoup plus destructrice qu'une cocotte-minute, comme une arme bactériologique ou nucléaire. Ainsi, et même si les cocottes-minute en question ont causé la mort de trois personnes dont un enfant de 8 ans et fait plus de 180 blessés, les chefs d'inculpation paraissent disproportionnés. Est-ce une volonté de l'administration Obama de faire de cet homme un exemple pour dissuader tout autre déséquilibré et rassurer le peuple américain avec le sentiment d'une justice rendue ?
Et si ce n'était pas lui ? Et si les autorités américaines et la presse internationale le jugeaient trop vite ? Rappelons qu'il n'est pas en mesure de parler et que même s'il en avait la capacité, il n'aurait pas droit, malgré qu'il soit citoyen américain, aux droits "Miranda" parce que suspecté d'acte de terrorisme. Les droits dits "Miranda" précisent au suspect qu'il a droit de garder le silence et que toute déclaration pourra être retenue contre lui. Généralement, on entend ces droits dans toutes les séries policières américaines avec la formule « Vous avez le droit de garder le silence. Tout ce que vous direz pourra être retenu contre vous. Vous avez le droit de consulter un avocat et d'avoir un avocat présent durant votre interrogatoire. Si vous n'en avez pas les moyens, un avocat vous sera désigné d'office. »
Bien que la jurisprudence Miranda soit applicable aux Etats-Unis depuis 1966, elle n'est cependant pas applicable aux présumés terroristes depuis une jurisprudence de 2009 (affaire Abdulmutallab) . Dans les faits, l'auteur principal avait avoué à une infirmière son crime puis s'était rétracté lorsque le FBI lui a lu ses droits, croyant échappé à la justice. Une autre jurisprudence, de 1984 (New York v. Quarles) cette fois qui permet en cas de menace de sécurité publique, d'interroger un suspect dans les 48h qui suivent l'arrestation sans que ses droits Miranda ne lui soient lus.
Revenons aux faits et à Djokhar Tsarnaev. Il a été arrêté le vendredi 19 avril et nous sommes le 22 avril. Les 48h sont dépassées. Pour cela il existe une mesure spécifique : le déclarer "ennemi combattant". C'est celle qui est utilisée contre les présumés terroristes quand bien même rien ne le prouverait et qui transfère les suspects au centre de détention de Guantanamo dans le Sud-Est de Cuba. Cette prison militaire de haute sécurité recueille les détenus accusés de terrorisme et est reconnue particulièrement violente dans les conditions de détention et le traitement de ses habitants. Pourtant l'administration Obama a rejeté l'idée de faire de Djokhar Tsarnaev, un ennemi combattant.
Une première audience au tribunal fédéral aura lieu le 30 mai prochain à condition que Tsarnaev soit capable de parler, voire s'il survit jusque là...
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