Douche froide en Argentine : Javier Milei promet la fin de la décadence !
« Je ne suis pas venu ici pour guider des agneaux mais pour réveiller les lions ! » (slogan de Javier Milei en septembre 2021).
C'est une surprise bien que ce fût le favori du second tour de l'élection présidentielle qui a eu lieu en Argentine ce dimanche 19 novembre 2023. Le candidat de l'opposition Javier Milei (53 ans) a été élu très largement Président de la Nation argentine en frôlant les 56% des voix et prendra ses fonctions le 10 décembre 2023, succédant au péroniste Alberto Fernandez pour un mandat de quatre ans. Il a battu le candidat arrivé en tête du premier tour le 22 octobre 2023, représentant du pouvoir sortant, le centriste Sergio Massa, Ministre de l'Économie, du Développement productif et de l'Agriculture depuis le 3 août 2022 après avoir été le Président de la Chambre.
Alberto Fernandez avait été élu dès le premier tour le 27 octobre 2019 avec 48,2% des voix en battant le Président libéral sortant Mauricio Macri (40,3%). Il avait fait un "ticket" avec l'ancienne Présidente (et aussi ancienne Première dame) Cristina Kirchner, l'actuelle Vice-Président sortante, qui a été condamnée le 6 décembre 2022 à six ans de prison et l'inéligibilité à vie pour administration frauduleuse au préjudice de l'État. Ce dimanche, c'est bien le kirchnérisme, héritier du péronisme, qui a été balayé par les électeurs.
Évoquons d'abord l'élection présidentielle. Le mode de scrutin est très compliqué car avant les deux tours (éventuels) de l'élection présidentielle, il y a des élections primaires assez compliquées. Ainsi, plusieurs candidats sont en compétition dans les partis respectifs et tous les électeurs peuvent participer. Le décompte des voix au sein de chaque parti donne le nom du candidat du parti concerné, comme des primaires classiques, mais cela donne aussi un classement entre les différents partis en compétition.
Ainsi, le 14 août 2023, trois candidats ont été ainsi choisis pour les trois partis principaux : Sergio Massa pour le parti présidentiel sortant (Union pour la patrie), péroniste, Patricia Bullrich pour le parti libéral, celui qui a été battu en 2019 (Ensemble pour le changement), et enfin, Javier Milei, pour le parti La liberté avance. Le classement a déjà été une grande surprise puisque la Liberté avance (LLA) est arrivée en tête avec 29,9% des voix, devant les candidats de l'Ensemble pour le changement (JxC) 28,0% et ceux de l'Union pour la patrie (UP) 27,3%.
Le premier tour du 22 octobre 2023 a placé Sergio Massa en tête avec 36,8% des voix devant Javier Milei 30,0% et Patricia Bullrich 23,8% pour une participation de 77,1%. Le candidat arrivé en tête n'ayant pas obtenu les 45% nécessaires pour être élu dès le premier tour, un second tour a donc été organisé pour départager les deux premiers candidats. Javier Milei a obtenu le soutien de la droite libérale et il était le favori malgré sa contre-performance lors du débat télévisé du 12 novembre 2023 face à un adversaire qui l'a pilonné de questions pour montrer ses contradictions. Cela n'a visiblement pas suffi à convaincre les électeurs d'arrêter le dégagisme.
Qui est Javier Milei ? Une sorte d'OVNI politique comme il y en a maintenant un peu partout dans le monde. Économiste dans une banque, membre du Forum de Davos, Javier Milei est connu depuis 2014 par ses nombreuses interventions polémiques à la télévision et à la radio : il défendait dans ses analyses des positions ultralibérales, à savoir le refus de l'intervention de l'État dans l'économie et était considéré déjà en 2019 comme l'une des personnalités les plus influentes d'Argentine. Sa forte médiatisation s'est faite aussi par l'utilisation de mots grossiers et d'un ton qui est peu ordinaire et tend à secouer la classe politique.
Le 14 juillet 2021, Javier Milei a créé son propre parti, La Liberté avance. Son engagement politique date de l'année précédente où il manifestait contre la poursuite du confinement à cause de la crise du covid-19, amorçant un véritable courant politique de droite au sein de la population. Son discours est anti-tout, s'en prenant à la classe politique actuelle composée de « politiques inutiles, parasites, qui n'ont jamais travaillé ». Il s'est fait élire député de Buenos Aires le 14 novembre 2021.
Lorsqu'il a annoncé sa candidature à l'élection présidentielle, il a expliqué son plan tronçonneuse visant à réduire les dépenses publiques (ses militants arboraient ainsi des tronçonneuses en carton dans ses meetings). Il défend la suppression de nombreux ministères qu'il considère inutiles comme l'éducation, la santé, les femmes, la protection sociale, etc. Et il se dit favorable au commerce d'organes (voyant qu'il y avait un marché dans ce domaine). Il pense même que dans le futur, on commercialisera les enfants et on privatisera les rues. Il est également pour une immigration sans limites. Il est également pour une immigration sans limites. Il a dénoncé l'adhésion de l'Argentine aux BRICS (effective le 1er janvier 2024) et soutient fermement l'Ukraine.
Javier Milei est par ailleurs le seul candidat à avoir très clairement apporté son soutien à Israël, condamnant le terrorisme islamique. Interrogé par "The Times of Israel" juste avant le second tour, il expliquait : « Ce que j’admire le plus en Israël, c’est sa culture, son peuple. Je suis très admiratif de voir comment ils parviennent à conjuguer le monde spirituel et le monde réel. Pour moi, c’est formidable et admirable. (…) Non seulement j’ai condamné les actes terroristes du Hamas, mais j’ai également exprimé ma solidarité avec Israël. Surtout, j’ai exprimé avec force mon soutien au droit légitime d’Israël à se défendre. ».
Dans cette interview recueillie par la journaliste Michelle Mendeluk, qui va avoir bientôt un enfant, Javier Milei n'hésitait pas à faire preuve d'un manichéisme grossier : « Si nous gagnons, votre enfant sera le témoin de la reconstruction de l’Argentine, du tournant du déclin et du chemin de l’Argentine pour redevenir l’un des meilleurs pays du monde. Dans le cas contraire, votre fils ou votre fille vivra dans un endroit qui est en passe de devenir le plus grand bidonville du monde, et si cela se produit, votre enfant risque d’émigrer. ».
Sa colistière, l'avocate Victoria Villarruel (48 ans), également députée de Buenos Aires depuis 2021, qui sera donc la Vice-Présidente de la Nation argentine à partir du 10 décembre 2023, avait créé des polémiques auparavant par sa défense de la dictature militaire et son révisionnisme sur cette période tragique de l'Argentine.
En France, les journalistes classent volontiers Javier Milei à l'extrême droite tout en le considérant ultra-libéral voire libertarien. Ces classements me paraissent peu cohérents avec ses propres prises de position. Il est par exemple profondément anti-avortement, mais n'est pas contre le mariage pour tous ; il est très favorable à la libéralisation des drogues et à la liberté de posséder et de porter des armes. Il rejette la réalité du bouleversement climatique et prône la théorie du marxisme culturel (une théorie complotiste d'extrême droite). Wikipédia le qualifie de « libertarien de droite ». Ce qui est sûr, c'est qu'il est pour un capitalisme libre de toute contrainte de l'État.
S'il fallait le comparer à d'autres personnalités d'autres pays, on pourrait dire trop simplement qu'il serait une sorte de mélange de Donald Trump, qu'il admire évidemment, et Éric Zemmour avec un zeste de Jair Bolsonaro, mais cela ne suffirait certainement pas à expliquer sa position sur les stupéfiants par exemple. On pourrait plus simplement le qualifier de populiste, car ses électeurs ont probablement eu des motivations très diverses et variées pour voter pour lui (les prochaines enquêtes d'opinion donneront une indication à ce sujet).
La victoire présidentielle de Javier Milei est surtout la défaite non seulement du Président sortant Alberto Fernandez, mais plus généralement de la classe politique argentine incapable de juguler suffisamment la crise économique malgré un retour à la croissance, une diminution du chômage et un recul de la pauvreté (mais l'inflation est proche de 150%). Pendant sa campagne, Javier Milei avait exhorté ses compatriotes à ne pas investir dans la monnaie nationale, le peso argentin, ce qui a fait chuter son cours en bourse (il veut dollariser l'économie argentine et le dit en montrant un billet de 100 dollars à son effigie). En criant sa victoire, reconnue par son adversaire, Javier Milei a ni plus ni moins promis la fin de la décadence. Nous voilà rassurés.
Aussi sur le blog.
Sylvain Rakotoarison (20 novembre 2023)
http://www.rakotoarison.eu
Pour aller plus loin :
Douche froide en Argentine : Javier Milei promet la fin de la décadence !
Le pape François.
Che Guevara.
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