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Egypte : des espoirs démocratiques déçus

L’administration américaine, dans le cadre de son plan de démocratisation du Grand Moyen-Orient, avait placé de hauts espoirs dans l’Egypte autoritaire de Hosni Moubarak. Le président de la république arabe avait en effet maintes fois garanti à Washington sa volonté de libéraliser progressivement son pays, en permettant notamment la tenue d’élections véritablement démocratiques. Le chef d’Etat égyptien était ainsi parvenu à maintenir l’illusion quant à ses intentions en modifiant la Constitution afin de permettre une élection présidentielle pluri-candidats. Et malgré sa victoire électorale discutable de septembre 2005, il avait réussi à conserver la confiance de l’allié américain en promettant, entre autres, l’instauration de la liberté de la presse, un pouvoir accru du Parlement et la fin des lois d’exception lui accordant les pleins pouvoirs.

Toutefois, le voile s’est déchiré en décembre dernier, avec l’arrestation et la condamnation du chef de l’opposition libérale démocrate Ayman Nour, symptomatique des relents d’autoritarisme qui ont traversé la société égyptienne au cours des derniers mois.

Les premières manifestations de ce recul démocratique ont été perceptibles dès début novembre, lors des élections parlementaires, soit quelques semaines seulement après la réélection de M. Moubarak et ses promesses à Washington. Confronté à une montée en puissance imprévue des Frères musulmans, le chef d’Etat égyptien, certain -à tort- d’un soutien indéfectible des Etats-unis, a usé allégrement de la force et de la répression afin d’influer sur les résultats finaux, permettant aux forces de sécurité d’ouvrir le feu sur les électeurs et d’investir les bureaux de vote. Cette coercition autoritaire a atteint son sommet avec l’arrestation du démocrate Ayman Nour, jugé comme dangereux pour l’avenir politique de Gamal Moubarak, le fils du président égyptien, qui s’affiche lui aussi comme un réformateur.

Contrairement à ce qu’avait prévu le chef d’Etat arabe, le président Bush et son administration n’ont pas fermé les yeux devant ces malversations despotiques. Alors qu’une délégation égyptienne devait se rendre en janvier à Washington, afin de négocier un accord de libre-échange entre les deux pays, le déplacement diplomatique a été annulé par le gouvernement américain. Une aide de près de deux milliards de dollars, demandée par l’Egypte en raison de sa prise de contrôle de la frontière avec Gaza, a en outre été refusée, tandis que le président Bush a parallèlement signifié que l’ensemble des accords, plus particulièrement militaires, avec la dictature arabe allaient être réexaminés minutieusement par le Congrès.

Le message avait le mérite d’être clair. M. Moubarak se devait d’opérer un virage politique au plus tôt, afin d’organiser des élections démocratiques, condition sine qua non à la reprise de l’aide financière américaine et au resserrement des liens diplomatiques entre les deux nations.

Le président égyptien a néanmoins persévéré dans sa politique autoritaire en annulant la semaine dernière les élections locales qui devaient se tenir mi-avril, craignant une nouvelle montée en puissance des islamistes.

Nouveau mauvais calcul du dirigeant arabe ? Rien n’est moins sûr, car la victoire du Hamas a modifié les enjeux régionaux. Les Etats-unis, relativement esseulés dans leur volonté d’isoler diplomatiquement le Hamas, ont besoin du soutien du voisin égyptien pour poursuivre leur politique d’endiguement vis-à-vis du mouvement islamiste palestinien, récemment arrivé au pouvoir. Déjà les services égyptiens, palestiniens et américains collaborent afin de consolider l’influence du président de l’Autorité Mahmoud Abbas au détriment du Hamas. Par ailleurs, la secrétaire d’Etat Condolezza Rice, qui avait annulé sa visite au Caire l’année dernière en raison de l’arrestation d’Ayman Nour, se rendra bientôt en Egypte afin de discuter de la stratégie de "containment" à adopter vis-à-vis du Mouvement pour la résistance islamique.

M. Moubarak dispose donc pour le moment d’un répit, à la faveur d’une conjoncture diplomatique et politique propice. Reste à savoir quel usage sera fait du temps imparti. Profitera-t-il de ce relâchement de la pression américaine pour poursuivre ses manoeuvres de répression et de harcèlement vis-à-vis de l’opposition ? Ou, au contraire, s’attachera-t-il à corriger ses erreurs passées en donnant un nouveau souffle aux espoirs démocratiques ?

Une autre variante apparaît plus probable. Si on peut penser que le président égyptien profitera certainement de la situation pour affermir son pouvoir, contenir la montée islamiste et inhiber l’opposition libérale-démocrate, parallèlement il est vraisemblable qu’il préparera le terrain pour l’inévitable démocratisation de son pays, voulue tant par la population que par son puissant allié, afin d’accroître au maximum les chances de victoire de son fils et successeur lors des prochaines élections. Demeure l’inconnue décisive qu’est le Hamas, dont les intentions sont encore absconses, et l’évolution sujette à spéculation.


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2 réactions à cet article    


  • Scipion (---.---.239.58) 6 mars 2006 11:12

    Bush est définitivement incapable que les structures sociétales arabo-musulmanes sont incompatibles avec la démocratie pluraliste et partitocratique. Il est à craindre que le prochain locataire de la Maison-Blanche, quel qu’il soit, montre tout aussi peu de lucidité.


    • Marsupilami (---.---.53.113) 6 mars 2006 11:58

      Entièrement d’accord avec cet article et ta réaction, Scipion. Les cowboys jouent une politique à la fois naïve et cynique. Il est évident que si d’authentiques élections démocratiques ont lieu en Egypte (ou dans n’importe quel pays musulman), elles verront le triomphe des islamistes : infernal paradoxe dont la victoire du Hamas est une parfaite illustration. Les peuples musulmans n’ont donc le choix qu’entre des dictatures corrompues soutenues par l’Occident ou le vote « démocratique » pour des partis islamistes qui se corrompront inéluctablement quand ils seront au pouvoir.

      Bad luck !, comme disent les cowboys étasuniens ignares du reste du monde.

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