Egypte : la révolte du peuple de Pharaon !
Pour un ami professionnel, égyptien travaillant à Londres, Moubarak n’est pas un dictateur, pas plus qu’un monarque ou qu’un tyran, ni même bien sûr un démocrate. Rien de tout cela, sauf simplement un… Pharaon !

Un Pharaon, tel que la grande Egypte en a produit durant 3 000 ans avant l'ère commune, depuis le premier des Hyksos, au dernier Ptoléméen, en fait une dernière puisqu'il s'agissait de la reine Cléopâtre. Ainsi selon cet ami scientifique de haut niveau, depuis 1952 l'Egypte est redevenue pharaonique. D'abord Nasser, puis Sadat et maintenant Moubarak.
De fait, comme tout Pharaon de droit divin, Moubarak ne gouvernerait pas vraiment. Le régime politique serait plutôt du type oligarchie militaro-policière, gouverné par un petit nombre individus acquis à la cause du fils de Rê, le dieu-soleil lui-même. Donc, Moubarak ne serait nullement la cause de la révolte du peuple… D'où viendrait-elle alors ? Peut-être de l'extérieur, venue d'Occident disent certains, dont notre ami qui se pose encore naïvement la question.
N'ayant pas d'élément pour juger de cela, voyons si quelques chiffres de l'Egypte d'aujourd'hui peuvent nous éclairer davantage sur les causes réelles de la révolte.
Grande comme 2 fois la France, le pays compte 80 millions d'habitants dont l'espérance de vie est de 69,9 ans (ici). De fait la quasi-totalité du peuple égyptien n'a connu que des pharaons, depuis Nasser. Donc, pas vraiment facile de se faire une idée sur ce que serait une vie normale, sans Pharaon.
Avec un PIB de 189 milliards de dollars, soit quelque 27 fois moins que celui de la France exprimés en dollars, 27,8 % des égyptiens vivent, selon l'ONU, avec moins de 1 dollar par jour (ici) soit 365 dollars par an. De fait, ce pays met bien en évidence l'existence de deux seules classes, celle des pauvres et celles des riches. L'absence de la classe moyenne et entrepreneuriale depuis certainement des lustres, peut-être déjà 5 000 ans, montre pourquoi ce pays ne s'est pas développé, ni industrialisé. Si on rajoute à cela que, selon le journal britannique The Guardian, la famille du Pharaon aurait volé 70 milliards de dollars au PIB du pays, soit 40 % de sa richesse nationale, on comprend mieux pourquoi le peuple du Pharaon-Moubarak se révolte aujourd'hui et veut en découdre… définitivement.
Cependant la tâche des révoltés s'annonce extrêmement dure. En effet, avec près de 30 % d'Egyptiens qui ne savent ni lire ni écrire (ici) et 20 autres pourcents qui savent à peine… on suppute avec quelle facilité le régime politique en place va pouvoir se délecter durant les prochains jours, semaines et mois, en faisant des promesses orales qui seront largement bafouées une fois écrites en lois organiques pour modifier la Constitution et en nouvelles lois pour une nouvelle politique économique et sociale. Dans les peuples développés comme chez nous, ce n'est déjà pas simple de faire correspondre promesses du politique (ici) et textes de loi, alors, dans l'Egypte pharaonique cela promet.
Bref, rien ne semble être acquis d'avance et la révolte risque de perdurer, car le peuple qui s'estime spolié, semble bien vouloir aller enfin jusqu'au bout, c'est-à-dire jusqu'au départ de son dernier Pharaon.
Notre ami, égypto-britannique, très lointain descendant d'Ahmosis et autre Ramsès, se demande quand même comment son pays en est arrivé à être aujourd'hui parmi les pays les moins développés du monde − au 123ème rang (ici), avec un IDH de 0,703 − alors que sa civilisation a émerveillé le monde durant plus de 3 millénaires ? Et qu'elle enfanta l'une des plus grandes croyances du monde, le monothéisme, croyance en un Dieu unique Aton, imposée par le célébre pharaon Akhenaton, vers 1350 ans avant l'ère commune. Dieu unique dont le concept sera repris quelque 300 ou 350 ans plus tard, via la révélation faite par l'Eternel à Moïse. Formant le corpus divin de la Bible hébraïque … repris des siècles plus tard par les Chrétiens qui le complétèrent avec le Nouveau testament, puis les Mahométans avec le Coran.
Bien que les choses paraissent des fois injustes, la réalité des faits est irréfragable. L'Egypte d'aujourd'hui n'a quasiment pas évolué depuis le Pharaon Nasser. Et ses successeurs Sadat et Moubarak se sont largement endormis, au propre comme au figuré, sur l'or des royalties issues du canal, du tourisme et de la manne occidentale, notamment américaine.
A l'évidence la "route sera longue et la pente ardue" ! Rappelons-nous combien de temps le peuple de France a mis pour sortir des régimes théocratiques d'avant 1789. Ce n'est qu'après 116 ans, en 1905, que la démocratie française laissa apparaître ses premiers embryons.
Espérons que l'Egypte, ainsi que tous les pays aujourd'hui gouvernés par des pouvoirs politiques à la fois dictatoriaux, corrompus et prédateurs de la richesse de leur peuple, mettent beaucoup moins de temps pour en finir avec leur régime.
Alors que le centre du monde se déplace rapidement et inexorablement de l'Ouest vers l'Asie, souhaitons que l'Egypte, chère au cœur de millions d'entre nous, ne se contente pas encore une fois de regarder le train de l'Histoire passer, puis s'éloigner.
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