Elections en Afrique, crime contre l’humanité
Si l’Afrique redoute une chose, ce sont les lendemains des scrutins électoraux. Les élections tuent plus que le paludisme, l’autocratie et la pérennisation au pouvoir sont devenues des pandémies dont l’effet de propagation n’a qu’une seule conséquence : la pauvreté.
Le syndrome kenyan ayant commencé à sévir en Afrique orientale, il s’est répandu en Afrique australe, avec des milliers de morts sur le carreau. La crise kenyane a accouché d’une solution inventée par Koffi Annan, selon Albert Tévoédjrè(1). Elle a permis de gérer une situation infernale, par le biais d’un accord boiteux, mais qui tient bien la route. Au Kenya faute d’une commission électorale indépendante, faute d’un scrutin transparent, il va sans dire que les résultats ont été contestés des deux parties. La responsabilité des massacres qui ont suivi le scrutin, pouvait donc être imputée aux deux parties. Cette confusion intenable, ne pouvait qu’amener la communauté internationale, à l’ingénieuse idée de partage du pouvoir. C’était l’unique solution qui se présentait aux différents protagonistes, elle devait être acceptée par tous, chose qui a été faite.
Au Zimbabwe, les réalités étant tout autre, le premier tour de l’élection a été remporté par l’opposant à Mugabe. Face à cette situation, et faute d’une commission électorale transparente et indépendante, le pouvoir de Mugabe a lancé une Fatwa contre l’opposition, soupçonnée d’être le suppôt des puissances occidentales. La guerre des nationalistes contre les antis patriotiques avait trouvé tous les ingrédients pour voir le jour. Cette situation quasi similaire a été vécue au Cameroun en 1992, lorsque l’opposant Fru Ndi a fait mordre la poussière au candidat Biya. Malheureux concours de circonstance, la communauté internationale a prêté main forte à Paul Biya, qui garantissait au mieux leurs intérêts.
LE ROLE DE L’UNION AFRICAINE
Pour tout observateur averti, Mugabe ne peut être reconnu légitimement réélu au Zimbabwe. Dans les débats à huis clos au sommet de l’Union Africaine à Charm el Cheick en Egypte, ce point de vue est clairement apparu. Mais l’Union Africaine a été incapable de faire respecter ses résolutions, car chacun des dictateurs au pouvoir en Afrique, voyait le danger frapper à sa porte. On n’a donc pu répéter au Zimbabwe la solution Kenyane, ce qui constitue un précédent ironique pour tout le continent africain. Les conséquences qui en découleront à l’avenir ne sont plus à démontrer.
Cette manière de diriger l’Afrique, nous amène à nous poser des questions. En France et aux Etats unis, Giscard, Bush père refusant le verdict des urnes, s’entourant d’une cohorte de miliciens et de fédayins enragés, pour contraindre Mitterrand et Bill Clinton à se muer d’une part en premier ministre et d’autre part en vice président, par le truchement d’arrangements internationaux véreux. Que dirait le monde, qu’aurait fait la planète ?
Or, ces scenari ne sont plus à exclure à l’avenir en Afrique, si le problème électoral n’est pas circonscrit en amont.
Il est temps que la communauté internationale réfléchisse mûrement et invente tous les palliatifs démocratiques et républicains, susceptible de donner aux Etats-nations africains la stabilité.
LES MONARCHIES ECLAIREES
Dans le cas des dictatures qui fleurissent plus que des champignons en Afrique, un regard historique, nous amène à nous interroger sur l’attachement et l’indentification que certains chefs d’Etats africains se font du pouvoir exécutif. Le bilan. Bon nombre de chefs d’Etats veulent se faire accepter comme les fondateurs de leurs Etats, tout simplement parce qu’ils ont peur de vieillir, ils redoutent leurs bilans, par conséquent ils se croient jeunes ; vieillir pour eux est synonyme de mourir ; ils rêvent d’une jeunesse où ils auraient la force de marquer leurs peuples par le progrès scientifique, économique et technique ; ils rêvent d’être toujours à l’écoute de leurs peuples. Ils pensent devenir des sphinx qui renaîtront de leurs cendres, des serpents du caducée qui se mordent, pour s’auto guérir et se régénérer. Mais, ils sont usés et corrompus par le pouvoir, hélas !
Si certains présidents à l’instar de Mugabe peuvent au moins se targuer d’avoir combattu le colon, il n’en est pas de même pour certains présidents qui n’ont pas une incidence historique sur leur peuple. Par conséquent, selon Mr Tévoédjrè l’usure du pouvoir crée des rides dissimulées dans un calendrier inexorable. Par ailleurs, la misère accusatrice du Cameroun, Gabon, Congo ne peut qu’accabler le peuple, dont le changement institutionnel est un exutoire. Les atrocités de l’inflation et toutes les violences qui en découlent, sont de nature à commander à la plupart des dirigeants africains ,de laisser la place aux autres dans le meilleur des cas, dans le pire des cas, d’organiser un scrutin juste et équitable.
UNE ILE DU POUVOIR POUR EUX
A mon avis, bien que certaines Constitutions africaines l’ont déjà mentionné, il est temps pour la communauté internationale, d’inventer un strapontin pour tous ceux qui ont exercé plus de dix ans comme chef d’Etat en Afrique, tels que président d’honneur de l’Onu, avec un pouvoir tournant, ou membre ad vitam du conseil de sécurité des nations unies. Cette fonction officielle votée par l’Union Africaine et l’Onu, permettrait à ces chef d’Etats qui s’identifient à leurs nations d’être les garants d’une continuité de la lutte pour la démocratie .Et, pourraient devenir des conseillers pour l’avenir de leurs pays et l’Afrique. C’est ce rôle que joue Nelson Mandela aujourd’hui en Afrique du Sud.
C’est cette fonction qu’il convient de faire accepter à Paul Biya et ses compères africains, qui ne peuvent plus, et ne doivent plus exercer le pouvoir après plus de vingt ans passés au sommet de l’Etat. Il est temps de laisser à l’Afrique, comme au Ghana, une nouvelle génération de présidents élus démocratiquement. Les nouveaux Etats doivent se doter de gouvernements responsables devant le parlement. La colonisation étant du passé, il est certain que l’ère des révolutions sanglantes est révolue. L’Afrique essuie un crépuscule démocratique sans pareil, il faut fermer la parenthèse des démiurges au pouvoir, et laisser des mortels poursuivre l’histoire et la destinée de leurs peuples.
Aimé Mathurin Moussy
1) Albert Tévoédjrè : une autre solution pour le Zimbabwe, Jeune Afrique
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