J’avais publié un billet sur Médiapart il y a quelques temps :
Plaidoyer pour une saisine de la Cour pénale internationale pour les présomptions de crimes en Grèce
La Grèce affronte depuis cinq années des
décisions politiques d’une extrême gravité. Le démantèlement organisé
par l’Etat grec des systèmes de santé, d’éducation ou d’information
atteint aujourd’hui des proportions uniques dans l’Histoire de ce pays
depuis la dictature des colonels. Récemment, la fermeture de centres de
formation universitaire vient alourdir les atteintes déjà insupportables
faîtes à la télévision publique et aux centres de soins.
Depuis le premier juillet 2002, le Statut de Rome de la Cour pénale
internationale située à La Haye est entré en vigueur. Ces statuts
fondent la compétence de la Cour ainsi que les procédures qui régissent
ses actions et les peines encourues par les délinquants internationaux.
Des crimes de la compétence de la Cour
Eu égard à la situation actuelle de la Grèce et à l’incapacité de
l’Etat grec à y apporter des solutions de justice, la Cour pénale
internationale pourrait être saisie sur un certain nombre de crimes
relevant de sa compétence.
Ainsi, l’article 6 du statut de Rome intitulé « Crime de génocide »
prévoit que le crime de génocide est entendu comme « l’intention de
détruire, en tout ou partie, un groupe national » notamment par la
« soumission intentionnelle du groupe à des conditions d’existence
devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle ». La mise
en place d’un système organisé, sous autorité d’Etat, de suppression de
l’accès aux soins fondamentaux pourrait relever de cette qualification.
L’article 7 du statut de Rome intitulé « Crimes contre l’humanité »
sanctionne une « attaque généralisée ou systématique lancée contre toute
population civile et en connaissance de cette attaque ». Il s’agit,
notamment de « persécution de tout groupe ou de toute collectivité
identifiable pour des motifs d’ordre politique » mais également
d’ « autres actes inhumains de caractère analogue causant
intentionnellement de grande souffrances ou des atteintes graves à
l’intégrité physique ou à la santé physique ou mentale ». Ces éléments
sont définis au même article en ces termes : une « attaque lancée contre
une population civile » est entendue comme « le comportement qui
consiste en la commission multiple d’actes visés au paragraphe 1 à
l’encontre d’une population civile quelconque, en application ou dans la
poursuite de la politique d’un Etat ou d’une organisation ayant pour
but une telle attaque ». L’ « extermination », également sanctionnée à
cet article est définie comme « le fait d’imposer intentionnellement des
conditions de vie, telles que la privation d’accès à la nourriture et
aux médicaments, calculées pour entraîner la destruction d’une partie de
la population ». Enfin, par persécution, le Statut de Rome entend « le
déni intentionnel et grave de droits fondamentaux en violation du droit
international, pour des motifs liés à l’identité du groupe ou de la
collectivité qui en fait l’objet ».
Ces éléments ne sont qu’un aperçu des crimes relevant de la
compétence de la Cour et une étude approfondie des statuts et de la
jurisprudence pourrait permettre d’en affuter le contenu applicable à la
situation grecque.
De la procédure se saisine
L’article 14 prévoit que « tout Etat partie peut déférer au Procureur
une situation dans laquelle un ou plusieurs des crimes relevant de la
compétence de la Cour paraissent avoir été commis, et prier le Procureur
d’enquêter sur cette situation en vue de déterminer si une ou plusieurs
personnes identifiées devraient être accusées de ces crimes ».
La France, en tant qu’Etat partie ayant ratifié le Statut de Rome,
pourrait donc saisir le Procureur sur le cas de la Grèce. Même si une
telle action serait tout à l’honneur de mon pays, je crains que cela ne
soit pas envisageable à l’heure actuelle eu égard à l’implication
possible de certains de ses ressortissants dans la situation visée.
Certains Etat dits « non alignés », comme le Venezuela sont également
partie aux Statuts de Rome et seraient compétents pour saisir le
Procureur au titre de l’article 14.
L’article 15 prévoit par ailleurs que « le Procureur peut ouvrir une
enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant les
crimes relevant de la compétence de la Cour ». Ainsi, Madame Fatou
BENSOUSA, Procureur de la CPI, pourrait d’autosaisir de la situation
grecque au vu des renseignements dont elle dispose ou pourrait disposer
suite à enquête préliminaire.
Des justiciables
Pourraient être considérés comme justiciables les autorités grecques,
en premier lieu les exécutifs successifs de l’Etat. Il s’agirait,
depuis 2008, de Messieurs Geórgios Papandréou, Loukás Papadímos,
Panagiótis Pikramménos et Antónis Samarás.
Toutefois, la Cour peut aussi poursuivre, au titre de l’article 25 du
Statut, une personne physique qui « sollicite ou encourage la
commission d’un tel crime, dès lors qu’il y a commission ou tentative de
commission de ce crime ».
Ainsi, les responsables de la Troïka pourraient également être visés.
Il s’agirait, depuis sa mise en place en 2008, du président de la
Commission européenne, José Manuel BARROSO (voire de l’ensemble des
commissaires dans le cadre de la complicité), des présidents successifs
de la Banque centrale européenne, Messieurs Jean-Claude TRICHET et Mario
DRAGHI et des présidents successifs du Fonds monétaire international,
Messieurs Dominique STRAUSS-KHAN, John LIPSKY et Madame Christine
LARGARDE.
Conclusion
Le droit ne s’use que si l’on ne s’en sert pas et il a vocation à
apaiser les rapports sociaux avec un idéal de justice entre des intérêts
contradictoires. Le principe de présomption d’innocence que respecte la
Cour pénale internationale protège les personnes qui pourraient être
mises en cause jusqu’à ce qu’un jugement soit exécutable. Ainsi, il ne
s’agit nullement de vouloir la sanction des personnes citées ci-dessous
mais d’ouvrir le champ à une investigation permettant de définir s’il y a
eu commission d’actes répréhensibles par la Cour dans le cas de la
Grèce.
Par extension, ce type de procédure pourrait être appliquées pour
d’autres Etat actuellement dans des situations similaires à la Grèce ou
en voie de l’être.