Encore un coup d’Etat en Afrique : quel avenir pour la Guinée ?
Après un nouveau coup d’Etat en Afrique qui a vu le capitaine Moussa Dadis Camara prendre le pouvoir en Guinée suite au décès du général-président Lansana Conté le 22 décembre dernier, nous pouvons nous demander comment ce pays pauvre malgré des sols riches en est arrivé là. Et quelles peuvent être les perspectives pour cet Etat ? Le peuple guinéen peut-il croire enfin à un régime démocratique et prospère ?
Le 22 décembre 2008, Lansana Conté, président de la Guinée depuis 24 ans, décède des suites d’une leucémie et d’un diabète aigu à l’âge de 74 ans. Au cours de la nuit suivante, les proches du régime s’affairent pour organiser l’intérim suivant les procédures prévues par la Constitution.
Mais le 23 décembre 2008 au matin, suite à l’annonce du décès de Conté, des dignitaires de l’armée, des officiers se présentant sous le nom de Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDD) annoncent unilatéralement à la radio, par le biais de son porte-parole le capitaine Moussa Dadis Camara, jusqu’alors inconnu du grand public, la dissolution du gouvernement ainsi que la suspension de la Constitution et de toutes les institutions républicaines. Et le 24 décembre 2008, Moussa Dadis Camara s’auto-proclame président de la République, devenant le troisième président de la république de Guinée. Il prononce alors un discours à caractère social, dénonçant le désespoir profond du peuple de Guinée, la complicité des dignitaires du pouvoir dans le pillage des ressources du pays et leur incapacité à fournir à la population les services de base.
Moussa Dadis Camara, né en 1964 à Nzérékoré, est un officier de l’armée guinéenne avec le grade de capitaine. Il est diplômé en économie et finance de l’université Gamal Abdel Nasser de Conakry et occupait, jusqu’à sa prise de pouvoir, le poste de responsable de l’approvisionnement en carburants de l’armée guinéenne.
Depuis la décolonisation de la deuxième moitié du XXè siècle, l’Afrique est connue pour les nombreux coups d’Etat qui portent à la tête de pays déjà pauvres des dignitaires de l’armée nationale dont le seul objectif est bien souvent de s’enrichir et de pratiquer le népotisme, au détriment de leur peuple qui n’a que trop peu son mot à dire.
Ainsi, depuis 1952, il y a eu soixante-cinq coups d’Etat en Afrique ! Deux se sont produits en Guinée, dont celui du 23 décembre 2008.
Le dernier coup d’État en Afrique est celui, récent, qui a eu lieu en Mauritanie le 6 août 2008. Suite à des changements à la tête de l’armée, de la gendarmerie et de la garde nationale, les deux généraux limogés firent un coup d’État, arrêtant le président mauritanien Sidi Ould Cheikh Abdallahi (premier président démocratiquement élu en mars 2007), le Premier ministre et le ministre de l’Intérieur. Les putschistes, organisés en conseil d’État, dirigé par le général Mohamed Ould Abdel Aziz, annulent les dernières nominations au sein de l’armée décidées par le président Abdallahi. La junte promit des élections présidentielles libres et transparentes dans une période qui sera la plus courte possible, selon un communiqué lu à la radio nationale.
En Guinée, le dernier coup d’Etat était celui de 1984 qui avait porté au pouvoir Lansana Conté. Le 26 mars 1984, Ahmed Sékou Touré, « père de l’indépendance » de la Guinée, président depuis 1958, décède. L’unique parti de l’époque, le Parti Démocratique de Guinée, sombre dans de violentes querelles de succession, et le pays est au bord de la guerre civile. Le premier ministre d’alors, Louis Lansana Beavogui, assura l’intérim de la présidence de la République. Mais l’intérim fut de courte durée puisque le 3 avril 1984, une semaine après, il fut déposé par un coup d’état militaire dirigé par le colonel Lansana Conté. Le Comité militaire de redressement national (CMRN) porte alors son leader au pouvoir, qui est proclamé président de la République deux jours plus tard, alors que vient d’être instituée la 2e République.
Il s’en suivra une présidence dictatoriale de la part de ce fils d’agriculteur né en 1934, et qui avait fait son service militaire dans l’armée française. Il fut affecté en Algérie pendant la guerre d’indépendance en 1957, puis il retourne en Guinée qui est devenue indépendante de la France le 2 octobre 1958. Il intègre alors la nouvelle armée. Il est élu à l’Assemblée nationale en 1980, sur la liste unique du PDG. Deux ans plus tard, il devient colonel.
En 1984, devenu chef de l’État, il opte pour un libéralisme économique, après vingt-six ans d’économie centralisée. Alors qu’une vague démocratique touche l’Afrique, il fait adopter une nouvelle constitution, et organise une élection présidentielle pluripartite en décembre 1993. Il l’emporte dès le premier tour de scrutin avec 51,7 % des suffrages. Cette élection est vivement contestée par les partis d’opposition. Dès lors, le régime en place prend un visage plus radical. Lansana Conté renoue peu à peu avec les pratiques autoritaires d’Ahmed Sékou Touré (massacres, tortures...). En novembre 2001, il soumet à la population un référendum prévoyant une modification constitutionnelle afin qu’il puisse briguer un 3e mandat à la tête du pays. Le référendum, adopté par 98,4 % des voix, est considéré comme truqué par les observateurs internationaux. En décembre 2003, il est réélu avec 95,63 % des suffrages face à un seul adversaire, les autres opposants préférant ne pas participer à un scrutin qu’ils estiment joué d’avance.
Le 19 janvier 2005, victime d’une tentative d’assassinat, le président, qui n’a pas été blessé, déclare que « Dieu n’avait pas encore décidé que c’était temps qu’[il] meure. »
Pourtant il est malade : début 2006, alors qu’on lui a diagnostiqué une leucémie et une forme aiguë de diabète quatre ans plus tôt, son état de santé s’aggrave brusquement ; il se rend alors, à plusieurs reprises, à l’étranger pour se faire hospitaliser. De plus, la mauvaise conjoncture économique dans le pays (le prix du riz et du carburant sont au plus haut) et de nombreuses grèves générales sanctionnées par de sanglantes répressions affaiblissent le président guinéen. Mais en octobre 2006, le général Conté annonce qu’il compte demeurer président jusqu’à la fin de son troisième mandat en 2010, tout en précisant qu’il aime son pays et qu’il le protège contre ses ennemis. Il déclare également qu’il est à la recherche d’un successeur « comme [lui], qui a de l’envergure, patriote, pour diriger la Guinée », ce qui n’est pas très démocratique.
Malgré une nouvelle grève générale commencée le 10 janvier 2007, Lansana Conté s’accroche au pouvoir. Lors d’une rencontre avec des responsables syndicaux, le 19 janvier, il leur dit : « Je vais vous tuer tous, tant que vous êtes. Je suis militaire, j’ai déjà tué des gens ». Quelques jours plus tard, alors que plusieurs centaines de milliers de citoyens continuent à manifester et que beaucoup de personnes sont mortes de la répression des forces de l’ordre, le général Conté accepte de nommer un premier ministre de consensus. Mais le 9 février, il choisit de nommer Eugène Camara, un de ses proches. Mécontents de ce choix, les syndicats et la société civile s’embrasent. Le président cède à la pression, et nomme Lansana Kouyaté au poste de premier ministre. Le bilan humain de ce soulèvement est terrible : au moins 186 personnes sont tuées et 1 200 blessées. En mai et juin 2008, des soldats menacent la stabilité du pays en réclamant le paiement des arriérés de leur solde, fragilisant encore un peu plus le régime en place.
Finalement le 23 décembre 2008, Aboubacar Somparé, président de l’Assemblée nationale, annonce à la télévision que le président de la République est décédé la veille, « après une longue maladie ».
Les funérailles de Lansana Conté, qualifiées de « grandioses » par la presse, se déroulèrent le 26 décembre 2008 à Conakry, et rassemblèrent plus de 30 000 personnes, ainsi que plusieurs chefs d’État africains.
Durant sa présidence, le chef de l’État et ses proches ont gardé la haute main sur la vie politique et économique du pays ; à sa mort, la Guinée reste minée par la corruption. Pourtant le sol renferme deux tiers des réserves mondiales de bauxite, d’or et de diamants. De plus, la Guinée est le château d’eau de l’Ouest africain : de ses montagnes jaillissent les fleuves Niger, Sénégal et Gambie. De l’uranium y a été découvert en 2007. Avec ces richesses, le potentiel de développement est important : la Guinée devrait donc être prospère. Au lieu de cela, Lansana Conté laisse donc un pays exsangue. La population de cette ancienne colonie française, qui a célébré ses cinquante ans d’indépendance, figure parmi les plus pauvres de la planète. 53 % des Guinéens vivent sous le seuil de pauvreté (moins d’un dollar par jour), près de 61 % n’ont pas accès aux soins de santé et 38 % à l’eau potable.
Seul aspect positif de cette longue présidence, le général Conté a su maintenir la paix dans son pays, alors que des guerres civiles ravageaient ses voisins.
Le samedi 27 décembre, Moussa Dadis Camara fait son premier discours public, en forme de réquisitoire. Il a été prononcé devant un millier de personnes représentant les partis politiques, syndicats, organisations de la société civile et confessions religieuses du grand pays ouest-africain. Cela serait-il déjà un signe et une preuve d’ouverture ? Traduirait-il une réelle volonté de pluralisme ? La suite des évènements nous le dira...
Camara démarre ainsi : « Je n’ai pas préparé de discours. On n’est plus à l’heure de la démagogie. Tout ce qu’on dit sans écrit vient du fond du cœur. » Puis le nouvel homme fort du pays de justifier encore la prise du pouvoir par son équipe. « J’ai pris le pouvoir, a-t-il dit, à cause de l’irresponsabilité et de l’incapacité notoire de l’Assemblée nationale et du gouvernement à gérer le pays. Ils ont préféré se mettre dans la logique de la guerre de succession. » Par contre, le capitaine Camara a rendu hommage aux leaders politiques pour leur combat. « Je lève mon béret pour vous », s’est-il exclamé en s’adressant aux hommes politiques, sans doute ceux de l’opposition.
Poursuivant ses propos, il a précisé que le programme du Conseil national pour la démocratie et le développement (CNDP) est tourné vers l’action. Il s’articule, entre autres, autour de la lutte contre l’insécurité et la tenue des élections libres, crédibles et transparentes en décembre 2010. Le capitaine a profité de l’occasion pour affirmer qu’il n’était pas assoiffé de pouvoir : « Sinon, on aurait pris le pouvoir depuis la grève de janvier 2007, ou à l’occasion des dernières mutineries, a-t-il expliqué. ». Par la suite, le président Camara a demandé aux leaders politiques et aux partenaires sociaux de faire des propositions de programmes de société. « Je vous confie cette tâche », a-t-il déclaré. Nous pouvons ici nous étonner qu’un homme qui devient chef d’un Etat n’ait pas, lui-même, de projet de société !
L’orateur va également rassurer les partis politiques et les partenaires sociaux en ces termes, « vous pouvez avoir des postes clés au futur gouvernement. » S’agissant de la question lancinante des législatives, le capitaine s’est voulu pragmatique. Il a demandé aux partis politiques, la société civile et les syndicats de se mettre au travail afin de déterminer la date desdites législatives. Il réaffirma aussi sa volonté de nommer un premier ministre civil. Et en effet, le 30 décembre 2008, dans un communiqué lu à la radio nationale, « Est nommé Premier ministre, chef du gouvernement, Kabiné Komara, précédemment à la Banque Africaine d’Import Export en Egypte », précise le texte. Les syndicats à l’origine des grandes manifestations hostiles au président Conté en janvier-février 2007 avaient déjà proposé Kabiné Komara au poste de Premier ministre. Mais le président Conté avait alors choisi Lansana Kouyaté. Kabiné Komara était donc jusque-là fonctionnaire international basé au Caire. Cette désignation civile indique un premier engagement de tenu de la part du nouveau pouvoir.
Parlant du défunt président Lansana Conté, le capitaine a estimé qu’il était bon au départ ; mais que lorsqu’il est tombé malade, son entourage en a profité pour s’enrichir. Camara s’en est pris aux « ministres qui ont pillé ce pays, qui ont fait des buildings, des comptes un peu partout... ». « Au moment où le président était fatigué, tous les gens qui l’ont entouré se sont remplis les poches », a-t-il accusé. Et, à ces mots, la foule de s’exclamer : « poursuivez-les ! ». En réponse, le président a dit toute sa détermination a juger et châtier, devant le peuple, tous ceux qui se rendront coupables de détournement de biens publics. Mais que penser ici du fait que les attaques de Camara ont, étonnamment, épargné l’ancien chef de l’Etat ? Il a même fait observer une minute de silence à sa mémoire. Un vrai démocrate rendrait-il hommage au dictateur qu’était Lansana Conté ? En même temps, un vrai démocrate ne prendrait pas le pouvoir par la force me direz-vous... Mais comment Camara peut-il ignorer toute responsabilité dans la corruption du pays au président Conté ? Ce dernier pouvait-il vraiment ne pas être au courant de ces agissements ? De plus, Camara dit que c’est seulement depuis que le président était malade, c’est-à-dire au début des années 2000, que son entourage en aurait profité pour voler les richesses de la nation. Pourtant, Conté était au pouvoir depuis 1984 et la situation du pays n’était pas meilleure avant sa maladie... Comment donc ne pas s’étonner que le nouveau chef de l’Etat guinéen ne condamne pas un président qui a laissé son pays exsangue ? Si Camara ne condamne pas Lansana Conté, il y a de quoi s’inquiéter sur ses futures politiques...
Des « bravo » ou des « merci » fusèrent du parterre de représentants de la société guinéenne lorsqu’il s’engageait à faire un « audit » des finances publiques ou à lutter contre les trafiquants de drogue. Puis le nouveau président a annoncé la renégociation des contrats miniers, fondamentaux pour le pays. Le chef de la junte a également évoqué la « révision des contrats » du Port autonome de Conakry par des experts et leur éventuelle « annulation ».
Au sortir de ce discours plein de bonnes intentions, des leaders politiques ont exprimé leurs sentiments. Le président du parti libéral Union des forces républicaines (UFR), Sidya Touré, a déclaré : « Je suis satisfait des propos du président, puisque c’est ce que nous avons toujours demandé ». Pour sa part, Mouctar Diallo des Nouvelles Forces Démocratiques (NFD), a déclaré : « Ses propos sont bien. Mais souhaitons qu’ils soient traduits dans les faits le plus tôt possible ». Quant à la secrétaire générale de la confédération nationale des travailleurs de Guinée (CNTG), Rabiatou Sera Diallo, figure de la résistance au régime de Conté, elle a souhaité « qu’ici aussi ceux qui ont détourné soient punis, que la lutte contre l’impunité soit une réalité en Guinée ainsi que la lutte contre la drogue, contre la corruption, tout ce qu’il a cité », ajoutant vouloir que « la montagne n’accouche pas d’une souris. Nous souhaitons qu’il fasse comme le capitaine Jerry Rawlings du Ghana », en référence à l’ancien président ghanéen (1981-2000) qui avait sacrifié l’unique fils de sa soeur parce qu’il avait détourné de l’argent !
Le changement à la tête de l’Etat est donc plutôt bien accueilli : à Conakry, quasiment tous les syndicats et partis d’opposition ont « pris acte de la prise effective du pouvoir par les militaires », sans la condamner.
Néanmoins, la légitimité de ce coup d’Etat est mise en cause en Guinée : l’ambassadeur de Guinée de l’Union Africaine, Cheick Amasou Camara, a souligné que le conseil militaire mis en place ne représentait pas la majorité de l’armée. « L’armée est divisée. Et il semble que les institutions fonctionnent en partie malgré leur suspension annoncée ». Il a néanmoins noté qu’« il existe un calme apparent au sein de la population, ce qui est salutaire ». Le président de l’Assemblée nationale de Guinée qui aurait dû assuré l’intérim, Aboubacar Somparé, a quant à lui exhorté mercredi la communauté internationale à tout faire pour empêcher le succès de la tentative de coup d’Etat.
En Afrique et dans le monde, le putsch militaire est loin de faire l’unanimité. La communauté internationale a condamné très fermement cette prise de pouvoir jugée « inconstitutionnelle ». En effet, le commissaire à la paix et à la sécurité de l’Union Africaine (UA), Ramtane Lamamra a rappelé que, « selon la constitution guinéenne, l’intérim après la vacance de pouvoir devait être assuré par le président de l’Assemblée nationale pendant 60 jours durant lesquels des élections démocratiques devaient être organisées pour élire un nouveau président ». « La Guinée a besoin d’une prise de position ferme de notre part en faveur du maintien de la légalité constitutionnelle », a-t-il précisé. L’UA a suspendu lundi 29 décembre la Guinée des activités de l’organisation continentale, et ce, jusqu’au « retour de l’ordre constitutionnel », a annoncé l’UA.
Même discours pour Ban Ki-moon, le secrétaire général des Nations unies. Il a pour sa part appelé, mardi, à une transition pacifique et démocratique en Guinée.
Le président français Nicolas Sarkozy a demandé jeudi 25 décembre, dans un communiqué, des « élections libres et transparentes » à « bref délai » en Guinée. « La France, qui a des liens profonds, amicaux et anciens avec la République de Guinée, est vivement préoccupée par la situation dans ce pays à la suite du blocage des institutions après le décès du Président Lansana Conté », affirme le chef de l’Etat. La France « exprime le voeu qu’une transition pacifique ordonnée et démocratique se mette en place en vue de permettre un retour rapide au fonctionnement normal des institutions, par des élections libres et transparentes qui devraient être organisées à bref délai et sous observation internationale », poursuit M. Sarkozy.
Mardi 30 décembre, les putschistes ont entamé une rencontre avec des représentants de la communauté internationale, notamment les ambassadeurs des pays du G8, représentants de l’ONU ainsi que du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale.
Suite à la promesse de la junte de tenir des élections en décembre 2010, soit à la fin du mandat du président Conté, la communauté internationale proteste car ce délai est jugé trop long. La France, les Etats-Unis et l’Union européenne ont évoqué un délai de six mois, l’opposition guinéenne d’un an.
Dans cette désapprobation et inquiétude d’une bonne partie du monde, une voix rompt et se démarque : celle du Sénégal. Le président Abdoulaye Wade avait appelé vendredi 26 décembre la communauté internationale à « soutenir » la junte. Il s’agissait du premier soutien exprimé officiellement aux putschistes par un dirigeant étranger. Cela lui a valu d’être critiqué par la presse de son pays : « Wade si près de la junte, si loin de l’Afrique », titrait mardi à la une le journal sénégalais Le Quotidien, selon lequel la « sanction » de l’UA envers les putschistes guinéens constitue aussi un « désaveu » du président sénégalais « qui a joué la carte hors-la-loi ».
Alors faut-il croire les discours plein de promesses du nouveau président ? En effet, pourquoi ce coup d’Etat serait-il différent des autres dans ses conséquences ?
Les putschistes ont voulu témoigner de leur bonne foi en garantissant la tenue d’élections présidentielles. Mais les autorités de ce pays se souviennent trop bien du coup d’Etat militaire de 1984, qui s’était soldé un règne marqué par des répressions sanglantes et des atteintes aux droits de l’Homme. De plus, l’Histoire est là pour nous rappeler des conséquences tragiques des coups d’Etat en Afrique.
Néanmoins, le dernier coup d’Etat est différent des autres dans son essence même : contrairement à la plupart des coups d’Etats africains, celui-ci a eu lieu après la mort du président en place, et non suite à une guerre civile entre deux camps. Ce fut donc un coup d’Etat sans violence et donc sans victime. Contrairement à 1984, un président par intérim n’a même pas eu le temps de s’installer, comme le voulait la constitution, puisque Moussa Dadis Camara fit son coup d’Etat dès le lendemain de la mort de Conté.
Dans l’histoire des coups d’Etat, beaucoup de futurs dictateurs avaient fait des promesses et dénoncé la corruption des gens qu’ils venaient de renverser, pour faire finalement la même chose une fois au pouvoir, ou en tout cas ne rien arranger !
Parmi les exemples malheureux de l’Histoire, nous pouvons en rappeler deux célèbres.
Tout d’abord celui d’Idi Amin Dada, président du Burundi (1971-1979). Son arrivée au pouvoir est, au départ, plutôt bien accueillie par la communauté internationale et par le peuple. Il est d’ailleurs paradoxal de constater qu’à plusieurs reprises ces différents coups d’État reçoivent un accueil bienveillant de la part des populations. Nous pouvons l’expliquer par l’espoir de changement et d’amélioration des conditions de vie que suscite chaque nouveau pouvoir. Malheureusement, ce sont des espoirs trop souvent déçus. Amin Dada promit aussi de tenir des élections dans quelques mois. Finalement, il a laissé dans l’Histoire l’image d’un dictateur fou, violent et sanguinaire.
Parlons aussi de Juvénal Habyarimana, président de la République du Rwanda de 1973 à 1994. De l’ethnie Hutu, Habyarimana soutenu par des officiers Hutu du nord du pays renverse en juillet 1973 le gouvernement civil de Grégoire Kayibanda et se proclame président. Il crée le Mouvement révolutionnaire national pour le développement (MRND), parti unique, en juillet 1975, et nomme, lui aussi, des ministres civils, tout en maintenant des militaires du nord aux postes clés. Toujours réélu, son régime aviva les tensions communautaires et fut critiqué pour ses mesures d’austérité et sa corruption. Son règne se termina sur les tristement célèbres vagues de massacres à l’encontre des Tutsi ainsi que des Hutu modérés (entre 500 000 et un million de morts) en 1994, qualifiées par l’Organisation des Nations unies de génocide.
Une nouvelle page se tourne dans l’histoire de la Guinée, souhaitons pour le peuple guinéen que ce nouveau coup d’Etat militaire puisse amener enfin la prospérité et le développement à ce pays. Si tel était le cas, le nouveau président auto-proclamé Moussa Dadis Camara rentrerait dans l’Histoire comme l’auteur d’un coup d’Etat qui aurait enfin tenu ses promesses et qui aurait fait d’un pouvoir illégitime une source de prospérité. Mais l’Histoire nous incite à la prudence ; de plus, lui aussi sera confronté à la crise économique mondiale…
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