Etats-Unis : réactions excessives face aux menaces terroristes
Les mesures extrêmes pour protéger les ambassades américaines d’une attaque terroriste laissent planer le doute sur les intentions réelles de l’administration Obama
Depuis le début du mois d’août, les Etats-Unis multiplient les mesures pour évacuer son personnel diplomatique et ses ressortissants du Yémen et d’autres ambassades au Moyen Orient et en Afrique pour cause de menaces terroristes sérieuses. Or, ces dispositions sont jugées exagérées voire même douteuses par plusieurs analystes et blogueurs compte tenu des menaces perpétuelles proférées par Al-Qaïda.
Les Etats-Unis et le Royaume Unis ont fait évacuer une dizaine d’employés de leur ambassade au Yémen mardi 7 août et ont exhorté ses ressortissants à quitter le pays invoquant une menace terroriste imminente et très sérieuse d’Al-Qaïda au Proche Orient (AQPA). Ces précautions font suite à la fermeture d’une vingtaine d’ambassades américaines au Moyen Orient, en Afrique et au Pakistan. Selon Michael McCaul, président de la Commission de la sécurité intérieure de la Chambre des représentants, il s’agirait « d’une des menaces les plus crédibles et les plus précises depuis le 11 septembre ». L’alerte internationale lancée par les Etats-Unis a été entendue par ses alliés occidentaux. Londres a fait évacuer le personnel de son ambassade à Sanaa et mis en état d’alerte sa marine marchande. La France et l’Allemagne ont fermé leur ambassade. Les Pays Bas et la Belgique ont quant à eux conseillé aux ressortissants de quitter le Yémen « au plus vite ». L’Italie a tenu à mettre en garde ses compatriotes du risque élevé d’enlèvements.
Ces initiatives ne sont pas étrangères aux éventuelles conséquences des attaques de drones américains dans l’Est de Sanaa ce même mardi 7 août. Quatre missiles ont en effet tué quatre membres présumés d’Al-Qaïda à bord d’un véhicule. D’après le ministère de la Défense yéménite, au moins l’un d’eux était fiché sur une liste de vingt cinq suspects qui « planifiaient des attaques terroristes durant les derniers jours du ramadan ».
Une ingérence occidentale inacceptable pour Al-Qaïda
L’interception de messages électroniques et postaux entre le numéro un d’Al-Qaïda, Ayman al-Zawahiri et le chef d’AQPA, Nasser al-Whaychi aurait poussé les Etats-Unis à lancer cette alerte à toutes les ambassades, selon le New York Times et CNN. Un regain des discussions entre des membres de l’organisation terroriste et des résidents américains telles que l’on n’en avait pas vu depuis les attentats du World Trade Center seraient aussi à l’origine de ces résolutions.
Interrogé par Le Monde le 6 août, Dominique Thomas, spécialiste des réseaux djihadistes à l’EHESS, a admis que la réaction des Etats-Unis était « exagérée » tout en affirmant que l’ingérence des américains dans la politique yéménite était insupportable pour Al-Qaïda. « Al-Qaïda a autant envie de frapper les Etats-Unis aujourd’hui qu’il y a deux mois, un an ou dix ans. Ce désir est décuplé par la politique de frappes de drones au Yémen depuis 2009 qui a décimé plus d’une vingtaine de chefs en trois ans ». Il ajoute que l’ingérence de Washington, comme des autres capitales occidentales, dans la politique yéménite et la présence militaire américaine dans le Sud du pays (la base aérienne d’Aden) est une raison pour l’organisation terroriste de fomenter des attentats. « Cela constitue une jurisprudence pour les Etats-Unis, qui ne veulent désormais plus prendre de risque » explique Dominique Thomas. Rappelons qu’en 2012 l’ambassade américaine de Benghazi a été attaquée, ainsi que celle de Sanaa en 2008 faisant plus de dix neuf morts.
Des mesures exagérées et douteuses
La thèse officielle est loin de faire l’unanimité chez tous les journalistes et blogueurs. En effet, certains ne gobent pas la version selon laquelle les Etats-Unis seraient vraiment menacés. Il s’agirait plutôt d’une tactique politique pour faire diversion après les scandales qui ont éclaboussé l’administration Obama.
Le magazine Le Point avance l’hypothèse de l’utilisation de la peur par Washington pour justifier ces actes. On ne peut pas passer à côté de la comparaison avec les manipulations de l’administration de Georges W. Bush en 2001 pour rentrer en guerre. Les Etats-Unis avaient plongé le monde dans la peur en prétextant que Saddam Hussein possédait des armes de destructions massives afin de légitimer la seconde Guerre du Golfe. Pour reprendre la citation du Point emprunté à Machiavel : « Maintenir les hommes dans la peur, c’est les maintenir sous un grand pouvoir ». Depuis les annonces américaines de risques d’attentats, il n’y a toujours pas eu de d’attaques. En revanche, un climat de peur s’est instauré aux Etats-Unis comme sur le vieux continent. Par ailleurs, ni François Hollande, ni Angela Merkel n’ont reçu une copie des communications entre les terroristes ou d’autres informations justifiant ces craintes.
Pour certains journalistes ces menaces tombent à pic pour faire diversion après le scandale des écoutes téléphoniques de la NSA tout en justifiant leurs utilisations. Républicains ou démocrates ne s’en cachent pas. Le sénateur républicain Lindsey Graham a déclaré sur CNN que le « programme de la NSA prouvait sa valeur une fois encore ».
Ces « manipulations » politiques donnent un nouvel élan aux adeptes de la théorie du complot, discréditant Barack Obama qui voulait se détacher de la politique de son prédécesseur. Réalité ou invention, la coïncidence n’en reste pas moins flagrante.
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