Faut-il toujours « supporter » les dictateurs ?
Il est de bon ton de critiquer les démocraties occidentales lorsqu’elles interviennent militairement dans un pays pour y terrasser un dictateur devenu insupportable. Les soupçons sur de possibles motivations d’ordre économique ou stratégique derrière l’action militaire inondent la toile, mais une certitude reste tapie jusque dans la conscience de celui qui s’emploie à critiquer. C’est que le dictateur déchu était indiscutablement un salaud et que pour rien au monde on aimerait vivre sous son règne. Il est devenu, au fil du temps, un véritable boulet pour son pays, une impasse politique pour son peuple et une obsession pour la communauté internationale.
![](http://www.agoravox.fr/local/cache-vignettes/L300xH197/Dictateur-Kim_Jong-un-d8853.png)
Une situation assez édifiante est en train de se dérouler autour de la Corée du Nord, une dictature insupportable qui tient la communauté internationale en haleine et dont la liquidation pourrait intervenir d’un moment à l’autre.
En effet, le dictateur nord-coréen ne finit plus de se déchaîner contre son voisin, la Corée du Sud et son allié américain. Depuis des mois, le jeune tyran (30 ans) appelle à la mobilisation générale, jure d’envahir la Corée du Sud et d’écraser Washington. La télévision nationale diffuse des vidéos de plus en plus agressives montrant des missiles qui s’abattent sur la Maison Blanche et des parachutistes sautant sur Séoul et s’emparant de la capitale sud-coréenne.
Ce n’est pas la première fois que Pyongyang se conduise de manière aussi extravagante. Cette « stratégie du fou », pour reprendre l’expression de Henry Kissinger, consiste, pour un dirigeant, à faire n’importe quoi pour montrer qu’il est dangereux et ainsi obliger la communauté internationale à adopter une attitude plus conciliante vis-à-vis du régime et mener des actions de solidarité avec le peuple subissant le régime du « dictateur fou ».
Ainsi, à maintes reprises, de l’aide alimentaire a été fournie par les organisations humanitaires aux populations nord-coréennes. Les ONG ont découvert un pays ruiné, un peuple exsangue mourant de famine pendant que le régime gaspille le peu de ressources dont il dispose pour poursuivre des programmes militaires complètement absurdes. Une situation qui dure depuis les soixante-cinq ans ans de la dictature communiste, la dernière du monde, et qui est destinée à durer si rien n’est entrepris.
Car le régime de Pyongyang est une combinaison mortifère de communisme, de dictature militaire et de dynastie, la dynastie des Kim. Aucun espoir de changement n’est permis, encore moins de démocratie. On a pu croire que quelque chose changerait avec la mort de Kim Jong-Il le 17 décembre 2011, mais le spectacle livré par la foule aux funérailles, a suffi à donner une idée de la suite des évènements.
En effet, tout un peuple fut « obligé de pleurer ». Les images de ces hommes, ces femmes et ses enfants, obligés de pleurer et de larmoyer sous la surveillance tyrannique des agents du régime, était au-delà de l’imaginable. Mais cela n’est rien face au calvaire des 300 mille travailleurs forcés[1] qui triment dans un mélange de Buchenwald et de camp du Goulag. Les funérailles étaient présidées par le jeune fils de l’illustre disparu et qui lui a, naturellement, succédé. Kim Jong-un. On en est donc là.
Comme son père Kim Jong-il et son arrière-père Kim Il-Sung, le jeune dirigeant Kim Jong-un, décrit comme instable[2], mène le pays de façon paranoïaque, obligeant Américains, Sud-Coréens, Japonais, voire l’ONU, à se mettre en alerte au gré de ses sautes d’humeur. Les Etats-Unis, pour la énième fois, sont obligés de redéployer des navires, des avions de combat et de relancer des manœuvres militaires dans la région augmentant le risque d’une étincelle qui risquerait déclenche un embrasement général, tout le monde étant maintenant sur les nerfs. Des provocations à répétition et des mobilisations en face, comme si le monde n’avait que ça à faire…
Le problème, c’est qu’on ne peut pas décider de ne rien faire. Car même si un grand nombre des provocations nord-coréennes ne sont pas suivies d’effet, il y a déjà eu des passages à l’acte extrêmement dramatiques. Rien qu'en 2010, Pyongyang a utilisé un mini-sous-marin pour couler le navire sud-coréen Cheonan et a bombardé l'île sud-coréenne de Yeonpyeong. Pour dire que toutes les provocations de Pyongyang ne sont pas à prendre à la légère parce que ce pays est non seulement déjà passé à l’acte, mais surtout dispose de capacités militaires bien réelles (plusieurs lancements réussis de missiles, et même d’un satellite) et pourrait à tout moment faire très mal.
Les Sud-Coréens appellent, à chaque fois, leurs autorités à réagir avec fermeté. Le nouveau Président, Madame Park Geun-Hye, a cette fois-ci promis de réagir fermement aux provocations de son difficile voisin du Nord. Une posture qui pourrait précipiter le déclenchement d’une nouvelle guerre de Corée. Bien entendu, les Etats-Unis et leurs alliés traditionnels s’impliqueraient ce qui mettrait définitivement fin à une dictature que peu de gens dans le monde s’empresseraient à regretter.
Il restera, bien entendu, d’autres dictateurs sur la planète et la question de leur liquidation, dans la foulée de celle de Pyongyang (si elle se produit) se posera naturellement. Car avant d’être un problème pour la communauté internationale, un dictateur est, avant tout, un problème pour son peuple. Ce dernier n’a que les miettes des droits que tolère le dictateur. Ainsi, en Irak de Saddam Hussein, on pouvait manger et étudier, mais ne jamais critiquer le pouvoir. En Libye, on mangeait et on gagnait de l’argent, mais le premier qui contestait le Guide avait son billet pour l’au-delà. En Corée du Nord, on a juste le droit de « parader » à la gloire du « dieu » Président. En Syrie, on n’ose pas imaginer le sort des gens si jamais Al-Assad parvenait à reprend le contrôle du pays. Il faudrait se suicider ou s’exiler à vie. Mais il y a pire.
En Afrique, les dictateurs font massacrer des populations par milliers, provoquent des guerres de pillage , tirent sur des manifestants à mains nues, font violer les femmes en masse et assurent l’impunité aux exécutants.
Le premier qui lève son petit doigt passe à la trappe. Etrangers comme nationaux. Ainsi Kadhafi pouvait emprisonner des infirmières bulgares et venir planter sa toile au cœur de la Patrie des droits de l’Homme.
Prenant le pouvoir en marchant sur les corps de leurs prédécesseurs, les dictateurs se consacrent, par-dessus tout, à l’élimination systématique de leurs opposants, des opposants potentiels, voire d’une partie de la population juste considérée comme « hostile ». Le pays se vide de toute voix autre que celle du tyran au pouvoir. Le seul salut consiste à l’exil à vie ou la soumission aux violations quotidiennes des droits de l’Homme (meurtres, enlèvements, arrestations et détentions arbitraire, spoliation,…). Une fois cette phase réussie, les dictateurs deviennent arrogants, mégalomanes et dangereux au-delà de leurs seuls peuples.
Comment donc « supporter » le règne des personnages se conduisant de la sorte ? Quant aux modalités de leur éviction, par les armées des grandes puissances, c’est un autre débat. Mais on peut se contenter de dire « bon débarras !... »
Boniface MUSAVULI
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