Faut-il vraiment accorder l’indépendance au Kosovo ?
Depuis quelques semaines, le Kosovo refait surface. L’intervention de Matti Ahtisaari et le dernier sommet du G8 ont remis la province serbe au coeur de l’actualité. L’indépendance du Kosovo semble la solution la plus simple, il n’en est rien. On devrait se souvenir de cette phrase de Montesquieu : « A chaque question complexe, il existe une réponse simple, et ce n’est pas la bonne ! »
La réunification de l’Allemagne en
1990 avait été saluée par tous comme un succès, une injustice enfin réparée et
la fin d’un anachronisme dû à l’Histoire. De nos jours, la presse et
certains diplomates et intellectuels veulent nous faire comprendre que le
Kosovo doit inéluctablement se séparer de
Les Albanais et
les Kosovars, par contre, sont deux peuples albanophones n’ayant pas de désir
unanime de réunification, même s’il existe des groupes de militants y songeant,
le plus souvent instrumentalisés par des fondamentalistes. La Grande Albanie
n’a guère existé que du temps de Mussolini, durant la brève occupation du pays
de 1941 à 1944. La proximité de culture et de langue aurait pu pousser à une
réunification, lors du démantèlement de la Yougoslavie à partir de 1991, il
n’en fut rien ! On est loin de l’élan slovène qui a abouti à
l’indépendance sans quasiment un seul coup de feu ! La majorité des Kosovars
n’a pas véritablement envie de se retrouver sous la tutelle de Tirana. Il
existe bien des liens commerciaux, des liens mafieux et culturels, mais il ne
semble pas que les partisans de
Concernant le Kosovo, on pourrait, toute proportion
gardée, faire le parallèle avec l’Alsace-Lorraine, et ce pour deux raisons
majeures.
D’une part, les Alsaciens et les Lorrains (Mosellans)
sont en majorité issus de populations d’origine germanique, il suffit d’ouvrir
un annuaire téléphonique pour s’en convaincre à la lecture des patronymes. Cela
ne veut dire pour le moins du monde qu’ils se considèrent pour autant comme
allemands ou même qu’ils se soient considérés comme tels durant les dernières
occupations depuis 1870. Les collaborateurs furent très minoritaires et,
que je sache, il n’y a pas d’Alsaciens ou de Lorrains qui aient demandé la
nationalité allemande à
D’autre part, le Kosovo est le berceau du peuple et
de la civilisation serbes ; on comprend donc que
L’idéal, bien sûr, serait de refonder l’ancienne
Yougoslavie et de lui donner une véritable constitution et des institutions
démocratiques permettant la diversité religieuse, ethnique et linguistique dans
le pays. Je pense, hélas, que cela n’est plus possible de nos jours. Cette
hypothèse aurait pourtant permis d’éviter la crise latente qui risque d’éclater
en Bosnie, si le Kosovo devient indépendant.
En dehors de
l’ex-Yougoslavie, les minorités fourmillent de l’Atlantique à l’Oural. Basques,
Catalans et Corses à l’Ouest arriveront probablement sous peu à une autonomie
encore plus grande que celle dont ils jouissent à ce jour sans tomber dans la
guerre civile ou le séparatisme. Par contre je doute que les minorités
hongroises de Slovaquie ou de Roumanie arrivent à l’indépendance et encore
moins au rattachement à
Mais en dehors
de considérations géostratégiques non débarrassées d’arrière-pensés
nationalistes, il faut aussi compter avec la position des Serbes. Diabolisés
depuis le début du conflit, ils ont servi et servent encore de boucs émissaires
dans une guerre où personne n’a eu le beau rôle. Ils sont les méchants d’un
film américain où le manichéisme n’a d’égal que le simplisme. On a vite oublié
les premiers pogroms antiserbes des années 1980 à 1990 au Kosovo. Certains
nationalistes croates ont repris la vieillie tradition oustachi d’Ante Pavelic
qui consistait à arracher les yeux à la cuillère à café dès le début de la
guerre en Krajina. On a trop vite oublié ces proxénètes albanophones,
profitant du conflit pour obtenir le statut de réfugiés politiques en Europe occidentale et faisant fructifier leur coupable industrie de Paris à Berlin en
passant par Milan et Zurich. Tudjman en Croatie, Izetbegovic en Bosnie ont
aussi leur part de responsabilité dans la guerre et ne sont pas les saints
qu’on a voulu nous monter, luttant contre Milosevic. Mais l’hystérie antiserbe
alimentée par Bernard -Henri Lévy, ses pitoyables voyages col de chemise ouvert
sur son torse étroit dans les rues de Sarajevo ainsi que son film Bosna,
hymne à sa propre gloire, ont participé à la désinformation. On est habitué au
personnage, il nous a réécrit le même scénario avec Daniel Pearl (ou comment
rendre antipathique une véritable victime du fanatisme et de l’obscurantisme,
uniquement en en parlant). L’apologie de soi n’a jamais été preuve de
journalisme de qualité, voire de témoignage.
Le monde médiatique a trop diabolisé les Serbes, en
faisant d’eux les uniques criminels de la guerre civile. Le tribunal
international essaie de rétablir l’équilibre en traduisant quelques Bosniaques
et Croates, mais a minima. D’ailleurs, Gluksman et Fienkelkraut partagent avec
BHL cette vue tronquée du conflit et de l’Histoire, bien que défenseurs d’Israël. La télévision
qui façonne l’opinion publique a besoin d’expliquer en termes simples et de ce
fait ne peut se permettre les détails contradictoires, le Darfour en est la
preuve criante.
Le même BHL, d’ailleurs, participe à la désinformation. Un conflit très complexe est présenté comme un massacre de bons Noirs par de mauvais Arabes, de plus fondamentalistes. Très peu de journalistes en expliquent la trame profonde. On se dirige vers le même type d’interprétation erronée et de désignation de coupables caricaturaux. Et cela, toujours sans nuance, à la manière des séries américaines en noir et blanc dans lesquelles on identifiait les bons des méchants à la couleur de leurs foulards. A ce niveau, on n’a pas beaucoup progressé depuis les années 50 !
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