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Fistules génitales : 3 millions de femmes en détresse

Aujourd’hui en Afrique, dans certains états d’Asie du Sud et au Moyen-Orient, environ trois millions de femmes sont touchées par un traumatisme qui les condamne à passer leur vie seules, exclues de la société. Pourtant, cette infirmité qu’elles pensent définitive est curable. Voici une cause sur laquelle on communique peu. Entendez-vous souvent parler de fistules génitales ? Sans hésiter, la réponse est non.
La fistule génitale est une ouverture anormale entre, d’une part, le vagin et, d’autre part, la vessie ou le rectum, parfois les deux. La conséquence de cet orifice est l’écoulement par le vagin, sans aucun contrôle, d’urine et de matières fécales. Pour les femmes concernées, les conséquences de cette incontinence sont nombreuses et tragiques : abandon du mari et de la famille, exclusion de la société, impossibilité de travailler. La plupart de ces femmes, pensant qu’il n’existe pas de remède à ce mal finissent par se laisser mourir.

LES CAUSES DES FISTULES GENITALES
Une fistule génitale de nature obstétricale peut survenir suite à un accouchement excessivement prolongé, lorsqu’une césarienne serait nécessaire et n’est pas pratiquée, faute de personnel qualifié ou de matériel. L’enfant reste alors coincé plusieurs jours (parfois jusqu’à 7 jours) dans le bassin de la mère et finit par mourir. La pression exercée par l’enfant finit par empêcher toute circulation sanguine dans cette partie du corps de la mère. Résultat, une nécrose des tissus apparaît et une brèche plus ou moins étendue se crée entre le vagin et la vessie et/ou le rectum. Il s’agit de la complication la plus fréquente lors d’un accouchement dans les pays pauvres ou en voie de développement.
La fistule génitale peut également être qualifiée de traumatique. C’est le cas lors de violences sexuelles aggravées. Un viol à coup de couteaux, de fusil ou de bâtons introduits violemment dans le vagin a pour conséquence de créer des fistules. Ces pratiques sont tragiquement courantes dans les pays en guerre.
De manière plus marginale, certaines mutilations génitales féminines peuvent provoquer une fistule, comme l’incision gishiri, pratiquée dans le nord du Nigéria et responsable de 15% des cas de fistules dans ce pays. Cette intervention est pratiquée lors de l’accouchement lorsque l’enfant à du mal à sortir. On procède alors à une série d’incisions au hasard dans le vagin, pensant que cela permettra l’expulsion du bébé.
 
LES FISTULES OBSTETRICALES
Les fistules obstétricales sont favorisées par la malnutrition et le jeune âge de la future maman. Son bassin n’est pas suffisamment développé et ne permet pas le passage du nouveau-né. L’accouchement requiert alors une césarienne, mais cette intervention n’étant pas toujours possible dans les pays pauvres ou en voie de développement, le bébé reste bloqué plusieurs jours dans le bassin de sa mère et meurt.
Par la suite, cette dernière va vivre non seulement avec le traumatisme de cet accouchement mais va en plus découvrir qu’à présent, elle est incontinente. Vivant en général dans une région pauvre et reculée, n’ayant reçu aucune information sur ce handicap, la jeune femme pense qu’il n’existe aucun remède. Son mari et sa famille n’étant pas plus informés, l’abandonnent, répugnés par les odeurs qu’elle dégage constamment.
 
LA FISTULE GENITALE TRAUMATIQUE
Bien que la plupart des cas de fistules soit d’origine obstétricale, d’autres cas se produisent lors de violences sexuelles. Les viols avec violence aggravée sont malheureusement des pratiques courantes dans certains pays, notamment les pays en conflit où le viol est utilisé comme arme de guerre.
Le pays le plus connu pour ces atrocités est la République Démocratique du Congo. En 2003, des milliers de femmes en RDC ont demandé un traitement contre la « fistule traumatique » causée par les viols collectifs systématiques qui eurent lieu dans le pays. Il y eut tant de plaintes que la destruction du vagin est à présent considérée comme une blessure de guerre et les médecins la classent parmi les crimes de guerre.
 
LE TRAITEMENT DES FISTULES
Une opération chirurgicale peut réparer la lésion et les taux de succès atteignent 90 % pour les cas simples (pour les cas complexes, ceux où il reste peu de tissu à réparer, les taux de réussite sont d’environ 60 %). Le traitement de la fistule, comprenant l’intervention chirurgicale, les soins postopératoires et la rééducation, coûte 300 dollars. Un prix largement inaccessible pour la plupart des femmes atteintes de fistule génitale. Par ailleurs, les hôpitaux traitant les fistules sont souvent très éloignés des villages où vivent ces femmes et elles ne disposent d’aucun moyen de transport pour s’y rendre.
Depuis 2003, dans plus de 45 pays d’Afrique, d’Asie et du Moyen-Orient, 12 000 femmes seulement ont été soignées.
Non traitée, la fistule peut causer de nombreux ulcères et infections, des maladies rénales, voire la mort. Certaines femmes boivent le moins possible pour éviter les fuites d’urine et finissent par être déshydratées. D’autres sont incapables de marcher à cause des séquelles nerveuses au niveau de leurs jambes.
La semaine dernière, le gouvernement du Sénégal et la CEDEAO (Communauté Economique des Etats d’Afrique de l’Ouest) ont mis en place un partenariat afin de prendre en charge les soins nécessaires pour les femmes victimes de fistules. Cette mesure permet de redonner espoir à celles qui souffrent de fistules, mais la véritable solution se trouve, bien entendu, dans la prévention. 
 
COMMENT PREVENIR LES FISTULES OBSTETRICALES ?
Une des causes du grand nombre de complications liées à l’accouchement dans les pays pauvres et en voie de développement est le jeune âge des futures mères. Souvent mariées avant l’âge de 15 ans, les jeunes filles tombent enceintes à la puberté, à un âge où leur corps n’est pas encore prêt à subir une grossesse et un accouchement. Retarder l’âge du mariage et, par conséquent, l’âge de la première grossesse permet de réduire les risques lors de l’accouchement.
L’amélioration de l’accès aux soins obstétricaux est essentielle pour réduire les cas de fistules. Informer les femmes des pays concernés sur des sujets tels que les grossesses précoces, la planification des grossesses, l’éducation des filles est également une démarche importante.
Ces mesures font partie de la stratégie globale de l’UNFPA (Fond des Nations Unies pour les Populations) pour réduire les risques liés à la maternité.
La fistule obstétricale a longtemps existé en Europe et en Amérique du Nord. Heureusement pour nous, il y a plus de 100 ans qu’elle a disparu de nos contrées grâce à l’amélioration des soins obstétriques. Nous pouvons aider les pays encore touché par ce fléau à l’éradiquer et faire en sorte que chaque femme qui tombe enceinte ne risque pas de vivre ce cauchemar.
 
Photo : Picasa Larry’s galery

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5 réactions à cet article    


  • easy easy 9 octobre 2010 13:02

    Ca provoque, chez un garçon comme moi, un complexe, une honte, une gêne. Vous comprenez pourquoi les amis.

    J’ai donc tendance à chercher prétexte pour botter ce problème en touche. Genre « Yen a marre des chiffre mis là pour impressionner, comme si le mal d’une seule personne ne suffisait pas à éveiller la compassion, la pitié, la honte de soi, la culpabilité, faut en rajouter par l’effet de masse »


    Mais non, faut s’accrocher au chambranle de mon home sweet home et prendre ça en pleine poire comme dirait l’aut’.
    Samedi gâché, même le soleil a l’air gris.

    Oui les amis, il y en a des misères de par le monde et notre mère a risqué très gros pour nous mettre au monde. Et notre père aussi a risqué gros car il pouvait perdre sa bien aimée dans cette affaire.

    Voyez-vous, les misères faites aux femmes ou naturellement vécues par elles, même dans un contexte de tendresse, sont telles que j’ai souvent l’impression que nous les garçons, nous avons inventé un dérivatif, disons comme une plus grosse question, j’ai nommé la métaphysique, dieu patin couffin.

    Quand une femme meurt (ou se ruine la santé) en accouchant, que vient-elle de faire sinon le geste le plus sublime qui soit. On frôle le mourir pour donner vie.
    Comment veux-tu que face à ce sublime, nous les garçons, nous n’en venions pas à dénier cette hauteur et à een inventer une autre qualifiée de divine.


    Nous ne pouvons être que des ingrats par rapport à nos mères. Nous ne pouvons plus que mentir et nous mentir.
    Ce qui est fou, c’est que nos bidules parviennent à séduire des femmes. Certaines hystérisent même sur nos temples, alors que le sublime est déjà, naturellement en elles. C’est fou ce qu’elles nous aiment, nous, les misérables et très petits garçons. 


    Bon à part ça les amis, c’est une certitude, la vie est difficultés, périls et handicaps. Elle est donc souffrance. Bon ça c’est pour les bestioles seules. Pour nous les êtres humains, elle est de surcroît angoissante et injuste. 


    Si un animal peut éventuellement ressentir un sentiment d’injustice à son égard, il ne semble pas en ressentir envers un autre.


    Mais pour les humains, paradoxalement,étonnamment, le sentiment d’injustice sur mécanisme d’empathie est indispensable. 

     



    • Louise Louise 9 octobre 2010 19:45

      Bien sûr, un bon article, puisqu’il reflète une réalité. Il y a quand même eu 2 énergumènes pour dire « non » !...

      Merci Easy, ce que vous avez dit est très beau. En tant que femme et mère, j’apprécie beaucoup !

      C’est vrai que donner la vie est une grande joie et fait oublier certaines souffrances... quand elles sont passagères. Mais pour ces femmes dont parle l’auteur, non soignées, c’est un vrai calvaire.
      Et c’est pire encore quand l’origine est un viol !
      Et comme toujours, la difficulté, c’est la pauvreté, et l’indifférence des riches... et la guerre !


      • pigripi pigripi 9 octobre 2010 19:51

        Je ne connaissais pas cette pathologie, preuve s’il en fallait de la fragilité de la « nature » des femmes, de leurs organes sexuels et reproductifs.

        Le vagin et ses annexes sont délicats, la membrane qui le sépare du rectum est fine, qualité qui peut participer du plaisir sexuel mais qui la rend fragile.

        Les grossesses, processus naturel, ne sont pas sans risques si elles ne sont pas correctement suivies et ménagées.

        L’accouchement naturel peut entrainer des déchirures de la vulve et c’est pourquoi on pratique souvent des episiotomies pour élargir artificiellement l’origice de sortie du bébé. Mal recousues elles entrainent des douleurs qui rendent difficiles la position assise et les rapports sexuels.

        Les grossesses à répétition fragilisent le périnée et l’urêtre et entrainent des incontinences urinaires. Les descentes d’organes sont fréquentes.

        Certaines grossesses sont extrautérines et provoquent de gros dégats gynécologiques et, la mort du foetus.

        L’accouchement, sans anesthésie péridurale est douloureux.

        Oui, le vagin n’est pas un trou, l’utérus n’est pas une cruche et la nature n’a pas fait si bien les choses pour les femmes.

        Quand les hommes s’associent à la nature pour blesser, meurtrir, maltraiter et mutiler les femmes, les conséquences sont dramatiques.

        Les femmes sont des êtres physiquement délicats qui méritent attention, douceur, délicatesse et respect.


        • VenusNewz flammesdumonde 9 octobre 2010 21:05

          Bonjour à tous et merci pour vos messages.

          @ Cassino : le chiffre de 3 millions est une estimation car tous les cas de fistules ne sont pas connus. Il vient d’une étude réalisée par le Département de gynécologie obstétrique de l’Université de médecine de Washington : http://www.fistulacare.org/pages/pdf/Partners/Virtual-Resource-Center/JournalNews/Overview/Wall.pdf
          Cette même étude estime qu’il y a chaque année entre 30 000 et 130 000 nouveaux cas de fistules.


          • Rémi Manso Manso 10 octobre 2010 09:43

            Pour lutter, de façon préventive, contre ce traumatisme, il est clair que les ONG et les responsables des pays concernés doivent se mobiliser contre les « quatre trop » : grossesses trop précoces, trop rapprochées, trop fréquentes ou trop tardives.

            Le Fonds des Nations Unies pour la Population (UNFPA), cité dans cet article, est l’organisme le plus en pointe sur ce sujet. Signalons d’ailleurs qu’une pétition destinée à soutenir son action a été lancée sur le net et qu’elle a déjà recueilli 2.485 signatures à ce jour. Cette initiative citoyenne est consultable ici : Pétition en faveur de la gratuité de la contraception dans le monde.

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