Francophonie- Comment Pierre Buyoya a forgé une nouvelle société burundaise
Qui est vraiment le candidat à la tête de la Francophonie ? Dans son pays, Pierre Buyoya a eu la sagesse de refuser de perpétuer une histoire écrite dans des lettres de sang : Celle d’une minorité qui s’accroche au pouvoir pour sa survie. Mais aussi, il a eu le mérite de convaincre la majorité ethnique que le seul moyen de vivre en paix est de partager le pouvoir. Portrait, avec Edgar C. Mbanza (journaliste, chercheur, Rhizomedia.fr).

Quand il arrive au pouvoir en 1987, Pierre Buyoya va mettre en place un gouvernement dit « d’unité », avec un premier ministre issu de l’ethnie hutu. Un gouvernement où se retrouvent à égalité les deux ethnies est nommé. Du jamais vu au Burundi. Chez les Tutsi, « son » camp (mais cet homme a-t-il camp ?), c’est la stupeur, puis la colère. « Pierre Buyoya, est un traître », écrivent ouvertement des journaux radicaux.
En effet, après les pogroms rwandais des années 59-60 et l’exil ou la discrimination des Tutsi rwandais, au Burundi, les esprits sont marqués. Pour la minorité tutsi, contrôler l’armée, le pouvoir, est une question de vie ou de mort. De nombreux Burundais, sont enfermés dans cette logique suicidaire. Pierre Buyoya est incompris, vilipendé. Mais, visionnaire, imperturbable, il met sur le tapis toutes questions. Une Commission chargée d’étudier la question de l’unité est mise en place et aboutit à une « charte de l’unité » qui va désormais guider les Burundais dans leur quête de la démocratie.
Dès 1992, Pierre Buyoya va ouvrir le pays au pluralisme. Il est battu aux élections de 1993 et, avec élégance, il s’efface. Malheureusement, cet élan démocratique est freiné par un putsch opéré par quelques éléments de l’armée. Le Burundi s’enflamme. Les vieux démons vont resurgir. Le monde entier craint le pire pour le pays.
En juillet 1996, il prend le pouvoir dans ce qu’il a appelé « une action de sauvetage pour arrêter l’engrenage infernal ». Très rapidement, il engage des négociations avec la rébellion armée (Sur la photo : Pierre Buyoya s'entretient avec un journaliste d'une télévision camerounaise. Crédit : Pierrebuyoya.fr).
Devancer l’histoire.
L’enjeu est de taille : il s’agit de convaincre d’abord l’armée, jusque-là dominée par la minorité tutsi, d’accepter en son sein des éléments de la rébellion hutu. Pierre Buyoya joue gros. Dans son livre*, il témoigne d’une rencontre tendue avec les grands officiers de l’armée réticents : « Je me souviens que j’ai dû recourir à des images fortes. Ainsi, à propos de l’intégration, je disais qu’il fallait l’accepter parce que refuser comme les militaires rwandais de Habyalimana l’avaient fait c’était s’exposer à la désintégration non seulement de l’armée, mais aussi de tout le pays. » Il va alors sillonner le pays pour partager sa vision, convaincre. Devancer l’histoire.
Il initiera alors de longues négociations inter burundaises sous l’égide de la Communauté italienne de San Egidio d’abord, du Tanzanien Julius Nyerere ensuite et, enfin, une signature arrachée sous la férule de feu Mandela. Aujourd’hui, les accords d’Arusha constituent un socle pour les Burundais.
Pierre Buyoya a eu la sagesse de refuser de perpétuer une histoire écrite dans des lettres de sang : Celle d’une minorité qui s’accroche au pouvoir pour sa survie. Mais aussi, il a eu le mérite de convaincre la majorité ethnique que le seul moyen de vivre en paix est de partager le pouvoir.
Il a posé les jalons d’une nouvelle société burundaise. Dans son livre il écrit : « Les Burundais sont allés Arusha non pas seulement pour négocier la fin de la violence, mais aussi pour négocier l’émergence d’une nouvelle société. » Depuis ces négociations initiées par Pierre Buyoya, Un mot est passé dans tous les discours politiques : « ibiganiro. » Cela signifie en langue nationale, « le dialogue. » Le Burundi, écrit une nouvelle histoire.
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