Gaza : halte à la manipulation médiatique !
Ça commence comme d’habitude, par une dépêche d’agence reprise brut de décoffrage par un site d’infos, en l’occurrence Yahoo News. La dépêche originale est datée du 24 juin et présente comme heure de diffusion 6 h 44. Mardi matin, nous apprend cette dépêche, une opération armée déclenchée par Tsahal dans un centre universitaire de Nabus, près de Naplouse a tué deux Palestiniens. L’un d’entre eux, Tarek Juma, je cite, "préparait un attentat sur Israël" et aurait été tué lors d’un échange de tirs avec les soldats israéliens. Tsahal indique avoir découvert des explosifs sans sa chambre. Selon des voisins, l’un des deux serait mort à la suite d’une explosion : effectivement, un reportage télévisé montre une chambre d’étudiant ravagée par des éclats divers, comme si une grenade y avait été lancée. En remontant les dépêches, on s’aperçoit que les deux tués sont Yad Khanfar, 24 ans, et Tareq Abu Ghali, 23 ans, étudiants à l’université Al-Najah et qu’ils ont été tués par une "unité spéciale" de Tsahal. Entendez par là les forces du Yamam, celles qui avaient tué Abbedullah Qawasameh à Hébron le 23 juin 2003. Sa spécialité : se déguiser en Palestinien.... Selon certaines sources, le second est mort simplement pour avoir ouvert sa porte durant l’assaut des Israéliens, le second étant salué comme un "commandant" de la rive Ouest du Jihad islamique.
Un rapport d’Amnesty chiffre en 2004 à 200 le nombre d’exécutions sommaires de dirigeants palestiniens ciblés. Les leçons de Yair Klein ont été bien retenues par son successeur Israel Ziv. En 2002, l’homme visé est Salah Shehadeh, le dirigeant militaire du Hamas. Il sera effectivement tué par un bombardement de F-16... ainsi que quinze autres personnes, des civils, dont... neuf enfants. Le mouvement "La Paix maintenant", des Israéliens écœurés par leurs dirigeants de droite, dont on ne peut que saluer ici l’action au sein même du pays, commence à ce moment-là à trouver que ces cibles ne sont pas faites pour faire avancer la paix, bien au contraire : "Aussi n’avons-nous d’autre choix que de nous interroger sur le bien-fondé du feu vert donné par le Premier ministre et le ministre de la Défense à un assassinat dont les conditions d’exécution et le contexte politique allaient inévitablement réduire à néant ces tentatives de paix et les espoirs qui les accompagnaient", dit alors un de leurs communiqués. Pour Sharon, c’est "l’une de nos grandes réussites". L’homme de Chatila est bien resté le même depuis. Ce ne sont pas quelques enfants morts qui vont l’arrêter d’entraîner son pays dans une spirale de violences sans fin.
Car ces assassinats, le plus souvent, sous prétexte de se débarrasser de terroristes dangereux, interviennent toujours au moment où l’on parle d’avancée de... paix. Recta : dès qu’on évoque le mot en Israël, la branche des faucons gouvernementaux sabote l’initiative par une exécution sommaire ou deux. "La Paix maintenant" là-dessus est très clair : "La vérité est qu’Israël joue avec le feu depuis longtemps déjà. Il semble que quelque chose d’essentiel ait dérapé dans l’esprit des décisionnaires. Sous la pression des horribles attentats terroristes menés contre des citoyens israéliens et de l’urgente nécessité d’en prévenir d’autres, une sorte d’indifférence léthargique s’est instaurée face à l’éventualité de faire des victimes palestiniennes. La décision de larguer une bombe à forte capacité sur un quartier résidentiel était la conséquence logique d’évolutions antérieures. Cela n’a fait, cette fois, que tourner beaucoup plus mal." Bref, ce que les dirigeants israéliens recherchent, disent... des Israéliens, c’est que ça va plus mal... amer constat. Un pays qui parle constamment de sa propre paix, fabrique et entretient une guerre qu’il dénonce. L’Etat hébreu est à lui seul un paradoxe insondable.
Le 16 février 2008, l’aviation israélienne remet ça : un autre chef du Jihad islamique, Ayman al-Fayed, 42 ans, un des chefs des Brigades Al-Qods est tué, avec 6 autres personnes et 50 blessés au total. Un bombardement au beau milieu du camp de réfugiés d’El-Boureij, au sud de la ville de Gaza. La majorité des victimes sont des femmes et des enfants. La veille, effectivement, des accords étaient en vue sur la levée du blocus de Gaza ou de son allégement... le 25 janvier, le Hamas avait bien tenté de briser ce blocus en abattant des barrières... peine perdue, le blocus court toujours et nous sommes fin juin. Des ONG le condamne, mais rien n’y fait... jusqu’à l’espoir d’une trêve, enfin, d’arriver, malgré les parents du soldat Shalit, prêts à laisser mourir de faim des enfants pour récupérer le leur. Autre paradoxe fondamental propre à un état d’esprit fort particulier : un Israélien compte toujours plus, lui seul, que plusieurs Palestiniens. Dans les échanges de prisonniers, c’est toujours confirmé. Une prééminence individuelle étrange a toujours cours, qui puise ses racines dans un fondement religieux qui fausse toute relation humaine. Le massacre du 25 janvier, condamné par l’ensemble de la communauté mondiale, n’est qu’un avatar de plus dans la spirale infernale engagée depuis 2004. Israël tue, sans trop de discernement pour des actions dites "ciblées", car ce qui compte, en définitive, ce n’est plus de se débarrasser d’activistes, mais d’en fabriquer d’autres. Une fois la trêve en cours, en effet, quelle est la meilleure façon de la saborder ? Des roquettes Kassam, bien entendu. Et quel est le meilleur moyen de s’en faire envoyer ? Je vois que vous commencez à comprendre.Mais cette fois, côté israélien, on va faire mieux encore. Le lendemain du jour où je vous parle... plus une seule trace de l’assassinat ciblé de la veille, qui, logiquement, rompt la trêve si fragile en premier. Dans la journée, les Palestiniens qui criaient "vengeance", pour leur frère d’armes abattu, ont effectivement lancé un obus et trois roquettes de représailles. La presse, le lendemain, va effacer les deux premiers assassinats pour ne retenir que l’action de représailles. Incroyable retournement de valeurs, incommensurable manipulation de l’opinion. La veille, on se trouve avec des Israéliens ayant rompu sciemment la trêve, le lendemain avec des... Palestiniens. Les agences sont bombardées de fax à chaque lancement de roquettes : il suffira de trois et d’un obus pour obtenir ce qu’on souhaitait au départ : le retournement attendu de l’opinion. Le lendemain en effet, pour la presse, ceux qui sont responsables d’avoir rompu la trêve ne sont plus Israéliens. Mais bien Palestiniens.
Et quand bien même Olmert démissionnerait, ce serait un ancien agent du Mossad comme remplaçant : Tzipi Livni, future première ministre annoncée, qui devrait encore moins prendre de gants pour continuer les assassinats, le meilleur moyen de provoquer un profond ressentiment chez les jeunes, une vraie machine à fabriquer des kamikazes. "Elle était notamment en poste en France en 1980, lorsqu’un scientifique égyptien spécialisé dans le nucléaire et travaillant pour Saddam Hussein a été assassiné dans la chambre de son hôtel parisien par le Mossad", dit d’elle Bakchich le talentueux. D’assassinats en assassinats, en Israël, on devient responsable du pays : beaucoup de dirigeants du pays ont été appelés terroristes eux aussi avant l’indépendance. Peut-être pas le bon moyen pour y défendre et promouvoir la paix... en tout cas, aujourd’hui, on peut parler de manipulation de l’opinion au sujet d’Israël : si l’on en croit la presse, ceux qui ont rompu la trêve si fragile, ce sont les gens du djihad islamique, seuls. C’est faux : il y a antériorité manifeste de la rupture de cette trêve, et son responsable, ou plutôt son irresponsable, encore une fois, c’est bien au départ Israël et sa politique d’assassinats ! L’opinion, encore une fois a été manipulée, et les faits s’étant produits lors d’une visite de chef d’Etat français ayant manifesté un soutien inconditionnel à l’Etat hébreu, il n’est pas étonnant d’avoir ces titres effarants envahir la presse française. Nicolas Sarkozy a tout simplement oublié de condamner la pratique des assassinats ciblés, qui, tant qu’ils dureront, ne permettront jamais le moindre espoir de paix dans la région.
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