Gaza : Israël fait le jeu des extrémistes
Une force de la propagande militaire israélienne est de faire croire que depuis le retrait unilatéral d’Israël de la bande de Gaza, ce territoire serait une entité autonome ; entité contrôlée d’une main de fer par le Hamas depuis sa prise de pouvoir du territoire en 2007. Il n’en est rien.
La bande de Gaza est une portion assiégée des terres d’un peuple en majeure partie sous occupation militaire. Ainsi, 60% du territoire palestinien (Gaza + Cisjordanie) est sous administration militaire Israélienne (Zone C), 82% du territoire est sous la juridiction de la police militaire israélienne (Zone C + Zone B). Si on s’en tient à Gaza, la totalité de l’espace aérien et la majeure partie de l’espace maritime sont sous contrôle militaire israélien. Quant à l’espace terrestre, l’armée Israélienne y a établit un « no man’s land » de plusieurs centaines de mètres de profondeur en territoire palestinien (et non israélien) où toute construction est rasée, tout arbre abattu, où il est interdit aux civils d’approcher ou de cultiver leurs champs.
Dans ces conditions, on voit bien que l’exercice de la violence par Israël dans la bande de Gaza est permanent et que vouloir établir une chronologie et une responsabilité de quand et par qui ont commencé les violences ayant mené à l’opération « Piller de Défense » est illusoire. Ainsi, si le gouvernement Israélien impute à l’attaque par le Jihad Islamique d’une patrouille militaire, il oublie de mentionner que son armée avait abattu un civil palestinien la veille.
Par ailleurs, le Hamas n’exerce pas un contrôle absolu sur la bande de Gaza. Certes, il y exerce le pouvoir civil, mais il existe d’autres mouvements armés tel que le Jihad Islamique ou le FPLP sur lequel le Hamas n’a pas d’autorité militaire. Ces mouvements sont même plutôt rivaux ou concurrents du Hamas pour apparaître le plus en pointe dans la lutte contre l’occupant.
Dans ce contexte, l’opération militaire « pilier de défense » a clairement fait le jeu des extrémistes à Gaza, qu’ils soient du Hamas ou du Jihad Islamique.
Avant l’opération « Pilier de Défense », existait un relativement « bas » niveau de violence.
(à l’échelle du conflit Israélo – Palestinien). Le Hamas, en exerçant le pouvoir de fait à Gaza se retrouve également responsable de l’application de la trêve, ou du moins du respect du bas niveau d’intensité de la violence vis-à-vis de Gaza. Ceci amène le Hamas à devoir imposer la trêve aux autres groupes armés, en courant le risque de se voir considérer comme le « supplétif d’Israël » aux yeux des organisations rivales.
A cet égard, il est intéressant de rappeler que le garant des accords de cessez-le-feu avec Israël, qui avait également négocié la libération du soldat Shalit s’appelait Ahmed Al Jabari. Il était également engagé dans des négociations secrètes avec Israël pour une trêve plus pérenne.
L’attaque sur une patrouille israélienne le 6 novembre, prétexte à la guerre selon Israël, a été le fait du Jihad Islamique, de même que le tunnel piégé le 10 novembre. Le Jihad Islamique a ainsi voulu marquer des points dans l’opinion palestinienne en montrant qu’il était un meilleur garant de la lutte armée contre l’occupant que le Hamas. Pendant les premiers jours de l’opération « Pilier de Défense », et jusqu’au 14 novembre, le Jihad Islamique et le FPLP sont en pointes des tirs de roquettes sur Israël, le Hamas restant en retrait.
La réponse d’Israël fut d’assassiner … Ahmed Al Jabari, chef militaire du Hamas dont le rôle était justement de faire appliquer la trêve au Hamas et aux autres groupes armées. Le chef militaire du Hamas donnant l’ordre à ses soldats de rester l’arme au pied supprimé, les artilleurs du Hamas entrent dans la danse avec deux conséquences.
Le Hamas fait la démonstration de sa force de frappe en lançant pour la première fois des roquettes longues portées (de fabrication iranienne) sur Tel-Aviv et Jerusalem,
Le Hamas renoue avec la pratique des attentats terroristes en faisant exploser un bus en plein Tel-Aviv, pratique à laquelle il avait officieusement renoncé depuis 2005.
La trêve signée le 21 novembre parachève la victoire idéologique des plus extrémistes, au Hamas comme au Jihad Islamique.
D’une part, le Hamas ayant joué un rôle de premier plan dans les opérations militaires palestiniennes voit son blason redoré comme principale composante armée de la résistance palestinienne et efface les accusations de « supplétif d’Israël » dont il était l’objet de la part des autres groupes armés.
D’autre part, l’ensemble des factions reposant sur la lutte armée peuvent se prévaloir d’un succès : l’ouverture de négociation quant à un allègement du blocus sur Gaza.
De plus, Tsahal a dû reconnaître qu’une opération militaire terrestre ne pouvait aboutir à un succès, sauf à réoccuper durablement Gaza et avec des pertes militaires importantes. Ce qui, de fait, est une reconnaissance de la capacité militaire croissante des groupes armés palestiniens.
Enfin, alors que l’OLP et le Fatah auraient dû occuper le devant de la scène médiatique avec le prochain vote à l’ONU de la reconnaissance d’un état palestinien, ils ont été totalement absent, incapable de peser sur le cours des événements, juste contraint de faire un nouveau geste de rapprochement avec le Hamas en Cisjordanie…
Au final de cette séquence, a été démontré une nouvelle fois que la stratégie non-violente menée par l’ OLP est un échec total, avec l’absence totale de négociation, la poursuite de la colonisation ... Elle a démontré également que l’option armée pouvait apporter des victoires certes mineures (allègement du blocus) et que Tsahal n’était pas en capacité militaire de renverser le Hamas sans craindre un enlisement comparable à celui de l’opération « raison de la colère » au Liban, unanimement considéré comme un échec militaire.
Bref, si le but du gouvernement Israélien en lançant « Pilier de Défense » était d’apporter la sécurité à laquelle peuvent légitimement aspirer les habitants du sud d’Israël, c’est un échec complet.
Si le but était de montrer l’affaiblissement de l’OLP et de Mahmoud Abbas pour prouver qu’il n’y a « pas de partenaire pour la paix », c’est au contraire très finement joué.
Article initialement paru sur le blog "pensées politiques et communistes"
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