Guerre et fantasmes : Tentative d’équation…
Cela fait des années déjà que la chansonnette d’une guerre contre l’Iran fait son chemin dans bien des chaumières. Le schéma de base est en gros le suivant : Oui petit, on a bien des problèmes, mais tu sais… y’a un loup dans le jardin !
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Ce que l’on appelle « loup » est une sorte d’axe en cours de constitution, qui pourrait facilement relier le Pacifique à la Méditerranée, c’est-à-dire inaugurer le Shangaï-Beyrouth, un transsibérien d’un genre nouveau : Le Hezbollah règne sur le gouvernement libanais, Bachar le pro-Téhéran tient encore la route tant bien que mal, et l’Irak sans les ricains ne pourra pas grand-chose contre l’influence de son voisin chiite qui se fait de plus en plus ouvertement.
On chantonne donc à tue-tête que l’Etat Hébreu, avec ou sans l’aide US (et, si accessoirement, l’appui occidental) pourrait initier des frappes contre l’Iran. On finit par se dire qu’il faut reposer clairement les données de l’équation, pour savoir au juste ce qu’il en est, et venir à bout de ce qui se présente là comme un canular qui n’en finit plus….
D’abord, il est clair, que la question de l’arme atomique est un vieil épouvantail qui ne tient pas la route : Un bon commentateur de ce site a déjà bien démontré à quel point techniquement et militairement c’est totalement obsolète (on m’excusera de ne pas retrouver ce commentaire, le moteur de recherche local ayant ses limites) ; il faut encore savoir que même si l’Iran cherche à se doter de cette arme, que pourrait une seule bombe contre les centaines à recevoir en réponse ? Rien. Et même en cas de stupide démarche suicidaire de destruction atomique de l’Etat d’Israël, les sous-marins ou les copains ne manqueraient pas de donner immédiatement une réponse cinglante - et plutôt définitive.
Ensuite (et surtout), il faut juste se déshabiller un instant de la propagande et se poser une toute petite question : Il y a eu « révolution française » et tous les théoriciens de l’affaire (jusqu’à l’obscur Saint-Just) sont traduits dans bien des langues européennes ; puis il y a eu « révolution russe » et Marx, Lénine, jusqu’à Bakounine et Trotski sont dans toutes les librairies ; idem pour Cuba, Maspero offrait déjà une très valable traduction des écrits militaires du Che et bien d’autres textes. Mais attendez… Pourquoi Khomeiny n’a jamais été traduit ? Sinon de la manière la plus partielle, partiale et caricaturale ? Voilà la plus grande erreur de l’Occident : S’ils avaient assumé de traduire Khomeiny, l’Iran actuel serait déjà un souvenir, la bataille idéologique aurait été gagnée.
Cette traduction aurait d’abord, au passage, permis de comprendre que l’attaque amplifiée des populations civiles est exclue par les principes mêmes de la révolution iranienne, mais surtout elle aurait permis de découvrir que ce que la pensée occidentale considère comme son dernier grand pas de taille, advenu au XXe siècle, et qui s’intitule « Heidegger », existait déjà en Iran au tout début du XIXe avec un certain Mollah Sadra Shirazî – Un siècle et demi d’avance… qui ont permis aux iraniens de pousser leur théologie jusqu’au quasi-statut de « science exacte » ; on pourrait dire que c’est inimaginable, presque incongru, mais comment voulez-vous qu’en cette absence des textes fondateurs l’on puisse en juger sérieusement ?
Bref donc, l’arme atomique ne les intéresse pas, par contre assurer une alimentation énergétique digne du 21ème est devenu leur cheval de bataille.
Mais une guerre ce n’est sûrement pas que l’atome… Revenons donc vers cet axe évoqué plus haut : Israël se doute bien qu’en cas d’attaque sur l’Iran, si Bachar est plus ou moins coincé pour l’heure, le Hezbollah par contre a plutôt les coudées franches, et il est pile à quelques mètres de la Galilée…
Avant d’envisager en quoi consisterait au juste la réaction hezbiste en cas d’agression, revenons vers un bilan rapide de la dernière confrontation entre Tsibi et les copains d’un côté, et Hassan Nasrallah de l’autre, et voyons donc ce que le fiasco de 2006 nous a enseigné :
1/ Israël dispose d’une puissance de feu inouïe : Aviation (certes plus vraiment à la page, mais très suffisante), Marine plutôt coriace (pas la nôtre…) ; Artillerie de qualité ; Blindés en grand nombre… Et le Hezbollah n’a rien de tout cela, si ce n’est quelques canons, et surtout ses dizaines de milliers de missiles. Mais ce ne sont pas, on le verra, ces quelques missiles qui ont assuré une véritable résistance.
2/ Israël (merci de ne pas huer) ne dispose plus de soldats - c’est un secret de polichinelle : à part quelques troupes d’élite, le reste est désormais risible. On a bien vu, dans les images de 2006, ces petits soldats accompagnés au front par leurs mamans, avec leurs brosses à dents... Je vous passe les fous rires des gens du Hezb sur ces images. L’équation est simple : Une armée ne vaut que ce que valent ses soldats, et la grande différence entre un soldat de Tsahal et un soldat du Hezb, c’est que si le premier veut d’abord essayer de ne pas mourir, le second cherche surtout à « bien mourir ». De plus, au vu de ces différences en matériel, les entraînements sont différents : Alors que Tsahal cherche encore classiquement à fabriquer des mini-rambos-modèle-eighties, l’entraînement hezbiste en est l’envers exact : pas de muscles, mais souplesse, grande résistance, et dissimulation surtout.
3/ Avant même la fin des accrochages en Août 2006, le quotidien Ma’ariv avait titré : « we lost the war » - Pourquoi et comment ? D’abord il faut savoir que Nasrallah a lui-même volontairement initié cette guerre par un enlèvement de soldats, coincé qu’il était par la situation post-attentats de Beyrouth et la résolution 1559 qui exigeait son désarmement, ensuite il faut constater que dès le tout début, la réaction israélienne (qui d’habitude est tranquille et confiante) s’est alors déroulée de manière plutôt hystérique : Bombes de 23 tommes sur la banlieue sud de Beyrouth, rasages systématique de quartiers chiites entiers, etc. – Le seul ennui, c’est qu’ils étaient vides ces quartiers, tous les habitants de la banlieue sud de Beyrouth s’étant réfugiés entre la vallée de la Bekaa, à l’Est du pays, et les montagnes chrétiennes, pour ceux qui avaient des copains. Ensuite, il faut relever qu’à part bombarder pendant des jours, les troupes au sol ne suivaient pas… Grande frousse justifiée : Au moment où, finalement, ils décident d’engager les combats au sol, au niveau infanterie c’est un fiasco inénarrable et, lorsqu’ils décident enfin d’engager plus fortement leurs merkavas, ils découvrent que les hezbistes disposent de roquettes dernier cri qui font un ravage (le mot est léger).
4/ Israël perd deux fois la guerre médiatique : D’abord malgré écroulement de l’immeuble des locaux de la télé Al-Manar, ces satanés barbus continuent d’émettre allègrement tout au long du conflit ! Ensuite et surtout : Avant, pendant et après la guerre, à tous les sondages demandant à la population israélienne « A quel dirigeant politique faites-vous le plus confiance ? Qui estimez-vous, lorsqu’il vous dit quelque chose, qu’il n’est pas en train de vous mentir ? », la réponse quasi-unanime était… Hassan Nasrallah – on est mal.
5/ L’un des jeux préférés de Nasrallah dans ses discours, c’est le coup des surprises : D’abord pendant la guerre, la surprise de dire « on va envoyer des missiles au-delà de Haïfa », puis il invente l’expression « attention à l’au-delà de l’au-delà de Haïfa », autrement dit : Gens de Tel-Aviv, préparez vos abris. L’équation à l’époque était : Si vous frappez la capitale on frappera la capitale… Depuis, ce schéma a évolué : Désormais Nasrallah précise qu’il se fout de Beyrouth, et que le bombardement de Tel Aviv répondrait au seul bombardement de la Banlieue-de-Beyrouth, ensuite il ajoute que ses capacités en missiles s’étant nettement améliorées, l’équation devient : Toute frappe d’aéroport, d’installation portuaire, d’usine électrique, ou autre, trouvera son immédiat et exact équivalent, sur l’heure, autrement dit : C’est tout l’état hébreu qui est à ma portée, et je peux terroriser le Néguev même à partir de l’extrême Nord du Liban.
6/ Or l’aviation comme la marine israélienne n’ont pas réussi à venir à bout de ces rampes de lancement en 2006 ; seule une opération au sol, et qui consisterait à traverser les 200km du Sud au Nord du Liban pourrait en venir à bout. Or c’est exactement ce qu’attendent et souhaitent (en prière) les hezbistes : Venez sur le vrai ring les enfants, on n’attend que ça !…
7/ A part concocter des coups médiatiques assez drôles, comme cette nuit de fin juillet 06 où Nasrallah apparaît en direct à la télé et appelle tous les Beyrouthins à sortir sur leurs terrasses et balcons pour regarder du côté de la mer et voir à la seconde même (!) un missile toucher de plein fouet un navire israélien, à part cela donc (et en surplus des drones déjà partie de son arsenal mais pas tellement utiles), Nasrallah vient dernièrement de déclarer qu’il dispose désormais d’une toute nouvelle surprise qui attendrait Tsahal en cas d’agression… De quoi s’agit-il ? Il n’est pas difficile de deviner que la seule chose qui lui manque ce ne sont pas des chars, ça ne l’intéresse pas (trop lourd, trop fragile et exposé), non : C’est tout bonnement la couverture anti-aérienne nécessaire. Voilà donc un Tsahal à envisager désormais sans son aviation, c’est-à-dire ? Un zéro pointé, à gauche…
8/ Tout cela l’état major israélien le sait, ça n’empêche pas monsieur muscle de faire son show… que pourrait-il faire d’autre ? Mais il reste encore un dernier point, le plus inquiétant pour les hébreux, c’est que dernièrement aussi, Nasrallah a précisé que non seulement donc il avait des surprises, mais qu’en cas d’agression, cette fois les choses ne se passeraient plus comme avant ; conscient d’une supériorité possible au sol, il menace : Sur ce coup, sachez que nous entamerons au sol une Opération de Libération de la Galilée (dans un premier temps), et que tous vos avions n’y pourront rien, puisque nous agissons (vous le savez) par centaines de groupuscules sur le terrain, et que surtout, depuis des années, nos troupes sont surtout entraînées en vue de cet objectif.
Au terme de ce parcours, il semble clair que disposant encore de sérieuses capacités défensives non négligeables, Israël est, depuis 2006, essentiellement une chose qui fait du bruit. Cela permet que les malheurs du « sperme athénien » soit moins audibles et que les pertes de triple A deviennent moins visibles, sans plus.
Dormons tranquilles, le spectacle, bien qu’usé jusqu’à la corde, ne manquera pas de se poursuivre, mais il est clair que le temps héroïque indéniable des sublimes combattants du grand Autel Israël est révolu. Restent les chatouillis médiatiques, il suffit de zapper, n’importe quel télé-réalité est plus proche du réel…
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