Hamas : à qui la faute ?
Les élections législatives dans les territoires palestiniens ont pris de court la communauté internationale. On s’affaire dans les couloirs diplomatiques pour s’entendre sur les conséquences de la victoire écrasante du Hamas. Le mot d’ordre reste la fermeté. Aucune démocratie occidentale ne peut raisonnablement accepter qu’un parti radical de tendance islamique puisse prendre le pouvoir tout en clamant son refus de reconnaître l’État d’Israël. L’heure n’est plus à l’indifférence sur un conflit qui perdure depuis plus de cinquante ans, mais plutôt à la panique. En cette ère de combat planétaire contre le terrorisme islamique, l’Amérique fronce les sourcils, et l’Europe semble soudainement sortir de sa léthargie dans la perception de la question proche-orientale.
Ce prompt affolement ne doit pas cacher les raisons qui ont permis au Hamas de prendre les rênes du pouvoir. Tout aura été dit sur ces raisons, mais pas assez sur les responsabilités. Établir des élections démocratiques ne signifie pas forcément que les résultats puissent contenter ceux qui espèrent la victoire de la raison.
La démocratie est par essence déterminée, d’une part, par le mécontentement que procure une situation présente et, d’autre part, par la représentation de ce qu’est un ordre politico-social meilleur. Ainsi, la définition du mot démocratie varie selon le milieu et le moment de son emploi et bien sûr, selon le contexte doctrinal où il se trouve situé. Des élections démocratiques étant instituées, le Hamas allait bien tôt ou tard remporter des élections. N’avoir pas su présager l’évidence est une erreur bien plus grave que la victoire du Hamas. Si les observateurs du Moyen-Orient, devant le résultat des élections législatives palestiniennes de la semaine dernière, sont perplexes, c’est probablement qu’ils n’ont pas suffisamment « observé » l’évolution d’une société désespérée.
La déclaration de principes, signée à Washington le 13 septembre 1993 par Yasser Arafat et Itzhak Rabin, avait apporté dans les territoires occupés une réelle espérance parmi la population palestinienne. La poignée de main entre le leader de l’Autorité palestinienne et le premier ministre de l’État hébreu leur annonçait enfin l’espoir d’entrevoir un État. Même si certains affichaient un scepticisme de nature, la majorité des Palestiniens donnait son aval à un compromis avec Israël. Mais, comme tout espoir, celui-ci était bien fragile. L’amertume et l’insuccès vont rapidement remplacer l’optimisme d’alors. Que s’est-il donc passé durant ces 13 années, depuis les accords d’Oslo de 1993 jusqu’à la victoire du Hamas, il y a de cela quelques semaines, pour que survienne un tel bouleversement ?
Des résultats présagés
Faut-il rappeler que les élections générales ont été organisées dans des territoires toujours contrôlés ou occupés par l’armée israélienne depuis 1967 ? (Gaza n’étant évacué que depuis l’été dernier). L’humiliation quotidienne que l’armée israélienne fait subir à la population palestinienne a très certainement renforcé l’idée que l’occupant n’a que faire de la dignité des Palestiniens. Les rapports des organisations israéliennes, comme
La corruption avérée du Fatah ne doit pas non plus cacher les responsabilités du gouvernement israélien sur son rôle dans la chute de ce parti incapable d’améliorer les conditions de vie de ses concitoyens. Depuis les accords d’Oslo, les autorités israéliennes n’ont jamais cessé l’implantation de nouvelles colonies ou l’agrandissement des anciennes. Quant aux fermetures répétées et arbitraires des points de passages qui relient les villes et villages palestiniens des territoires, ils ont considérablement détérioré la situation économique d’un peuple déjà isolé par cinq ans d’Intifada.
De plus, la majorité des Palestiniens sont bien conscients qu’ils n’ont aucun moyen d’agir sur les événements. Soulignons au passage que les partis politiques ont cette fonction de projection vers l’avenir, afin de proposer des solutions pour une vie meilleure. Quand le premier ministre Ariel Sharon séquestrait, pendant trois ans, le leader de l’Autorité palestinienne (2001 - 2004) Yasser Arafat, dans sa résidence à moitié bombardée de
Il est évident qu’un processus de paix, quel qu’il soit, ne peut s’établir seulement sur des propositions de principes. Il se vérifie aussi par des actions concrètes, qui permettent d’établir une confiance mutuelle. Les attentats perpétrés par les kamikazes palestiniens, les meurtres ciblés par l’aviation israélienne, les destructions de domiciles par Tsahal ou les déracinements d’oliveraies par des colons en furie ne sont certainement pas la façon la plus adéquate d’établir cette confiance.
Toutes les bonnes intentions du président Bush de mettre en place un État palestinien aux côtés d’Israël seront toujours sans conséquence, tant que les partis concernés refuseront de prendre leurs responsabilités. En évacuant unilatéralement les colonies de Gaza (17 colonies habitées par 8000 colons), le premier ministre Ariel Sharon a permis à son gouvernement de focaliser son attention sur
La Barrière de sécurité érigée par le gouvernement israélien ne peut faire oublier qu’elle est aussi un mur qui englobe sur son passage certaines des principales colonies construites en Cisjordanie. L’État hébreu est en droit de se protéger des attentats. Or, en utilisant la rhétorique de la sécurité pour gruger dans cet élan les territoires palestiniens, il ne fait que tromper les citoyens israéliens, en hypothéquant un éventuel accord territorial déjà bien malmené.
Le Hamas mieux que le Fatah ?
L’élection du Hamas apporte effectivement avec elle une nouvelle réalité pour les observateurs internationaux, et l’inquiétude pour Israël. Même si aujourd’hui l’État hébreu se refuse à tout contact avec le Hamas, l’histoire nous enseigne que ce ne fut pas toujours le cas. Durant les premières années 1970, n’est-ce pas Ariel Sharon qui finançait en sous-main les mosquées du Hamas ? Il est vrai qu’à l’époque, l’OLP (Organisation de libération de
Aujourd’hui, même si les craintes des Israéliens sont légitimes parce que la venue d’un mouvement radical au pouvoir pourrait renvoyer l’avenir du processus de paix aux calendes grecques, la surprise qu’affiche la communauté internationale face à l’avènement du Hamas paraît bien étrange. Tous les analystes du monde arabe s’entendent pour dire que l’islam radical est en progression, du Maroc en l’Irak, en passant par
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