Hamas : une première désillusion
Après une interview encourageante donnée aujourd’hui par le Premier ministre palestinien au Washington Post, un soulagement teinté d’espoir semblait être de mise au sein des milieux diplomatiques internationaux, excepté bien sûr parmi les ennemis déclarés de l’Etat hébreu.
Dans son entretien avec le journaliste du quotidien américain, Ismaël Haniyeh avait notamment déclaré que "le Hamas ne désire pas jeter les Juifs à la mer". Propos ô combien percutants et lourds de sens, venant d’un groupe terroriste qui faisait jusqu’à présent de la destruction d’Israël et du massacre des juifs des éléments immuables de sa ligne idéologique. Des dires du nouvel homme fort du mouvement islamiste, on retiendra également ces deux extraits : "Si Israël se replie sur les frontières de 67, nous fixerons des étapes afin d’évoluer vers la paix" et "nous ne cherchons pas la guerre et nous n’en sommes pas des initiateurs. Nous ne sommes pas intéressés par un cercle vicieux de violence. Nous sommes un peuple opprimé avec des droits. Si la paix nous redonne nos droits, ce sera bon".
Sans discuter du bien-fondé de ces affirmations, il est indéniable qu’elles auraient constitué une évolution idéologique fondamentale du Mouvement pour la résistance islamique, et ouvert la voie à d’autres perspectives favorables à la résolution du conflit. Auraient, car quelques heures après la publication de cette interview, le Premier ministre palestinien a nié avoir tenu de tels propos, dénonçant une traduction inexacte de ses paroles.
Le porte-parole du Hamas, Salah Bardaweil, a donc dissocié son organisation de ces dires, demandant aux journalistes de faire preuve de rigueur à l’avenir quant à la retranscription des paroles du Premier ministre, celui-ci ne parlant pas anglais. Il a également ajouté qu’Ismaël Haniyeh avait affirmé, en réponse à une question à propos de la reconnaissance de l’Etat juif, que "si Israël se désengage des territoires conquis après 67, libère tous les prisoniers palestiniens et permet le retour des réfugiés chez eux, nous pourrons en discuter". Il a également affirmé que, plus tard dans l’interview, M. Haniyeh avait déclaré que "si Israël accepte les conditions que j’ai mentionnées, nous serons disposés à accepter un accord de paix temporaire. Le Cheikh Yassine avait déjà posé ainsi le fondement de cet accord et d’une hudna sur le long terme".
L’intention n’est donc absolument pas la même. Si Israël accède aux conditions posées par le Premier ministre palestinien - repli sur les frontières de 1967, retour des réfugiés et libération des prisonniers - alors seulement l’Autorité palestinienne pourra éventuellement envisager une reconnaissance de l’Etat sioniste, ne parlons pas de la paix.
Il convient en outre d’analyser avec précision cette "offre" adressée à Israël par le mouvement islamiste.
Tout d’abord, soulignons que, dans la conception palestinienne, le retour des réfugiés consiste en un retour en Israël même de plusieurs millions de Palestiniens exilés dans les pays arabes. Une telle décision impliquerait bien évidemment de fait la mort ontologique de l’Etat juif en mettant fin à la majorité hébraïque dans le pays, qui serait ainsi remplacée par une majorité arabe. Cette condition est donc forcément et complètement inacceptable pour Israël.
Ensuite, il est intéressant de s’attarder sur le terme arabe de hudna. Loin de la traduction approximative de "cessez-le-feu" que lui attribuent souvent les médias occidentaux, ce terme possède une signification historique bien plus subtile pour les musulmans, et d’autant plus pour les islamistes. "Cessez-le-feu temporaire afin de réarmer et de repasser à l’attaque" serait une traduction plus juste de ce mot. Car la hudna générique fait référence à la légendaire hudna d’une décennie conclue au VIIe siècle par Mahomet avec ses ennemis de la tribu Quraysh qui contrôlait alors la Mecque. Durant les années qui suivirent l’accord, le prophète de l’islam se réarma et profita d’une entorse mineure à la hudna par ses adversaires pour se lancer dans une conquête massive afin de reprendre la Mecque. Ce n’est certainement pas ce pragmatisme-là que les journalistes occidentaux avaient en tête lorsqu’ils ont décrit le nouveau Premier ministre palestinien.
Enfin, en réfutant implicitement avoir déclaré que "le Hamas ne souhaite pas rejeter les juifs à la mer", Ismaël Haniyeh ne nie donc en rien l’existence d’une telle volonté au sein du mouvement islamiste et n’écarte pas sa mise en application effective.
Les membres de la communauté internationale et le gouvernement israélien auront donc vite déchanté à la suite de ces quelques rectifications. L’emploi du terme de hudna, quant à lui, devrait inciter l’Etat hébreu à la prudence car, outre son sens historique non négligeable, il n’est pas sans rappeler l’usage qu’en fit feu Yasser Arafat afin de justifier les accords d’Oslo et leur cessez-le-feu, nécessaires et préalables à une future "marche sur Jérusalem".
5 réactions à cet article
Ajouter une réaction
Pour réagir, identifiez-vous avec votre login / mot de passe, en haut à droite de cette page
Si vous n'avez pas de login / mot de passe, vous devez vous inscrire ici.
FAIRE UN DON