Dans une contrée où les renonçants sont des rois.
Lundi 15 mars dernier était le jour le plus important de la Kumbh Mela. La ville sainte de Haridwar a été prise d’assaut par une marée humaine de millions de pèlerins. Le second bain royal des Sadhus, ‘Shahi Snan’ a coïncidé avec ‘Somvati Amavashya’, un lundi de lune noire, une combinaison astrologique rare qui ne s’était pas produite depuis 760 ans. Les dévots sont venus de partout, par avion, train, bus, voiture, moto ou même à pied. Par millions pour participer à ce rassemblement religieux exceptionnel et approcher des hommes et femmes saintes, afin de recevoir leur bénédiction.
Un flot de dévotion et d’amour inconditionnel a surgi d’une population dense et diversifiée tout au long de la procession. Après le défilé des chars les sadhus ont eu l’honneur de s’immerger en premier dans les eaux du Gange à l’heure la plus propice vers 11h dans « le saint du saint », le ghât le plus ancien : ‘Har Ki Pauri’. Le commun des mortels a pu s’y baigner à son tour à partir de 17h30 en parallèle des Naga-Babas nus et couverts de cendres, et des Sadhus parés d’une toge orange symbolisant leur renoncement à la vie civile. Chacun prend symboliquement un nouveau départ, après cette purification rituelle collective.
Un challenge organisationnel pour le gouvernement indien.
La Kumbh Mela 2010 se déroule depuis le 14 janvier et s’achèvera le 28 avril. C’est la première fois que le festival dure aussi longtemps, plus de trois mois durant lesquels on s’attend à recevoir plus de 50 millions de pèlerins. Les autorités ont dû installer un dispositif de sécurité sans précédent et le renforcer après l’attentat à la bombe de Pune du 14 février dernier qui a fait 18 morts et plus de 60 blessés. Cet attentat dans une « German Bakery » est le premier d’ampleur sur le sol indien depuis les attentats sanglants de Bombay qui avaient fait 166 morts en novembre 2008.
Le risque d’attentat existe, tout comme le risque de mouvement de foule provoquant la mort par piétinement. Rappelons qu’à la Kumbh Mela de 1954 plus de 800 personnes avaient été tuées piétinées lors d’un mouvement de foule. En 2010 à Haridwar un semblant d’ordre est pourtant palpable. Tout est mis en œuvre pour prévenir d’un drame humain à grande échelle. Plus de 10000 policiers, l’armée ainsi que les forces spéciales d’intervention rapide et anti-terroriste (RAF) ont été mobilisés pour maitriser le bon déroulement du plus grand rassemblement religieux au monde.
La MahaKumbh Mela est l’un des piliers de l’Hindouisme.
Il célèbre une bataille mythique et la victoire des dieux sur les démons lors d’un combat pour le nectar d’immortalité. Ce rassemblement gigantesque n’a lieu qu’une fois tous les 12 ans dans chacune des 4 villes les plus sacrées de l’Inde ; que sont Haridwar aux portes des Himalayas dans l’état de l’Uttarakhand et Allahabad, toutes deux sur les rives du Gange ; Ujjain au centre ; et Nasik près de Bombay. Des millions de personnes convergent tous les trois ans à certaines dates précises déterminées par des astrologues érudits.
Les pèlerins viennent tous se purifier symboliquement de leurs péchés, mauvaises actions et intentions passées et présentes. La religion hindoue est basée sur la loi de cause à effet (Karma). Les hindous croient ainsi que nous nous réincarnons après la mort dans d’autres corps, et qu’il nous faut endosser de nombreux costumes avant d’atteindre le Nirvana, la libération du cycle de renaissance et de souffrance. Cette baignade imprégnée de dévotion envers les dieux rassemble toutes les âmes en une prière collective pour obtenir du fleuve la bénédiction d’une future bonne réincarnation. Dans cet acte de ferveur, hommes et femmes, jeunes et vieux, riches et pauvres oublient un instant toutes les barrières sociales et de caste, et ne forment plus qu’une seule entité, une seule âme, "Ek Athma".
Shiva Shakti Shanti © (Crédit Photo & Copyright)